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Analyse

« En avoir pour mes impôts » : une pseudo « consultation » pour préparer l’austérité

En difficulté pour sortir de la crise politique et « reprendre la main » le gouvernement lance une consultation sur les impôts. Une campagne très politique pour tenter d’occuper le terrain, chercher à s'adresser aux « classes moyennes » mais aussi paver la voie à de futures offensives austéritaires.

Nathan Deas

25 avril 2023

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« En avoir pour mes impôts » : une pseudo « consultation » pour préparer l'austérité

Crédit photo : Capture d’écran

Ce mardi, le gouvernement a lancé une consultation intitulée « En avoir pour mes impôts » destinée à savoir comment les « contribuables » souhaitent que leur argent soit dépensé par l’Etat et à expliquer les dépenses publiques. L’objectif de cette campagne de « consultation citoyenne » selon le gouvernement : montrer aux Français où va l’argent du contribuable et combien coûtent les actes et services publics du quotidien... Autrement dit ouvrir la voie à de nouvelles coupes austéritaires, tout en l’enrobant d’une adresse aux « classes moyennes », nouveau cheval de bataille du gouvernement.

« Enavoirpourmesimpots.gouv.fr » : une campagne populiste pour masquer une future offensive austéritaire

En ligne ou en direct lors de réunions publiques dans les centres d’impôts cet été, les contribuables pourront donc « donner leurs avis » sur les dépenses publiques sur Enavoirpourmesimpots.gouv.fr. On comprend assez aisément qu’il y a là une nouvelle tentative (après l’échec des précédentes) pour chercher à tourner la page des retraites et « convaincre » la population de la bonne utilisation de l’argent public. Le gouvernement ne s’en cache pas d’ailleurs. « Il s’agit aussi de les persuader qu’au fond, ils sont gagnants » résume un conseiller de Bercy dans les colonnes de la Tribune.

Évidemment cette volonté de mettre au centre la question des dépenses publiques n’est pas innocente. À écouter, Gabriel Attal, on comprend, en effet, tout aussi rapidement que ce qui s’annonce, ce n’est rien d’autre qu’un nouveau plan d’austérité d’ampleur. « L’enjeu n’est pas seulement de dépenser moins, mais de dépenser mieux » confie le ministre à Ouest France. Et de préciser, plus loin : « l’enjeu, c’est donc […] réduire les déficits et désendetter le pays. ». Plus tôt dans la semaine, Elisabeth Borne avait fixé l’objectif de réduire les dépenses de chaque ministère de 5%.

Pour mener à bien cet objectif, colère sur les retraites oblige, le gouvernement s’est trouvé une nouvelle formule magique. Il faut désormais de la « transparence ». « Je me déplace beaucoup sur le terrain et régulièrement des Français me disent qu’ils veulent voir exactement comment et où vont nos impôts » explique Gabriel Attal. Sur le tout nouveau site du gouvernement, « enavoirpourmesimpots.gouv.fr » on apprend donc qu’une année à l’école maternelle ou primaire « coûte » « 6805 euros », « 8206 euros » au collège et « 11580 euros » à l’université, que l’entretien d’un kilomètre de route c’est « 110 000 euros », et « 2600 euros » pour un accouchement. L’exercice de « transparence » s’arrête cependant aux portes de l’entreprise. On ne trouvera rien, en en effet, sur les impôts des plus riches ni sur les cadeaux du gouvernement aux entreprises ces dernières années. Et pour cause : il n’est pas question d’y toucher.

Dans une « grande consultation », sur le mode du « grand débat » national organisé par Emmanuel Macron après la crise des gilets jaunes, les « contribuables » seront prochainement invités à se prononcer sur les services publics. Tout cela coûte très cher veut faire comprendre le gouvernement. « On n’a jamais autant dépensé pour l’hôpital, pour l’éducation » explique Gabriel Attal. En résumé, derrière la consultation, il s’agit une fois de plus de préparer les esprits à de nouvelles restrictions budgétaires et à une politique de rigueur. Les importantes coupes réalisées sur les retraites et l’assurance chômage n’ont visiblement pas suffit : il faut encore trouver des milliards d’euros d’austérité supplémentaires.

Une campagne très politique en direction des « classes moyennes », contre le mouvement ouvrier et les précaires

En pleine crise politique, la campagne traduit un second objectif : préparer le grand retour du discours sur les classes moyennes. « Pour les classes moyennes, le vrai sujet est celui du décrochage ou du déclassement. La France à qui on dit : ce n’est pas possible » amorçait Emmanuel Macron, dimanche, dans une interview fleuve pour le Parisien. Gabriel Attal qui a l’ambition de bâtir un « plan Marshall pour les classes moyennes » voit de son côté dans cette « grande consultation » sur les impôts un « enjeu de cohésion national ».

Derrière l’offensive idéologique sur la défense des « classes moyennes » on retrouve une technique vieille et éculée : s’adresser à des secteurs du monde du travail et de la petite-bourgeoisie autour de thématiques telles que les impôts ou la petite propriété, en cherchant à les détacher et à les opposer au mouvement ouvrier organisé (synonyme de grève et de bordélisation) mais également aux étrangers et aux plus précaires (synonymes de fraude sociale, comme l’a laissé entendre Darmanin la semaine dernière).

Pour ce faire, le gouvernement a déjà enclenché un premier volet. Dans le Parisien, ce dimanche, Macron précisait le contour de sa politique pour les « 100 jours d’apaisement ». Au centre, une vaste offensive contre les plus précaires pour tenter de surfer sur les divisions du monde du travail par le lancement d’une nouvelle loi Immigration et l’annonce de nouvelles attaques contre les allocataires du RSA. Avec sa campagne sur la dépense publique, le gouvernement ajoute un volet spécial « impôt » visant à convaincre des secteurs du monde du travail qu’ils ont intérêt à accompagner les futures coupes budgétaires pour ne pas avoir à payer plus en tant que « contribuables ».

Face aux coupes austéritaires à venir, il va falloir une réponse du monde du travail

Si Macron cherche donc, une fois de plus, à mener à bien une offensive contre le monde du travail, ce nouvel agenda est cependant loin de s’annoncer sans difficulté. Comme un symbole, ce mardi, la visite de Gabriel Attal et de Stanislas Guerini d’un centre des finances publiques et d’une maison France services dans l’Hérault, qui devait servir de rampe de lancement à la campagne, a dû être annulée suite à la constitution d’un « comité d’accueil » appelé par la CGT. Alors que la colère reste énorme comme le montrent les dynamiques de harcèlement de l’ensemble des membres du gouvernement, il y a un enjeu fondamental à poursuivre la bataille contre la réforme des retraites et de la lier aux combats contre ces nouvelles attaques du gouvernement, notamment l’offensive austéritaire à venir.


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