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RENAULT : GUYANCOURT-BURSA, « SOLIDARITÉ ! »

Des travailleurs turcs, en lutte pour un syndicat libre, sont en proie à la répression

Des syndicalistes SUD et CGT du Technocentre Renault-Guyancourt, dans les Yvelines, ont organisé lundi 12 décembre un rassemblement pour accueillir et soutenir deux représentants du syndicat libre Birlesik-Metall-Is de Renault-Bursa, aujourd’hui licenciés. Après une lutte retentissante menée en 2015 par une très grosse majorité des travailleurs de l’usine de montage de Bursa pour imposer la reconnaissance d’un syndicat indépendant, près de 500 salariés, sur les 600 que comptait l’usine, ont été victimes de répression et de licenciements. À la veille de renégociations salariales dans le puissant secteur automobile, ni les multinationales ni Erdogan ne sont prêts à lâcher du lest. Claire Manor, Christian Grosz

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Un système de représentation syndicale totalement inféodé au patronat

Au Portugal, au Maroc, en Roumanie, en Inde, aux États-Unis, comme en Turquie, les travailleurs de Renault Nissan connaissent des conditions d’exploitation éhontées, et ne peuvent disposer, pour leur défense et leurs revendications, que de syndicats « maison ».

En Turquie, les conditions d’implantation syndicale dans une entreprise, selon la législation en vigueur, limitent à un seul syndicat la représentativité, et ce à condition de disposer de plus de 50 % des voix aux élections. Chez Renault Bursa, le syndicat jaune Türk-Metall, seul reconnu, accompagne depuis plus de vingt ans l’exploitation des travailleurs dont le salaire moyen est d’environ 600 euros par mois. Pour qu’un syndicat libre puisse s’implanter, il doit supplanter le syndicat jaune en place par un vote majoritaire aux élections organisées par le patronat.

Toute négociation ou accord patronat/syndicat passe par l’indication de leur appartenance syndicale que fournissent les salariés au ministère du Travail. La comptabilité est tenue par le ministère qui indiquera au patron la validation de l’accord, au-delà de 50 %.

Les travailleurs de Bursa entrent en lutte pour un syndicat libre

En mai 2015, les travailleurs ne supportant plus ces conditions ont engagé une lutte sans précédent avec 4500 manifestants sur 6000 salariés, et plus de 50 % de grévistes, pour obtenir la reconnaissance d’un syndicat libre : Birlesik Metal-Is. Seuls les « cols blancs » n’ont pas participé.

La répression par la police a été très dure, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de l’usine. La direction, malgré ses dénégations, a en fait introduit des policiers dans les locaux en leur prêtant plus de 200 vestes Renault pour passer incognito. Les flics d’Erdogan ont fait usage de lacrymogènes et ont poursuivi les manifestants grévistes jusque devant les arrêts de bus.

Face à cette détermination, la direction a fini par reconnaître les huit délégués du syndicat Birlesik Metall-Is comme des interlocuteurs, tout en continuant à respecter officiellement le cadre juridique et le statut exclusif de syndicat attribué à Türkmetall. La direction s’est même engagée, par un accord, à organiser des élections le 29 février 2016, ce qui aurait été l’occasion pour le syndicat libre, devenu largement majoritaire auprès des salariés, d’évincer Türkmetal et d’obtenir sa reconnaissance officielle. Mais, le jour des élections venu, la direction a prétexté un incident technique pour fermer l’usine et placer les travailleurs au chômage technique.

La répression et les licenciements pleuvent à Renault Bursa

Dès l’annulation des élections, la phase de répression s’est engagée. Dix personnes ont été licenciées, dont les huit syndicalistes qui avaient mené le mouvement. Progressivement, ce sont 70 puis 400 autres salariés qui ont été licenciés. Pourtant, certains ne cédant toujours pas et demeurant syndiqués, la direction, aidée par les « petits chefs » zélés soucieux de leur carrière, met la pression maximum pour les contraindre à quitter le syndicat libre et à rejoindre le syndicat jaune.
À la veille des renégociations de base qui doivent avoir lieu dans quelques mois, l’enjeu est de taille dans un secteur automobile, puissant à Bursa et dans tout le pays, où sont représentées les multinationales Fiat, Ford, Toyota, Hyundai ainsi que de nombreux sous-traitants. La direction joue donc la montre et tente de prendre de vitesse Birlesik Metal-Is en le vidant de ses adhérents avant l’échéance. Si, d’ailleurs, un salarié licencié de Renault Bursa retrouve un travail chez Fiat ou Ford, il est à peu près sûr d’être à nouveau licencié la semaine suivante. L’explication est simple, les patrons se serrent les coudes et établissent une liste noire des syndiqués « fortes têtes ».

Dans cette chasse aux sorcières, les multinationales et le gouvernement ont partie liée. Les unes veulent continuer à contrôler l’évolution des salaires, tandis qu’Erdogan redoute une contestation ouvrière et sociale alors qu’il mène la guerre aux Kurdes et porte de plus en plus ouvertement atteinte aux libertés démocratiques.

Accord de compétitivité et mise en concurrence des travailleurs

Non contente d’exploiter les travailleurs corvéables à merci, sans aucune protection sociale dans les pays dont la législation est la plus défavorable comme l’Inde ou la Roumanie, la direction de « l’alliance » Renault Nissan les utilise comme moyen de pression vis-à-vis des travailleurs qui bénéficient de meilleures conditions salariales ou de rythmes de travail plus favorables.

C’est ce que fait implicitement le deuxième accord de compétitivité actuellement en discussion au siège national de Renault Nissan en France. La compétitivité ne voulant rien dire d’autre que la mise en concurrence des travailleurs des différents sites, des différents pays et l’alignement sur les cadences imposées par les rythmes de production et de montage dans les pays les plus défavorisés.

À cette mise en concurrence, que la direction pratique si redoutablement, les travailleurs de Turquie, de France ou d’ailleurs n’ont qu’une seule réponse, la solidarité. Des délégations de la CGT et de Sud se sont rendues à Bursa. Et aux camarades de Guyancourt qui leur demandaient de quelle manière on pouvait les aider, les syndicalistes de Bursa ont répondu : « faites connaître notre lutte aux travailleurs en France ».

C’est ce que Révolution permanente vous invite à faire, en partageant largement cet article autour de vous.


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