Le 12 décembre, suite à l’intervention télévisée du Président, une enseignante a publié une tribune intitulée « Le grand chef a parlé ». La professeure de lettres exprime dans son texte son sentiment de dégoût face à la réponse de Macron à la crise ouverte par les Gilets Jaunes, dénonce la répression policière et exprime son soutien à la lutte lycéenne et aux gilets jaunes, les encouragent à continuer le combat : « Je suis professeure et je remercie tous les lycéens pour leur courage physique et moral. […] Je remercie les gilets jaunes qui campent sur les ronds-points et qui m’ont aidé à comprendre que, non, derrière chaque français dans la débine, ne se cache pas l’ombre grimaçante de Marine Le Pen. Vive la lutte, la rage joyeuse, l’union des contraires. »

En réponse à ce coup de gueule, l’enseignante a été convoquée quelques jours plus tard au rectorat de son académie. Comme l’expliquent ses collègues, qui ont tous signé la tribune en solidarité, « cette convocation est particulièrement inquiétante quand on sait que Sophie [l’enseignante] est en pointe dans la lutte contre la réforme du Bac et Parcours Sup, ainsi que dans la lutte quotidienne pour nos élèves étrangers en situation irrégulière. »

Reçue jeudi après-midi au rectorat, la professeure de lettre n’a finalement pas été sanctionnée mais a eu le droit à un rappel à l’ordre : selon l’académie « un fonctionnaire ne doit pas critiquer sa hiérarchie et l’Etat employeur ».

Cette restriction de la liberté d’expression est d’autant plus grave que le gouvernement cherche à l’entériner avec son projet de loi sur l’école. Présenté le 5 décembre en Conseil des ministres, celui-ci instaure des sanctions disciplinaires contre les enseignants « qui chercheront à dénigrer auprès du public par des propos gravement mensongers ou diffamatoires leurs collègues et de manière générale l’institution scolaire », le texte précisant que « les publications sur des réseaux sociaux » seraient également concernées. Une façon de commencer un flicage permanent des enseignants et des profs, un secteur réputé à gauche, et régulièrement mobilisé contre les contre-réformes qui détruisent nos acquis sociaux.

Crédit photo : AFP/Benoît Tessier