Après l’entrée en grève des compagnons d’Emmaüs Saint-André-Lez-Lille au début de l’été et puis celle des compagnons de Grande-Synthe, ce sont les compagnons et les CDDI ( contrat à durée déterminée d’insertion ) d’Emmaüs Tourcoing qui se sont mis en grève le 12 septembre dernier pour dénoncer leurs conditions de travail et exiger la régularisation des sans-papiers. Samedi 30 septembre, l’Emmaüs de Nieppe a aussi rejoint la mobilisation.

C’est un véritable système d’esclavage qui est dénoncé par l’ensemble des grévistes d’Emmaüs. Conditions de travail catastrophiques, conditions d’hébergements inhumaines, promesses non tenues notamment sur la régularisation des travailleurs sans papiers, salariés payés en dessous du SMIC, faire cause commune et grève ensemble est devenu une nécessité pour l’ensemble des travailleurs de l’association.

Des conditions de travail et de vie inhumaines

« Le mot droit, on ne connaissait pas. On a toujours des devoirs » s’écrit Achraf, un des représentants des compagnons de Tourcoing. Travaillant parfois les pieds dans l’eau, dans des bâtiments trop chauds l’été, ou trop froids l’hiver, les compagnons ne sont payés que 300 euros (240 euros quand ils commencent) avec une prime de 50 euros que la direction peut décider de leur retirer pour un oui ou pour un non. Mais ils subissent en plus l’arbitraire de leur direction : lorsqu’un compagnon est en arrêt-maladie, il perd la moitié de son déjà maigre pécule en « compensation ». En plus de cela, excepté les chaussures de sécurité, ils ne disposent d’aucune protection.

En conséquence, plusieurs accidents du travail sont arrivés après lesquels ils ont été contraints de continuer à travailler, et toujours dans des conditions indignes. Même son de cloche chez les CDDI avec Ludo, un de leurs représentants, qui raconte les coups de pression qu’il a subis pour porter des objets lourds alors même que la médecine du travail lui avait déconseillé. CDDI et compagnons travaillent donc dans une ambiance toxique, mais ces derniers subissent en plus des logements insalubres. Il n’y a qu’une seule toilette et une seule douche pour 15 personnes. Mais en plus, ils doivent vivre avec leur famille dans des logements insalubres avec les cafards, les souris et les rats, y compris dans les réserves de nourriture. Nourriture qu’ils doivent par ailleurs payer, même si ce sont des dons.

Face à ces conditions de travail et de vie totalement inhumaine, cette grève dénonce la volonté d’Emmaüs de devenir « une entreprise comme une autre » comme le dit Achraf. Ce changement se voit dans le déplacement d’Emmaüs Tourcoing vers le centre-commercial, mais aussi dans la volonté d’exploiter et d’économiser sur la moindre chose à laquelle les compagnons ont le droit notamment la nourriture (payante) et le logement dont le plafond d’un d’entre eux s’est effondré. Malgré leur faible pécule, les compagnons doivent aussi payer la nourriture ainsi que les 4 machines à laver et 4 sèche-linge auxquels ils ont le droit par mois en échange de 12 euros par mois.

Face à cela, les compagnons et les CDDI en grève ont décidé de s’organiser collectivement en Assemblée Générale chaque matin afin de décider ensemble de la suite de la grève en plus du tractage auprès des clients afin de les informer sur leurs luttes et leurs revendications. L’Union Locale CGT de Tourcoing, qui les accompagne depuis le début [dénonçait par ailleurs le 29 septembre https://www.facebook.com/photo?fbid=122122361936029097&set=a.122114399558029097] la volonté de la nouvelle direction de rencontrer les grévistes, mais sans passer par leurs représentants, divisant ainsi les grévistes en faisant « au cas par cas ». Dans le même sens, la direction cherche encore à diviser les grévistes avec une concession aux revendications des CDDI tandis que les compagnons eux n’ont rien obtenu.

Un combat central pour exiger la régularisation de tous les sans-papiers

Plus généralement, tous les compagnons se sentent désabusés face au manque de perspectives. Plusieurs d’entre eux n’ont toujours pas été régularisés après plus de trois ans à Emmaüs. Ludo sent qu’il n’a « aucun point de chute ». Ils ne veulent donc plus de paroles, ils veulent du concret « noir sur blanc ». Ainsi, le combat que mène les compagnons d’Emmaüs pose la nécessité de la régularisation des sans-papiers ! Pour un accès à des conditions de travail et de vie dignes, à de vrais contrats de travail et surtout à la régularisation, véritable « ticket des compagnons pour la liberté » explique des grévistes !

Pour que ce combat soit victorieux, un soutien massif est plus que jamais nécessaire. À l’heure où le gouvernement prépare sa loi immigration, qui va encore aggraver les conditions de vie des sans-papiers, il est plus qu’urgent que les directions du mouvement ouvrier sortent de leur torpeur et appellent à soutenir cette grève, tout en construisant un plan de bataille d’ensemble qui permette de faire reculer le gouvernement dans son offensive xénophobe et raciste.