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Grève générale féministe

Argentine. Ces mesures de Milei qui s’attaquent aux droits des femmes et LGBTI

Le plan « tronçonneuse » de Javier Milei comprend un ensemble de mesures qui s’attaquent aux droits pour lesquels le mouvement des femmes et des personnes LGBTI s'est battu ces dernières années en Argentine.

Cécile Manchette

22 janvier

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Argentine. Ces mesures de Milei qui s'attaquent aux droits des femmes et LGBTI

Tout au long de sa campagne Javier Milei s’est affirmé comme un candidat profondément misogyne et opposé aux droits des femmes et des minorités de genre. Il a ainsi martelé son opposition au droit à l’avortement, légal depuis décembre 2020 en Argentine, et avait annoncé son souhait de supprimer ce droit conquis après des décennies de luttes. Il a même pris le temps de dénoncer « le féminisme radical » dans son discours au Forum économique mondial à Davos. C’est dire l’ampleur de l’obsession.

Pour commencer son mandat, Javier Milei a, comme promis, supprimé le ministère des Femmes. Puis à peine investi, le gouvernement de Javier Milei a sorti son fameux « plan tronçonneuse », annonçant des offensives d’ampleur. Parmi elles, le « décret de nécessité et d’urgence » (DNU), a posé le cadre d’une libéralisation de l’économie avec des modifications ou l’abrogation de plus de 300 normes touchant au droit du travail, à l’encadrement des prix et des loyers, ou encore à la privatisation d’entreprises publiques. Tout un ensemble de contre-réformes qui vont toucher de plein fouet les secteurs les plus précaires de la population dont les femmes et les personnes LGBTI. Après ce « méga décret », Javier Milei a poursuivi avec un projet de loi de plus de 600 articles dont le fond consiste en un "Etat d’urgence", d’une durée de un an renouvelable une fois, qui placerait dans ses mains le pouvoir exécutif et législatif pour permettre à l’extrême-droite argentine de mener ses plans de dérégulation massive de l’économie, de durcissement des politiques autoritaires et sécuritaires, tout cela sous un régime purement dictatorial. Cette loi surnommée « loi omnibus » comprend, parmi tout le reste, un ensemble de modifications contre les acquis du mouvement des femmes et des minorités de genre ces dernières années.

La première modification importante touche à la loi dite « le plan des milles jours » de décembre 2020. Cette loi vise à « renforcer la prise en charge intégrale de la santé et de la vie des femmes et des autres femmes enceintes, ainsi que des enfants en bas âge ». Ce plan fournit un soutien économique de l’État aux mères en situation de vulnérabilité sociale pendant leur grossesse et les trois premières années de la vie de leur enfant. Elle avait été approuvée en même temps que la loi sur l’IVG en décembre 2020.

Le 11 janvier dernier, le secrétaire à l’Enfance et à la Famille du Ministère du Capital Humain, Pablo de la Torre, connu pour ses positions anti-avortement et anti-droits, a défendu au Congrès les changements que le gouvernement Milei souhaite incorporer à la loi dite des mille jours. Il a assuré que la loi omnibus vient « élargir » la loi précédente et que « nous devons accompagner ces mères, les protéger car elles portent l’avenir de notre pays dans leur ventre. »

La loi omnibus propose en réalité l’élimination de définitions telles que « personnes enceintes » et « identité de genre » ; l’incorporation de concepts tels que « mère » ou « femme enceinte en situation de vulnérabilité » ; le remplacement du concept de « violence de genre » par celui de « violence domestique ». « Je suis médecin. Peu m’importe la façon dont les gens se perçoivent » et « la violence n’a pas de genre », a déclaré Pablo de la Torre pendant la présentation du projet.

Les modifications suppriment également toute référence aux « personnes LGBT », au « genre » ou aux personnes « enceintes », c’est-à-dire aux hommes trans en capacité de procréer. Ces changements réaffirment que seules les femmes peuvent tomber enceintes et en employant le terme « mères » les renvoient à leur assignation biologique. C’est un recul évident par rapport aux acquis de la marée verte ou de Ni Una Menos. Dans le même sens, le nouveau texte incorpore des définitions telles que « vie dès la conception » ouvrant la porte à considérer qu’un fœtus est un être vivant sur lequel l’Etat a un droit de regard. Par ailleurs, il restreint le « plan » aux « mères en situation de vulnérabilité ». Dans ce sens, Pablo De la Torre a déclaré que ce qui le préoccupe ce sont « les femmes enceintes en situation de vulnérabilité qui ne vont pas aux contrôles ».

Outre la tentative de réimposer un usage discriminatoire du langage par l’État, ces changements impliquent le rétablissement d’un contrôle de l’Etat, et des militant-es anti-droits, sur les femmes pour qu’elles ne recourent pas à l’avortement légal en cas de grossesse non désirée.

Cette volonté de reprendre le contrôle sur le corps des femmes et leurs grossesses se confirme avec les modifications apportées à la loi sur les allocations familiales. Ainsi, l’allocation de grossesse ne fait plus référence à la possibilité d’une « interruption volontaire de grossesse ». Par ailleurs, il est établi que l’allocation de grossesse « sera soumise au respect des contrôles médicaux et sanitaires préconisés par l’autorité d’application », qui est désormais le nouveau ministère du Capital humain.

Dans le même esprit, il est annoncé qu’ « un mécanisme spécifique sera créé pour l’orientation et le suivi des femmes en situation de vulnérabilité particulière » et, avec la modification de l’article 33 de la loi des mille jours, qui se réfère au suivi des femmes, l’objectif est désormais de « rechercher et détecter activement les femmes enceintes en situation de vulnérabilité » prévoyant des « opérations » et des « contrôles et échographies » pour les femmes enceintes.

Les attaques ne s’arrêtent pas là. La loi omnibus modifie également « la loi Micaela » en limitant son champ d’application. Jusqu’à présent cette loi établissait qu’une formation sur les questions de « genre et de violence à l’égard des femmes » était obligatoire pour toutes les personnes travaillant dans le service public et pour l’ensemble des fonctionnaires d’Etat (exécutif, législatif, judiciaire…). Désormais la formation sera obligatoire, mais pour former à « la violence familiale et à la violence à l’égard des femmes », et seulement pour les fonctionnaires des « organismes compétents en la matière ».

La loi « Omnibus » comprend également un chapitre sur la « réforme électorale » qui entérine l’élimination de la parité (un quota de femmes à l’Assemblée par exemple), et la représentation des minorités.

Sur le volet travail, la loi Omnibus réduit également les cas d’indemnités, élimine les amendes pour travail non déclaré (ce qui implique le non-paiement du salaire et le non versement des cotisations de sécurité sociale) et prolonge les périodes d’essai.

Dans le cas des travailleuses domestiques, un article du régime spécial des contrats de travail pour les travailleuses domestiques est supprimé. Cet article, l’article 50 de la loi 26.844, stipulait que « l’indemnité sera doublée dans le cas d’une relation de travail qui, au moment du licenciement, n’était pas déclarée ou mal déclarée ». En d’autres termes, les sanctions pour les employeurs qui ne déclarent pas un travailleur domestique sont supprimées, éliminant ainsi la double indemnité pour un secteur ultra-précaire où les femmes sont largement majoritaires.

Enfin, un autre aspect qui suscite l’incertitude est l’abrogation de la loi 27.113, qui encourage l’activité des laboratoires publics, et pourrait également affecter la production de médicaments tels que la mifépristone et le misoprostol, essentiels pour l’interruption médicale de grossesse, ainsi que la production de contraceptifs. Il s’agit ici de deux aspects fondamentaux de la revendication que le mouvement des femmes a fait connaître dans les rues, en popularisant le triple slogan « éducation sexuelle pour décider, contraceptifs pour ne pas avorter et avortement légal pour ne pas mourir ».

Si l’ensemble de ces changements peuvent sembler minimes ou se perdre au milieu du flot d’attaques du gouvernement Milei, en réalité il s’agit de modifications légales qui laissent présager le pire pour l’avenir si ces premières « contre réformes » sont mises en place. Ces changements ouvrent la porte à une remise en question de droits fondamentaux comme le droit à l’avortement, l’auto détermination du genre, ainsi qu’à une précarisation grandissante pour une majorité de femmes et de personnes LGBTI.

L’ensemble des décrets et projets de loi avancés par le gouvernement Milei constituent une attaque contre de nombreux secteurs de la population argentine dont les femmes et les personnes LGBTI qui se préparent à descendre dans la rue ce mercredi 24 janvier, journée de mobilisation avec un appel de la CGT à la grève générale. Les militant-es du Parti des travailleurs et travailleuses socialiste (PTS) [Organisation sœur de Révolution Permanente], militent activement depuis plusieurs semaines pour préparer cette journée « par en bas » sur les lieux de travail, d’études, dans les assemblées de quartier, ainsi qu’en participant à des assemblées féministes dans lesquelles interviennent des militant-es de Pan Y Rosas [le collectif frère de Du pain et des Roses].

Il existe un enjeu particulier à ce que le mouvement des femmes qui a conquis le droit à l’avortement, par de fortes mobilisations dans la rue, faisant reculer l’Etat et les groupes réactionnaires anti-droits, mette ses forces et son expérience de lutte pour construire un mouvement d’ensemble dans lequel puisse prendre part les étudiant-es, les travailleurs-es précaires, syndiqués ou non, les travailleur-ses du secteur informel, ou les chômeurs-es.


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