Alors même que le 24 mars, et la grève nationale interprofessionnelle du 31 mars, sont dans tous les esprits, des étudiants, comme des militants, dans les médias dominants la manifestation est quasi inexistante. Après les attentats meurtriers de Bruxelles, l’instrumentalisation du deuil par le gouvernement a repris du service avec le « nous sommes en guerre » de Valls, tandis que les médias dominants ont surfé sur la vague, monopolisant l’actualité par des enquêtes sous toutes les coutures au sujet des attentats.

Invisibiliser pour mieux éviter une jonction entre les différents secteurs ?

De fait, l’objectif est clair. Sur le plan médiatique, le gouvernement, bien aidé par les médias à sa botte tente d’invisibiliser au maximum la mobilisation en cours. C’est en quelque sorte faire la politique de l’autruche pour éviter toute convergence des colères, et une démonstration que le gouvernement a bel et bien peur d’une jonction entre les différents secteurs en lutte.

Pourtant dans les coulisses, les prochaines échéances de la mobilisation contre la loi Travail sont au cœur des discussions. Dans le Canard Enchainé, l’on apprend même que le 18 mars, Bernard Cazeneuve aurait inquiété ses collègues du gouvernement quant à « une jonction entre les étudiants et les zadistes » à Nantes. Certaines villes sont même « sous surveillance renforcée : Montpellier, Rennes, et Caen », continue le Canard.

Le jeu de la division syndicale dans les coulisses

C’est aussi sur le front de l’intersyndicale que le gouvernement poursuit sa politique de division. Alors qu’il a rallié avec succès la CFDT, brisant définitivement l’intersyndicale, déjà bien mal en point, puis la FAGE, un syndicat d’adhérents, sur le font des organisations étudiantes, puis tenter de diviser les travailleurs du public et du privé, c’est désormais l’UNEF qu’il tente de rallier. Toujours selon le Canard Enchainé, le 15 mars, William Martinet, président de l’UNEF était invité le 15 mars par le ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports.

Rendez-vous auquel, le président de l’organisation étudiante ne s’est pas rendu. Le ministre a demandé à la presse de se taire. Il s’agissait non seulement de taire ce camouflet, mais aussi de maintenir un « dialogue » constructif, avec William Martinez. Mais pour le moment, les manœuvres du gouvernement pour briser le front de l’intersyndicale étudiante ont échoué. La ligne de l’UNEF reste la même : le retrait total d’une loi qui n’est ni amendable, malgré les illusions qu’il a eu feint d’entretenir qu’il est peut-être possible de négocier ce retrait à Matignon.

La ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, s’est elle aussi adonnée à l’exercice de la rupture du front de la jeunesse. Selon le Canard Enchainé, elle aurait déroulé sa stratégie lors du séminaire gouvernemental, le 17 mars : « faire un geste en direction des étudiants », pour parvenir à « une décélération du mouvement étudiant » et de « trouver une solution avec l’UNEF avant les manifs ». Mais en vain, pour le moment, le front de l’intersyndicale étudiant tient tête au gouvernement.

Le gouvernement a peur de nos jonctions ? Opposons-lui notre unité pour le retrait total !

Alors que le gouvernement feint à se montrer préoccupé par les attentats meurtriers de Bruxelles plutôt que par la mobilisation contre la loi Travail, son objectif est d’éviter toute jonction entre étudiants, lycéens, salariés et autres secteurs en lutte. Cela est d’autant plus dangereux, que malgré les manœuvres du gouvernement, la majorité de la population, soit 58%, reste opposée fermement à cette réforme, mais aussi à la politique du gouvernement, et à la faillite de son tout sécuritaire. Ainsi cette colère contre la loi Travail ne s’est donc pas encore totalement révélée au grand jour, dans la rue, dans les lieux de travail et dans les universités.

Ainsi les tâches de la massification du mouvement, restent, non seulement d’actualité, mais d’autant plus nécessaire en vue d’amplifier le mouvement et de faire que cette colère qui s’exprime pour le moment sur les pétitions en ligne, sur facebook, ou à travers les sondages, puissent se cristalliser dans la rue et par la grève en opposition à la politique du gouvernement. Cette massification doit se faire non seulement à travers une explication de la loi, des diffusions massives, mais aussi de tous types d’actions de propagande visant à populariser et à massifier le mouvement. La jeunesse, seule, ne peut pas la faire pour les salariés et il n’y aura pas, pour un projet aussi central que la Loi Travail, de grève par procuration si l’on veut faire reculer le gouvernement.

Alors même que nombre de structures CGT, FO et CFDT appellent ce jeudi 24 et au 31, une jonction avec le mouvement ouvrier est centrale, comme un échauffement général pour réussir le 31 mars, dont tout le monde parle. Pour cela, renouer, avec les interpros, que l’on a hérités de 2010, pour coordonner localement la grève du 24, mais aussi celle du 31, sera indispensable pour informer et massifier le mouvement. Ce sera, en essayant, partout où c’est possible, d’opérer un « tous ensemble » entre étudiants, jeunes et salariés. Partout, le ras-le-bol contre la loi, la colère contre le gouvernement et l’adhésion à la perspective de la grève montent. A notre charge de structurer la semaine de façon à ce que, dès le 24, la question du prolongement du mouvement, par-delà le 31, soit posée comme la seule perspective (avec une victoire possible à la clef) pour faire trébucher et reculer ce gouvernement.