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Une décision qui fait jurisprudence

Tests salivaires. Quand le patronat veut fliquer les travailleurs... avec l’appui de l’État

L'affaire traîne depuis quelques années et débouche sur une jurisprudence nocive pour les travailleurs. Désormais, pour les "postes hyper-sensibles", les employeurs pourront décider eux-mêmes, et sans passer par la médecine du travail, de contrôler leurs employés sur suspicion de consommation de cannabis. Et, par conséquent, de pouvoir sanctionner directement les travailleurs. Julian Vadis

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Un imbroglio judiciaire qui dure depuis mars 2012

Mars 2012. L’entreprise du bâtiment Sud Travaux intègre à son règlement intérieur des contrôles salivaires aléatoires afin de vérifier que ses employés respectent l’interdiction d’être sous l’emprise de l’alcool ou de la drogue s’appliquant à l’ensemble de ses employés. Une pratique totalement illégale car supplantant le rôle de la médecine du travail et permettant un flicage serré de ses employés, sans aucun garde fou vis-à-vis des dérives évidentes qu’une telle mesure permet.

L’inspection du travail avait alors exigé le retrait de plusieurs points, notamment sur le fait que ces contrôles soient effectués par un supérieur hiérarchique et sur la question des sanctions, qui pouvaient aller jusqu’au licenciement pur et simple. Deux ans plus tard, le tribunal administratif de Nîmes annule la décision de l’inspection du travail, avant un nouveau rebondissement en août 2015. La Cour administrative d’appel de Marseille annule la décision du tribunal administratif, et rétablit de fait la décision de l’inspection du travail. En ce début de décembre 2016, l’affaire vient donc de trouver un épilogue douloureux pour les travailleurs : le Conseil d’État a validé les dispositions de Sud Travaux, réduisant toutefois l’usage de ces contrôles aux postes "hypersensibles" (mais sans préciser la délimitation réelle de "haut risques").

En définitive, l’instance patronale de l’entreprise a le champ libre pour traquer allégrement ses salariés. Une décision qui a déclenché l’émoi de la médecine du travail, dénonçant une politique répressive au détriment de la prévention et de l’accompagnement contre les addictions.

En quoi les tests salivaires par la direction est une offensive répressive ?

De prime abord, la décision de contrôler plus intensément les employés exerçant des fonctions à risques pour leur intégrité physique ou celle de leurs collègues peut sembler être une décision de bon sens. Pourtant, de nombreux écueils viennent rapidement ternir ce tableau. D’une part, les notions de "contrôle aléatoire" et de "postes hypersensibles" donnent un pouvoir démesuré dans un cadre juridique extrêmement flou. Quels postes jugés à risques ? Quel garde fou pour enrayer de potentiels contrôles récurrents sur certains employés ? Les interrogations sont nombreuses et peu de réponses rassurantes n’émergent.

D’autre part, le cannabis, par exemple, peut être détecté par test salivaire jusqu’à une journée après consommation. Un "petit joint" la veille au soir peut donc vous coûter votre poste le lendemain, ce qui empiète largement sur le cadre de la vie privée des travailleurs. Enfin, et même si la liste n’est pas exhaustive parce que cette décision ouvre le champ des possibles, la réalité objective de cette décision consiste à ce que le patron ait une emprise directe sur le train de vie de ses employés, avec de surcroît la capacité de punir sans procès le moindre salarié contrôlé positivement.

Mais au-delà de tous ces aspects, cette décision est scandaleuse sous un autre aspect. En effet, la consommation accrue de cannabis dans le bâtiment (au même titre que dans la restauration) répond à un rythme de travail effréné et à des conditions exécrables. En 2014, on comptait 183 morts sur les chantiers hexagonaux (sans compter les 30 morts sur les trajets). Une statistique qui place la profession au sommet des plus dangereux. Point de jurisprudence pour sécuriser les chantiers ou encore pour réduire le nombre d’intérimaires ou la journée de travail, la justice (de classe) préfère augmenter la chape répressive sur les travailleurs. En ce sens, il s’agit d’une attaque crapuleuse et ignoble contre notre camp social.


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