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Etat policier

Dissolution de France Police : Darmanin manoeuvre pour calmer la colère et préparer de futures attaques

Dans un communiqué mercredi, Darmanin s’en est pris au syndicat policier d’extrême-droite France Police. Une manœuvre pour donner des gages face à la crainte d’un embrasement après le meurtre de Nahel, qui aurait l’avantage de créer un précédent pour dissoudre des syndicats du mouvement ouvrier.

Gabriella Manouchki

29 juin 2023

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Dissolution de France Police : Darmanin manoeuvre pour calmer la colère et préparer de futures attaques

Ce mercredi, après une première nuit de colère suite au meurtre de Nahel par la police, le ministère a publié un communiqué. Contre toute attente, c’est le syndicat France Police qui est visé : « Le groupuscule ‘France police’, qui n’est en aucun cas un syndicat représentatif de la Police nationale (…) a publié un tweet inacceptable et abject », affiche le communiqué.

Une référence à la publication particulièrement violente de France Police sur Twitter : « Bravo aux collègues qui ont ouvert le feu sur un jeune criminel de 17 ans. En neutralisant son véhicule, ils ont protégé leur vie et celle des autres usagers de la route. Les seuls responsables de la mort de ce voyou sont ses parents, incapables d’éduquer leur fils », affichait le tweet, rapidement supprimé.

« Gérald Darmanin condamne fermement ces propos, contraires à nos valeurs républicaines et à celles de la Police nationale », poursuit le communiqué du ministère de l’Intérieur. Darmanin affirme avoir « saisi la justice » et « donné instruction aux services du ministère (...) d’étudier les modalités » de la dissolution de France Police.

Une manœuvre de Darmanin, ami des syndicats de flics

Avec ce premier communiqué officiel, le ministère de l’Intérieur entend donner des gages aux larges secteurs de la population qui se sont indignés face à la vidéo glaçante du meurtre du jeune Nahel par la police. Une tentative d’apparaître « intransigeant » vis-à-vis des positions « trop extrêmes » au sein de la police pour désamorcer la possibilité d’un embrasement de la colère, alors qu’une nuit d’émeutes avait déjà montré le potentiel d’une rage profonde ancrée dans les quartiers, et que la mère de Nahel appelait à marcher à Nanterre en souvenir de son fils, pour la vérité et la justice.

Une manœuvre politique profondément hypocrite, de la part d’un ministre qui a toujours affiché sa proximité avec les syndicats de police. Après les avoir choyés avec la LOPMI, Darmanin participait même il y a deux mois au congrès national du syndicat Alliance Police en région parisienne, clamant « j’aime les flics ! » au milieu d’un discours de défense de l’institution policière prétendument menacée par l’« ultra gauche ».

Plus largement, de la Loi sécurité globale à la LOPMI en passant par une hausse régulière des budgets et de nombreux avantages et un soutien infaillible octroyés au corps policier, Macron et ses différents ministres ont tout fait pour développer l’arsenal répressif de l’État tout en canalisant les pressions des syndicats de police. Une politique sécuritaire qui n’a fait que renforcer le pouvoir des forces de répression.

Condamner les propos de France Police ne masquera donc pas la proximité évidente du « premier flic de France » avec les syndicats de police - dont France Police fait bien partie contrairement à ce qu’il prétend dans son communiqué (3 % des voix aux élections professionnelles de décembre 2022) - et sa responsabilité centrale dans la surenchère sécuritaire actuelle, sur laquelle surfent les proches de l’extrême-droite pour appeler à une répression toujours plus violente.

Si le tweet du syndicat d’extrême-droite, précédé d’une sortie de son principal dirigeant Bruno Attal affirmant préférer « voir une racaille morte qu’un policier mort », est particulièrement ignoble, le reste des syndicats de police n’est pas en reste. Le syndicat CFDT/Alternative Police est ainsi allé jusqu’à dénoncer la marche blanche appelée par la mère de la victime ce jeudi, affirmant qu’elle viserait à « stigmatiser la police nationale et appeler à la révolte », tandis que Alliance s’insurgeait des « propos inexplicables, inexcusables […] de certains responsables politiques, artistes ou autres [qui] bafouent la séparation des pouvoirs et l’indépendance de la justice en condamnant nos collègues avant même que celle-ci ne se prononce ».

Des déclarations qui prouvent que, au-delà de « nuances » de radicalité réactionnaire, les syndicats de police poursuivent les mêmes objectifs : détourner les faits et criminaliser Nahel afin de justifier sa mort pour défendre l’institution policière. Une institution fondamentale de l’État, dont Darmanin est un responsable particulièrement anti-ouvrier et anti-quartiers populaire.

Derrière l’effet d’annonce, Darmanin avance ses pions pour attaquer le mouvement ouvrier

Par-delà cette manœuvre politique, visant à faire croire à celles et ceux qui pourraient se radicaliser face à l’État que Darmanin est leur allié « raisonnable » face aux « mauvais flics », le communiqué du ministère de l’Intérieur cache cependant un autre enjeu. En effet, si la dissolution de France Police que le ministère dit « étudier » devait être menée à terme, cela créerait un précédent juridique et politique important pour réprimer les organisations du mouvement ouvrier.

De la même façon que les dissolutions de groupes d’extrême-droite, à l’instar de celle de Génération Identitaire en 2021, permettent au gouvernement de justifier la dissolution de groupes d’extrême-gauche, écologistes, antiracistes ou d’organisations musulmanes, dissoudre une « organisation syndicale » policière donnerait à Darmanin une nouvelle base légale et politique pour d’éventuelles futures dissolutions visant cette fois le mouvement ouvrier.

La droite y appelle depuis longtemps. En juillet 2019 déjà, le syndicat Sud Éducation 93, connu pour ses prises de positions notamment antiracistes, était visé par des menaces de dissolution de la part de LR, ayant donné lieu à une audition au tribunal de Bobigny en mars 2022. La justice avait alors tranché en faveur du syndicat. Dans le futur, Darmanin ne se gênera évidemment pas pour utiliser la dissolution d’un syndicat d’extrême-droite pour légitimer celle d’un syndicat « d’extrême-gauche », dans une rhétorique dont la macronie s’est faite la spécialiste.

La menace de dissolution de France Police, expression d’un régime aux abois, ne remet ainsi en rien en cause l’offensive autoritaire actuelle. Au contraire, si elle était menée à terme, elle pourrait être le point d’appui de nouvelles attaques. Dès ce jeudi, Darmanin a d’ailleurs déjà changé de discours, annonçant la mobilisation de 40 000 policiers et de la BRI, du GIGN et du RAID en réserve. De même, la marche blanche pour Nahel a été durement réprimée ce jeudi.

Dans ce cadre, l’ensemble des organisations du mouvement ouvrer doit s’unir aux collectifs de famille pour revendiquer la vérité et la justice, ainsi que la fin des violences policières et des menaces de dissolutions. De ce point de vue, le rassemblement des Soulèvements de la Terre, mercredi soir, a exprimé un début de convergence contre les violences policières et l’offensive autoritaire de l’Etat. Un exemple à suivre et à généraliser, le cas contraire c’est l’ensemble du mouvement social et du mouvement ouvrier qui pourraient se retrouver désarmés face aux possible futures offensives de l’Etat.


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