Wladek Flatkin : Juste avant les Fêtes de fin d’année, de nouveaux débrayages ont eu lieu chez Amazon, en Allemagne. En quoi consiste exactement cette « grève des consommateurs » ?
David Johns : Nous demandons aux consommateurs de commander des produits Amazon et de renvoyer le paquet avec un message de solidarité avec les travailleurs en lutte. A partir de 40 euros de commande, c’est Amazon qui prend en charge les coûts d’expédition. Cela veut dire du travail en plus pour l’entreprise, et un soutien à la lutte tenace des travailleurs.
W.F. Mais les messages arrivent réellement aux salariés ?
DJ. Bien entendu, il n’y a que les employés du service après vente qui les lisent. Dans le SAV comme ailleurs, le rythme de travail est extrêmement soutenu, et, du coup, parfois, les salariés n’ont pas le temps d’examiner la totalité du paquet. C’est pour cela que l’on demande aux consommateurs solidaires de se prendre en photo, pour que, par la suite, on puisse les publier surla page facebook de soutien. L’autre possibilité c’est d’écrire un message de soutien directement sur le colis, de façon à être sûr que les travailleurs le verront.
WF. L’un de vos slogans est « ceci n’est pas un boycott ». Pourquoi ne pas appeler, plutôt, au boycott, contre cette multinationale aux pratiques anti-syndicales ?
Un boycott pourrait faire peur. On pourrait penser que ce sont les emplois des salariés qui sont menacés. Pour la direction, ce serait très facile de discréditer notre action en mettant encore plus la pression sur les travailleurs en grève.
De plus, la grève a plus d’impact pendant les moments de rush, lorsque le volume des commandes est extrêmement élevé. Avec la grève des consommateurs, il y a plus de travail pour le personnel, sans que l’entreprise n’en tire aucun bénéfice. L’objectif, par ailleurs, c’est également d’avoir le soutien des clients. Si personne n’achetait, alors il n’y aurait pas de messages de solidarité avec les travailleurs en grève.
WF. Cela fait trois ans qu’Amazon refuse tout dialogue avec le syndicat de branche. Tu penses réellement que ce conflit peut se gagner ?
En effet, même si la grève touche presque tous les entrepôts, la direction refuse tout dialogue. Mais qu’est-ce que ça veut dire, exactement, « gagner » ? A mon avis, l’une des vertus de la grève, c’est le processus d’organisation des travailleurs. Faire une l’expérience de l’action collective et de la force des grévistes, c’est peut-être aussi important que de réussir à décrocher une convention collective.
WF. Tu milites au sein du Solibündis, mais tu ne travailles pas chez Amazon. Pourquoi un tel engagement en soutien à cette lutte ?
DJ. Amazon est une énorme multinationale. Les améliorations de conditions de travail et de salaire que revendiquent les travailleurs en lutte seraient une formidable bouffée d’oxygène pour tous les salariés du secteur si ceux d’Amazon devaient avancer. C’est également une source d’inspiration pour d’autres salariés qui travaillent dans des conditions inacceptables.
La question de la lutte actuelle, chez Amazon, dépasse le strict cadre de l’entreprise. Il pose la question de comment on veut vivre et travailler à l’avenir.
WF. Dernière chose... Que doit faire le client en Allemagne pour être solidaire ?
DJ. C’est très simple. Il suffit de commander pour 40 euros de produit, en prenant soin de ne pas déchirer l’emballage, mais en l’ouvrant proprement. Après, il suffit d’introduire un message de solidarité dans le paquet et d’écrire un message de soutien sur le paquet ; coller le formulaire de renvoi par-dessus également, et le renvoyer dans les 14 jours. Et, mieux encore, si vous nous envoyez la photo du message et du paquet, on le charge sur Facebook !
Propos recueillis par Wladek Flatkin.
Trad. CT
