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ONET malhonnête, CHU complice !

« Sans nous, il n’y aurait pas Onet » : au CHU de Montpellier, les grévistes racontent leur lutte

Qui sont les grévistes d’Onet du CHU de Montpellier qui luttent pour leurs salaires et leurs conditions de travail ? Alors que la grève entre dans sa troisième semaine, la détermination des grévistes est toujours aussi forte. Portrait de ces travailleurs essentiels et de leur lutte !

Violette Guibert

28 septembre 2023

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« Sans nous, il n'y aurait pas Onet » : au CHU de Montpellier, les grévistes racontent leur lutte

Tous les matins dès 5 heures, la colère s’organise à l’hôpital Lapeyronie, où les travailleuses et travailleurs du nettoyage du sous-traitant ONET entament leur troisième semaine de grève. Tractages autour du CHU rassemblement de soutien sur le piquet, participation à la manifestation contre le racisme et les violences policières le 23 septembre, ou encore des rassemblements désormais quotidiens (à 16 heures) devant la direction régionale de la SNCF pour mettre en grève les salariés de Onet qui y travaillent, et mettre la pression au patron sur un autre de ses chantiers : tout est fait pour visibiliser la grève et élargir les soutiens. Au cœur de cette organisation quotidienne, la caisse de grève, un outil pour les grévistes pour tenir jusqu’à la victoire et qui a déjà permis de récolter plusieurs milliers d’euros.

Si la détermination est aussi forte, c’est que les raisons de la colère sont profondes. Beaucoup de grévistes, qui ont beaucoup d’ancienneté au CHU, ont connu plusieurs patrons, Onet n’étant arrivé qu’en 2010. Ils ont vu la dégradation des conditions de travail, un management toujours plus brutal, et beaucoup n’en sont pas à leur première grève. En 2002, certains ont déjà lutté pour le 13ème mois contre l’ancien sous-traitant, l’entreprise Hôpital service, et l’ont toujours, comme Nadya, qui travaille au CHU depuis une trentaine d’années : « On veut une prime de risque et on défend les collègues pour le treizième mois », affirme-t-elle. En cette période d’inflation, ils mettent un point d’honneur à porter haut et fort cette revendication en solidarité avec leurs collègues qui ne l’ont pas, dont ils connaissent et partagent le quotidien, avec ses galères et ses factures à payer.

« Le salaire qu’on touche c’est le SMIC, qu’est-ce qu’on va faire avec le SMIC ? » s’exclama Nadya. « Payer le loyer, le loyer il est trop cher, les courses elles sont chères, il faut habiller les enfants, leurs études… Il y a plein de choses ! Avec le SMIC on peut rien faire. On peut rien faire. A la fin du mois, on est à découvert, et on y arrive pas. »

Une précarité imposée par les contrats à temps partiel, véritable norme dans un secteur aussi féminisé que le nettoyage. Le temps partiel précarise et pénalise toujours plus les travailleuses, qui toucheront également une retraite de misère. Pour faire vivre leur famille, certains grévistes sont obligés de cumuler plusieurs emplois en temps partiel, et partagent actuellement leur temps entre piquet de grève ou tractages autour du CHU, temps consacré à s’occuper de leurs enfants, et heures de travail pour une autre entreprise, ailleurs dans Montpellier, où n’est pas encore passé le souffle de la lutte collective.

« On n’est pas des robots » : des conditions de travail qui ne passent plus !

En plus des revendications autour des salaires, les grévistes dénoncent également une surveillance constante de leurs faits et gestes. En cause la mise en place d’un nouveau dispositif de pointage. Munis d’un téléphone dédié, les travailleuses et les travailleurs doivent aller badger dans un bâtiment précis en arrivant et en partant, et doivent ensuite badger dans chaque toilette ou bureau nettoyé, ce qui complique beaucoup le travail, comme le résume Marina : « à chaque pièce il faut scanner, en entrant et en sortant, deux fois. Si on a 30 bureaux, on doit scanner 60 fois ».

Ce dispositif, qui a pour but de contrôler les moindres faits et gestes des travailleurs et d’accélérer toujours plus des cadences déjà infernales, rend en lui-même le rythme encore plus difficile à tenir. « Si on reste que à scanner scanner, on a pas le temps de faire notre travail » poursuit la salariée.

La surveillance accrue des managers qui accompagne ce nouveau dispositif a aussi des conséquences sur la santé mentale des grévistes. Mustapha travaille au CHU depuis plus de 20 ans et témoigne : « On doit pointer à chaque pièce, ils nous contrôlent pour voir si on a bien pointé et nous, ça nous met une pression, moralement etc. Quand on rentre chez nous, on est pas bien. Et ça, ils veulent pas en entendre parler. C’est du travail supplémentaire, alors il faut une rémunération supplémentaire, parce que c’est une perte de temps. »

L’arrivée de ce nouveau dispositif, sans même que le personnel en soit informé, cristallise un ras-le-bol général autour des cadences et des conditions de travail. En plus de contrôler leur temps passé dans chaque pièce, les patrons contrôlent ensuite la qualité d’un travail impossible à faire dans le temps imparti. Des conditions irréalisables que dénonce Stéphane : « Ils ont donné encore plus de boulot, moins d’heures, et s’ils veulent qu’on le fasse, ils nous obligent à tricher, dans les services les plus méticuleux. Quand c’est des bureaux, on peut les faire en entier une fois par semaine, mais s’ils nous demandent de faire plus, on est obligés de tricher. On fait de notre mieux, mais après quand la contrôleuse vient vérifier les pièces qu’on fait, elle trouve des petits détails qu’on n’a pas le temps de faire. »

Il explique ensuite comment les patrons essayent en permanence de réduire les contrats, au détriment de la qualité du travail : « Même quelqu’un qui est en temps plein, s’il va jusqu’à midi, ils vont enlever une heure, gratter une heure, pour le faire aller jusqu’à 11 heures. Surtout, si c’est un machiniste, qu’il doit passer la machine, finir à 11 heures, il va pas y arriver. Déjà que c’est pas évident de finir à midi, notamment pour les machinistes, en finissant à 11 heures il va avoir le temps de rien faire. »

Ces cadences infernales rendent la vie encore plus dures à celles et ceux qui effectuent déjà un travail particulièrement usant. « Se lever tous les jours à 4 heures du matin c’est pas facile déjà, quand on a pas mal d’années » ajoute Mustapha. « Et même le travail n’est pas facile en lui-même, parce qu’on a toujours plusieurs tâches à la fois, et qu’il faut être speed, parce qu’on a un temps. Eux en plus ils nous surchargent de travail, ça va pas. Il y a une limite à tout, des choses qu’on peut et faire et des choses qu’on ne peut pas faire. On n’est pas des robots. »

Entre 4 et 5 heures du matin, toutes les lignes de tramway n’ont pas commencé leur service à Montpellier. Stéphane, qui habite le long de la ligne 2, doit alors marcher 8 kilomètres tous les matins pour se rendre à son travail ! Cela l’oblige à partir à 3h30 du matin. Depuis le début de la grève, il continue de faire ce trajet tous les matins à la même heure pour venir sur le piquet.

« Tout ce qu’il y a à l’hôpital c’est nous qui le nettoyons »

« C’est aussi difficile parce qu’on travaille au milieu du sang, quand quelqu’un saigne c’est nous qui ramassons, quand quelqu’un vomit c’est nous » rappelle Nadya. « Tout ce qu’il y a à l’hôpital c’est nous qui le nettoyons. Et ils sont pas reconnaissants »

L’occasion d’aborder le rôle de travailleurs essentiels de ces salariés de la sous-traitance, qui, bien qu’ils n’aient pas eu la même reconnaissance que les autres travailleurs du CHU, ont été, au pire de la pandémie de Covid-19, en première ligne face à la maladie. Plusieurs grévistes racontent par exemple qu’après avoir travaillé des mois au milieu des malades lors du premier confinement, une grève a été le seul moyen d’être un minimum respectés par des patrons voyous et un CHU complice, alors qu’on ne leur proposait au départ qu’une prime unique de 100€, dont étaient exclus les temps partiels, c’est-à-dire la plupart des employés !

Nadya se souvient :« On a fait la grève pour avoir une prime de risque, parce qu’on nous a dit que tout le monde a eu des primes de risque à l’hôpital, on a vu ça à la télé, mais nous on n’en avait pas. On a fait trois jours. »

Mais la prime obtenue, bien en deçà de celle de leurs collègues embauchés directement par le CHU, ne couvre pas les risques pris, comme le revendique Mustapha :
« Pendant le covid on était toujours là, on répondait présents, et malgré ça on a eu une petite prime, et c’est tout. Nous on veut quelque chose de constant, pas une petite prime d’un mois et on repart ».

Agnès, une autre gréviste, revient également sur la période des premières vagues de contamination : « Qu’ils nous écoutent, parce que c’est nous qui faisons le boulot ! Nous aussi on prend des risques, pendant le Covid on était là tout le temps au milieu des malades. Moi je m’étais forgée dans ma tête pour ne pas avoir peur, mais je croisais les doigts pour ne pas l’attraper ».

Cette accumulation de maltraitance et de mépris est devenue totalement insoutenable avec la persistance de l’inflation. Sur le piquet, Mustapha dénonce également, comme d’autres grévistes, la réforme des retraites, énième attaque du patronat contre celles et ceux qui font tourner la société. Une colère sur les conditions de travail qui se généralise selon un gréviste : « Maintenant, on remarque que partout sur les chantiers, les collègues ne sont pas contents, parce qu’on a une surcharge de travail ».

Les grévistes, qui entraînent désormais avec eux ceux qui nettoient les bureaux de la direction régionale de la SNCF, ne veulent rien lâcher : « Moi je serai là jusqu’à la fin, je mangerai des patates pour tenir », affirme Nadya. Stéphane ajoute : « Moi si tout le monde continue, je suis partant. Même s’il faut venir à pied 8 kilomètre, ça m’est égal ». Alors que Marina considère que « la seule solution c’est la grève » face à des patrons qui ne veulent pas écouter leurs revendications, les grévistes, sont sûrs de la justesse de leur combat et de la possibilité d’aller jusqu’au bout et de faire plier la multinationale, à l’image de leurs collègues des gares parisiennes en 2017. Car comme le rappelle Agnès : « Sans nous, il n’y aurait pas Onet ».


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