La cession du FRET au privé : une projection du futur des transports publics

Si le Fret SNCF subit de nombreuses attaques depuis 2006 et une ouverture à la concurrence qui diminue ses activités et réduit drastiquement ses effectifs, le gouvernement, la direction de la SNCF et la Commission Européenne tentent de faire de l’année 2023 celle du coup de massue final. Depuis janvier, la Commission Européenne a ouvert une enquête sur d’anciennes mesures de financements publics de l’État français en direction de la SNCF. L’entreprise du ferroviaire est menacée de devoir rembourser à l’Etat 5,3 milliards de dettes, initialement annulées.

Conséquence : la SNCF a décidé de restructurer radicalement ses filiales et notamment de liquider SAS Fret SNCF et de céder 30% des contrats actuels à la concurrence privée. Une décision qui devrait conclure à la suppression de 450 postes et à la création de deux filiales de droit privé. La mise en œuvre de ces mesures sera effective à partir du 1er janvier 2024. Ce « compromis » établi par le gouvernement et la SNCF permet au Fret d’esquiver le remboursement des 5,3 milliards d’euros prévu par la Commission Européenne. Un compromis qui se fait en échange d’un démantèlement progressif et de la cession d’activités au privé.

Comme prévu, après l’ouverture à la concurrence (avec tous les risques pour le public et les gains pour le privé), on tue à petit feu l’entreprise publique avant de lui mettre le coup de grâce. Un tapis rouge déroulé aux capitalistes, à l’image de ce qui se fait dans tous les transports publics, avec les lignes de TER, la RATP et de nombreuses autres régies municipales. Le fret est ainsi une projection de ce qui attend l’ensemble des transports publics.

Derrière les discours écolo du gouvernement, la casse du rail

Au-delà du plan de restructuration que cette liquidation prévoit pour des centaines de travailleurs et travailleuses, c’est l’aboutissement d’un travail de destruction de longue date. Dès l’ouverture à la concurrence, la récupération de transport de marchandises par le secteur privé a été la source d’attaques contre les conditions de travail, mais surtout de diminution de marchandises transportées au profit du transport routier plus profitable pour les capitalistes.

La SNCF a d’ailleurs su se placer dans cette course aux profits avec sa filiale Geodis et l’exploitation brutale de ses ouvriers, participant elle-même à la baisse progressive des services gérés par le Fret ferroviaire public. Dès lors, le nombre de marchandise transportées par voie ferroviaire n’a fait que baisser, alors que celui des marchandises globales augmentait (+40% d’augmentation prévue du transport de marchandises d’ici 2050)

Une destruction méthodique qui révèle toute l’attention portée par l’Union européenne à la question écologique. Oui le Fret est le moyen de transport des marchandises le moins polluant (jusqu’à 14 fois moins émetteur en GES que le naval ou le routier). Non l’UE, la France et la SNCF n’ont aucune intention de l’exploiter pleinement, bien au contraire. Les contradictions insolubles entre solution écologique à la crise climatique et profit capitaliste se révèlent une fois de plus. Et ce sont les cheminots qui en font les frais les premiers.

Il est nécessaire de contre-attaquer

Les travailleurs et les travailleuses sont les premiers à dénoncer cette procédure. Ils sont conscients que le fret ferroviaire est le moyen de transport le plus écologique, et qu’un transport de marchandises peu émetteur en CO2 ne peut se faire sans le rail. C’est ce qui les a poussés à se rassembler à plusieurs reprises dernièrement pour faire face à ce « dernier clou dans le cercueil » du fret comme le dénonce Sud Rail.

Ce mardi 23 mai, ils étaient plus de 400 à répondre à un appel de Sud Rail pour envahir des locaux de la Commission européenne à Paris, et interpeller le ministre des transports Clément Beaune. Une action symbolique à laquelle ont répondu présents des cheminots de toute la France pour affirmer que « la SNCF n’est pas à vendre. » Ils étaient également présents lors de la réunion tripartite rassemblant le ministère des transports, la direction de la SNCF et les représentants syndicaux, et qui a abouti à la décision finale.

Il est maintenant primordial qu’une réponse à la hauteur soit apportée par l’ensemble des forces syndicales, politiques, écologistes et populaires pour contre-attaquer. A cette fin, le triage du Bourget, qui sera en grève, appelle à un rassemblement jeudi 15 juin à 13h, 104 avenue Marceau Drancy.

La liquidation du fret et les conséquences sociales et écologiques qu’elle entraîne sont le fruit d’une politique consciente menée par la Commission Européenne, le gouvernement et la direction de la SNCF pour les intérêts du patronat. Alors que les cheminots s’opposent à cette casse, l’ensemble des travailleurs doivent se solidariser avec leur lutte.