A Saint-André-lez-Lille (59), les compagnons d’Emmaüs sont en grève depuis 71 jours. A l’origine de la lutte : leur salaires misérables, avec 35 heures de travail par semaine rémunérées 150 euros par mois, le refus de la direction de leur accorder un statut de travailleur et ses mensonges au sujet des promesses de régularisations de ces travailleurs sans papiers. Depuis deux semaines, la colère contre l’enseigne s’est d’ailleurs étendue à un deuxième site, celui de Grande Synthe, dans le Nord (59) également. Les grévistes réclament ainsi leur régularisation et le paiement de leurs arriérés de salaires. Ils accusent également Emmaüs de Saint-André-lez-Lille de travail dissimulé et de traite d’être humain.
Ce jeudi, une délégation d’étudiantes et travailleurs militants de Révolution Permanente est venue à leur rencontre, afin de leur apporter du soutien et d’organiser un échange autour du film « Les petites mains invisibles ». Ce documentaire d’une heure revient en effet sur la grève menée par une centaine de salariées d’ONET, dont de nombreux sans-papiers, en 2017. Une lutte exemplaire dans une entreprise de nettoyage, sous-traitante pour la SNCF, qui a duré 45 jours et qui a abouti à une victoire, et qui ressemble pour beaucoup à la lutte que mènent aujourd’hui les travailleurs sans-papiers d’Emmaüs.
[DIRECT] A St-André-lez-Lille, les travailleurs sans-papiers d’Emmaüs ont reconduit la grève pour la 70ème journée de suite !
Pour leur régularisation, leur salaire et la reconnaissance d'Emmaüs pour traite d'être humain et travail dissimulé : solidarité ! pic.twitter.com/d6qtVkAfV2
— Révolution Permanente (@RevPermanente) September 7, 2023
Assemblées générales, caisse de grève, détermination : « les surexploités peuvent se battre ! »
Après la diffusion du documentaire Said Bouamama, sociologue, militant anti-raciste et soutien de la première heure de la grève, revenait sur les enseignements de la lutte d’Onet : « on a bien vu tous les points communs. Nous le savions dès le début, la lutte sera longue. Parce que si l’on gagne, on révèle à la fois le business de l’humanitaire et ce qu’ils veulent faire des sans-papiers, c’est-à-dire une mains d’œuvre sur-exploitable de manière durable. Mais c’est aussi montrer que des surexploités peuvent se battre ! ». Dans le même temps, il a rappelé l’enjeu de ne pas être isolé pour qu’une grève soit victorieuse.
"On a vu tous les points communs. On le sait, la lutte sera longue. Si on gagne, on révèle le business de l'humanitaire, ce qu'ils veulent faire des sans-papiers, à savoir une main d'œuvre sur-exploitable. On a besoin de votre solidarité pour gagner." conclut @BouamamaFUIQP pic.twitter.com/a8L1xR3xu0
— Révolution Permanente (@RevPermanente) September 7, 2023
Parmi les nombreux points communs entre ces deux luttes, Oumou, ex-gréviste d’ONET et militante à Révolution Permanente, insistait justement sur l’importance de l’auto-organisation pour gagner une grève : « Vous ne devez pas vous laisser influencer. C’est aux travailleurs de se mettre d’accord, de décider. Nous aussi on faisait des assemblées générales tous les matins ». Une pratique partagée par les grévistes d’Emmaüs qui, eux aussi, s’organisent en assemblée générale quotidienne pour décider des modalités de leur grève, revenir sur les défis et difficultés à surmonter de leur lutte, et élire des portes-paroles.
Enfin, Ibrahim, l’un des portes paroles élus de la grève, a déclaré après la projection du film : « Ce qu’on a regardé nous donne encore plus de force pour lutter. Nous aussi on veut être un exemple pour tous les Emmaüs. On n’oubliera pas comment ils nous ont traité ici, et on ira jusqu’à la victoire. » Une rencontre riche en discussions donc, alors que les grévistes ont entamé ce vendredi leur 70ème jour de grève.
"Ce qu'on a regardé nous donne encore plus de motivation pour lutter. C'est à notre tour de ne pas céder. On oubliera pas comment ils nous ont traité ici, on ira jusqu'à la victoire !" Ibrahim, porte parole de la grève, réagit au film. pic.twitter.com/HGUbbAzfnx
— Révolution Permanente (@RevPermanente) September 7, 2023
Face à l’offensive raciste du gouvernement, les directions syndicales doivent soutenir les grévistes d’Emmaüs !
Pour conclure, Said Bouamama appelait de ses vœux un maximum de soutien : « nous sommes à 69 jours de grève. Nous allons tenir autant qu’il faut, mais pour cela nous avons besoin de solidarité, d’une présence sur le piquet, d’une solidarité financière ». C’est en ce sens qu’Alexis, militant à Révolution Permanente, expliquait l’importance de soutenir la grève des Emmaüs et annonçait un don à la caisse de grève de la part de Révolution Permanente : « Dans un moment où le gouvernement déchaine une déferlante raciste pour nous diviser, de la répression des révoltes dans les quartiers populaires jusqu’à l’interdiction du port de l’abaya dans les écoles en passant par l’application de la loi immigration, votre grève c’est la meilleure réponse possible à la politique du gouvernement. »
"Votre grève, c'est la meilleure réponse possible à ce gouvernement qui déroule ses attaques racistes pour diviser notre camp qui a relevé la tête ces derniers mois." explique Alexis, militant à @RevPermanente pour introduire la projection du film "Les Petites mains invisibles" pic.twitter.com/hRfnBTIX2b
— Révolution Permanente (@RevPermanente) September 7, 2023
Pour toutes ces raisons, il est primordial que les directions syndicales appuient et se saisissent de la grève des Emmaüs, qui montre la détermination à lutter de travailleurs précaires et sur-exploités , pour mettre sur pied un plan de bataille plus large contre l’inflation et pour les salaires, plutôt que de discuter avec le gouvernement pour rétablir le dialogue social, comme elles l’ont fait la semaine dernière.
Pour soutenir les grévistes, une pétition circule en ligne, ainsi qu’une caisse grève.
