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Militarisme

Marchand de mort : la France devient le deuxième exportateur mondial d’armes

Dépassant la Russie, la France est devenu le deuxième exportateur d’armes dans le monde. Les succès de l’industrie militaire française témoignent du rôle macabre que la France espère jouer dans un contexte de réarmement massif.

Yann Causs

11 mars

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Marchand de mort : la France devient le deuxième exportateur mondial d'armes

Selon le rapport de référence du Stockholm International Peace Research Institute (Sipri) publié, lundi 11 mars, la France se hisse, pour la première fois de son histoire, au deuxième rang de la vente d’armes dans le monde. Alors que ses exportations ont augmenté de 47 % sur la période 2019-2023 par rapport aux quatre années précédentes, la France dépasse la Russie, dont les ventes ont chuté de 53 % sur la même période.

Ce « succès » français est en grande partie dû aux ventes de Rafales. Comme l’explique Le Figaro, le carnet de commande du groupe d’armement « cumulait 211 Rafales à produire pour des clients internationaux fin 2023. Sur ce total, 80 appareils ont été achetés par les Émirats arabes unis dans le cadre d’un contrat géant signé en 2022. Cette année, le constructeur espère conclure une commande portant sur 26 Rafales avec la marine indienne, après que New Delhi a déjà commandé 36 avions pour son armée de l’air ». L’Indonésie, l’Arabie Saoudite ou encore le Qatar font également partie de la clientèle française. Au total, 42 % des exportations françaises vont vers l’Asie et l’Océanie, tandis que 34 % sont destinés à des acheteurs au Moyen-Orient. Parmi les clients de la France, l’Inde est le plus important et représente à elle seule 30 % de ses exportations.

La croissance des ventes françaises s’explique en partie par la forte chute des exportations russes, notamment en raison de la guerre en Ukraine. Selon le rapport, tandis que la Russie exportait des armes majeures vers 31 pays en 2019, elle ne vend, quatre ans plus tard, de tels équipements qu’à douze acheteurs étatiques. À rebours des cris de joie de la presse libérale qui qualifie d’acquis « historique » les succès de notre industrie de mort, cette nouvelle n’a rien de réjouissante. Elle témoigne plutôt de l’accélération macabre de l’escalade militariste et du réarmement massif des pays européens depuis le début de la guerre en Ukraine. Pour preuve de la vitalité du marché de la mort, le rapport Sipri affirme que les importations d’armes européennes ont augmenté de 94 %, soit pratiquement doublées, au cours des cinq dernières années.

L’industrie d’armement française compte bien tirer profit de cette dynamique que les récentes déclarations de Donald Trump, candidat à l’élection présidentielle, au sujet d’un hypothétique retrait des États-Unis hors de l’OTAN ont attisée. Faisant pression sur les pays européens pour qu’ils augmentent la part de leur budget consacrée aux dépenses militaires et pour qu’ils investissent davantage dans la production militaire étatsunienne, Trump a suscité une vague de panique que les puissances européennes, en quête de débouchés, entendent exploiter. Dans ce contexte, alors que les ventes d’armes par les États-Unis ont continué d’augmenter, la France cherche à mener une politique plus volontariste à l’échelle internationale dans le but de renforcer l’autonomie stratégique de l’Europe. Selon une chercheuse du rapport Sipri : « Les pays qui achètent français apprécient les opportunités de coopération militaire et industrielle que la France sait organiser de manière flexible. Mais aussi le fait que les armes françaises soient “Itar free”, c’est-à-dire qu’elles ne relèvent pas de la réglementation américaine sur les ventes d’armes ». Cette réglementation assimile tout matériel militaire ayant un composant fabriqué aux Etats-Unis à un armement étatsunien qui peut être bloqué sur décision de Washington.

Profitant d’un budget de programmation militaire 2024-2030 record de 413 milliards d’euros, l’industrie d’armement française entend capitaliser sur les pressions militaristes et la rhétorique guerrière des dirigeants politiques européens. Dans ce contexte, il n’est pas anodin que Le Figaro, propriété du groupe Dassault, affirme que l’industrie française est « sommée de passer en économie de guerre. Elle doit produire plus et plus vite mais aussi développer des matériels plus rustiques et moins chers ». Toujours selon Le Figaro, Naval Group a ainsi « doublé ses cadences en produisant deux grands bateaux en parallèle. Cette année, Nexter, fabricant de canons de blindés, produit le canon Caesar à raison de 8 par mois, contre 2 par mois en 2022. De plus, Thalès, leader des radars, capteurs, pods électroniques et avionique, a doublé le nombre de radars produits par an, passant à 20 exemplaires, avant même d’avoir signé les commandes. »

La nouvelle position de la France sur le marché des armes doit néanmoins être relativisée. D’une part, comme le souligne le rapport, l’essentiel de l’augmentation des ventes françaises est attribuable au succès du Rafale en Inde, au Qatar et en Égypte. Ces trois gros contrats sont ponctuels et n’annoncent pas une augmentation globale des ventes. D’autre part, comme nous le soulignons déjà, la centralité de l’avion de combat dans les exportations militaires françaises affaiblissent les industries militaires : la fragilité des commandes dans un contexte international tendu et la diversification importante de la production des nouveaux concurrents français font de la centralité du Rafale un atout problématique pour les industries françaises. Ces deux fragilités doivent également être corrélées à la crise générale du projet françafricain. Enfin, les Etats-Unis, comme l’affirme le rapport Sipri, restent plus que jamais la puissance dominante dans le secteur militaire avec 42% des ventes d’armes dans le monde. En Europe la dépendance aux Etats-Unis n’a jamais été aussi forte avec 55% des importations provenant de l’autre côté de l’Atlantique.

Quoi qu’il en soit, le rapport réaffirme la place centrale de la France sur le marché de l’armement et dans la course à l’armement mondiale. La victoire des marchands de morts français doit être fermement condamnée et combattue sans compromis. Alors qu’une poignée d’industriels et de grands capitalistes préparent le terrain pour de nouveaux conflits, la nouvelle position de la France sur le marché de l’armement n’annonce rien de bon pour les travailleurs et les peuples opprimés.


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