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Palestine

Une centaine de journalistes tués : Israël déterminé à tuer la presse palestinienne

La mort de deux journalistes dans des bombardements ciblés, ce lundi à Gaza, a une nouvelle fois jeté la lumière sur la violence de l’offensive menée contre les journalistes et de tous ceux qui informent le monde des atrocités israéliennes. Une hécatombe sans précédent pour la profession, qui s’effectue pourtant avec la complicité d’une grande partie des médias occidentaux.

Antoine Chantin

10 janvier

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Une centaine de journalistes tués : Israël déterminé à tuer la presse palestinienne

Crédits image : Al Jazeera English

« C’est vrai que la souffrance est très grande et la douleur encore plus. Le prix est très, très, très élevé. » Le 8 novembre, le journaliste Wael al-Dahdouh, chef du bureau d’Al Jazeera à Gaza, perdait l’un des derniers membre de sa famille, dans une frappe aérienne de l’armée Israélienne. Après le meurtre de sa femme, de deux enfants et d’un petit-enfant dans un bombardement de Tsahal en octobre, l’homme, lui-même blessé par un tir de missile, voyait mourir, ce lundi, l’un de ses fils. Ce dernier, Hamza Dahdouh, était lui aussi journaliste et rentrait d’un reportage, lorsque la voiture dans laquelle il se trouvait avec deux autres collègues a été visée par l’armée israélienne. Les morts d’Hamza Dahdouh et de son collègue Moustafa Thuraya, portent désormais à 80 le nombre de professionnels des médias tués depuis le 7 octobre en Palestine, selon l’organisation Reporters sans frontières (RSF).

Une répression sanglante, justifiée par des accusations de complicité terroriste

Le bilan est particulièrement lourd pour les journalistes palestiniens. Selon les autorités gazaouis 111 journalistes seraient mort dans l’enclave, depuis le 7 octobre, quand le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), en compte 79. Parmi ces derniers, 72 seraient Palestiniens, 4 Israéliens et trois Libanais. A ce décompte macabre, l’organisation ajoute également que 16 journalistes ont été blessés, 3 sont portés disparus et 21 sont en détention. En outre nombre de ces professionnels subissent de nombreux attaques, menaces, cyberattaques et ont perdu un ou plusieurs membres de leurs familles dans les bombardements. Le CPJ cite, en ce sens, le cas du photojournaliste Yasser Qudih, dont les membre de la famille ont été tué dans la destruction de leur maison, visée par quatre missiles.

L’hécatombe que subissent les journalistes palestiniens depuis le début du conflit, qui figure déjà comme le plus meurtrier pour cette profession, a conduit le Haut-commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU, qui s’est dit « très préoccupé » à réclamer une enquête, tout comme le bureau du procureur de la Cour pénale internationale qui a affirmé, ce mardi, que les meurtres de journalistes feraient partie de son enquête concernant les crimes commis à Gaza.

Des crimes que Tsahal motive sans sourcilier. En effet, les morts des journalistes Hamza Al Dahdouh et de Moustafa Thuraya étaient justifiées selon l’armée israélienne, d’après laquelle les deux hommes étaient « suspects » puisqu’ils circulaient avec « un terroriste qui pilotait un appareil volant représentant un danger pour les forces israéliennes », selon un porte-parole. Le même motif avait également été mobilisé pour justifier le bombardement de la maison du journaliste Yasser Qudih, et le meurtre de sa famille. Le cabinet du premier ministre avait alors tweeté que le journaliste était coupable de « crimes contre l’humanité », tandis que le ministre Benny Gantz affirmait lui que Qudih devait être traité comme un terroriste, le tout sans aucuns fondements pour appuyer de telles accusations.

Des accusations qui poussent également les autorités israéliennes à perpétrer des actes de tortures contre les palestiniens incarcérés, y compris les journalistes. Le journaliste Diaa Al-Kahlout, arrêté le 7 décembre à Gaza et libéré ce mardi, relate ainsi avoir été suspendu par les mains pendant plusieurs heures lors des interrogatoires heures, et a été contraint de rester agenouillé pendant 25 jours, lui causant de sévères dommages.

Il apparait donc clairement que le politique du gouvernement israélien cherche consciemment à réduire au silence, par tous les moyens, toute voix qui chercherait à mettre en lumière le génocide actuellement en cours en Palestine. Le tribu est particulièrement lourd pour les journalistes gazaoui et leurs familles, qui sont parmi les seuls à pouvoir continuer à exercer cette profession depuis l’enclave palestinienne. Dans la véritable guerre d’information que mène l’État israélien, seul un nombre infime de journalistes étrangers est autorisé à se rendre au sein de la bande de Gaza, sous le strict contrôle et l’encadrement de l’armée. Au danger que représente un tel travail, s’ajoute également la situation humanitaire dramatique pour ces journalistes et leurs familles, soumis aux coupures d’électricité, aux manques d’eau et de nourriture, aux déplacements forcés. Une situation dramatique qui conduit certains professionnels à cesser toute activité, à l’image d’Anas El Najar, correspondant du China Media Group à Gaza, qui annonçait sur Facebook« ma couverture journalistique s’arrête là. Chercher la sécurité avec sa famille est mille fois mieux que de chercher des nouvelles à transmettre à un monde qui ne sait pas ce que signifie l’empathie ou l’humanité. Que Dieu ait pitié des collègues journalistes. »

La situation est elle aussi dramatique pour les professionnels des médias et de la communication qui exercent en Cisjordanie. RSF relate ainsi que parmi les 38 journalistes arrêtés depuis le début du conflit, 34 l’ont été en Cisjordanie, et seul 4 d’entre eux ont été libérés jusqu’à ce jour. Une situation d’autant plus inquiétante que ces derniers sont enfermés dans des lieux inconnus et ne peuvent recevoir aucune visite, alors même que leur détention peut, elle, s’étendre sur une période de six mois renouvelables, sans aucune notification de charges.

Face au génocide, la complicité des grands médias occidentaux

Une telle politique de persécution contre les journalistes n’est pourtant pas nouvelle de la part du gouvernement israélien. Des intimidations constantes allant des arrestations arbitraires jusqu’aux meurtres, dont l’un des plus connus reste celui de Shireen Abu Akleh, journaliste d’Al-Jazeera assassinée par un tir de l’armée israélienne en 2022, jalonnent l’histoire de la colonisation en Palestine.

Pourtant, rares sont les médias occidentaux qui ne se rendent pas complice de cet appareil de répression en relayant largement les éléments de langage de l’armée Israélienne. En décembre, plus de 200 journalistes français dénonçaient le génocide en solidarité avec leurs collegues visés à Gaza tout en pointant « l’asymétrie de la compassion à l’œuvre dans les médias français. » Comme le soulignent Alain Gresh et Sarra Grira, rares journalistes à avoir dénoncé « l’escorte médiatique » du génocide en cours, dans une tribune publiée dans Orient XXI, « En France, le porte-parole de l’armée israélienne a micro ouvert sur les chaînes d’information, et quand un journaliste se décide de faire son métier et de l’interroger vraiment, il est rappelé à l’ordre par sa direction. Pendant ce temps, des propos d’un racisme éhonté, qui frisent l’incitation à la haine ou à la violence à l’encontre des critiques de l’armée israélienne sont à peine relevés. Sans parler de la suspicion qui frappe les journalistes racisé·es coupables de « communautarisme » quand ils offrent une autre vision. »

De même, les consignes de la rédaction de la CNN sur le conflit, sont tout aussi révélatrice de la couverture complice effectuée par une grande partie des médias occidentaux vis-à-vis de l’entreprise génocidaire en Palestine, comme le rapportent les deux journalistes dans leur tribune : « Les mots « crime de guerre » et « génocide » sont tabous. Les bombardements israéliens à Gaza seront rapportés comme des « explosions » dont personne n’est responsable, jusqu’à ce que l’armée israélienne en accepte ou en nie la responsabilité. Les citations et les informations fournies par l’armée israélienne et les représentants du gouvernement ont tendance à être approuvées rapidement, tandis que celles provenant des Palestiniens ont tendance à être attentivement examinées et traitées précautionneusement. »

Alors que près de 24.000 personnes ont déjà péris à Gaza depuis le 7 octobre, et que 59 410 autres ont été blessées dans le conflit, le rôle des journalistes gazaouis est plus que jamais indispensable pour illustrer du génocide actuellement à l’œuvre. Il est donc fondamental de continuer à dénoncer le génocide en Palestine, en solidarité avec les journalistes et tous ceux qui continuent à témoigner des horreurs perpetrées par l’État d’Israël !


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