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Loi immigration

« Faute de carte de séjour, je n’ai pas été acceptée en Master » Fatime, étudiante tchadienne à Paris 1

Contre la surenchère xénophobe autour de la loi immigration, Le Poing Levé donne la parole aux étudiants étrangers. Voici le témoignage de Fatime, étudiante tchadienne arrivée en France il y a huit ans.

Le Poing Levé

5 janvier

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« Faute de carte de séjour, je n'ai pas été acceptée en Master » Fatime, étudiante tchadienne à Paris 1

Jean-Pierre Bazard, Creative Commons

Ce témoignage a été récolté dans le cadre d’une enquête nationale sur la précarité étudiante lancée par Le Poing Levé à l’automne 2023. Avec l’actualité de la loi immigration, qui s’attaque aux étudiants étrangers déjà en première ligne du mal-logement et de la pauvreté, nous avons décidé de publier une série d’articles leur donnant la parole et mettant en lumière leur quotidien. Pour participer aussi à l’enquête et témoigner, clique sur ce lien.

Bonjour, peux-tu te présenter et parler de ton parcours ?

Je m’appelle Fatime, j’ai 22 ans, je suis arrivée en France en 2016, je viens du Tchad. Je suis venue retrouver ma mère en France car elle y habitait déjà. Quand je suis arrivée à 15 ans, j’ai demandé une carte de séjour mais c’était très compliqué. Je viens d’Afrique centrale, et c’est encore plus difficile d’en obtenir une pour ceux qui viennent du Maghreb.

Comment la loi immigration va-t-elle affecter ton avenir en tant qu’étudiante étrangère ?

Ça complique tout. Ça fait quand même huit ans que j’habite sur le territoire français, je vis sans carte de séjour, et ça risque d’être encore plus compliqué d’en avoir une. Vraiment, ça me fait peur. Il n’y a rien de bon dans cette loi, tout est contre nous. J’aimerais que les choses changent, pour les gens qui vont arriver en France après nous. C’est en parlant que les choses changent. Si on se tait, ça ne changera pas. Quand on se réveille, qu’on se demande ce qu’on va manger et que notre frigo est vide, c’est là qu’on comprend la dureté qu’on vit en tant qu’étudiant·es.

Comment les difficultés d’obtention d’un titre de séjour affectent-elles ton quotidien ?

Quand j’ai eu mon bac et que je suis rentrée à Paris 1 en philosophie, j’ai déposé des dossiers pour obtenir une carte de séjour. J’ai obtenu un récépissé mais celui-ci a expiré il y a un an, et depuis il n’y a pas eu de suite, je n’ai toujours pas de titre. J’ai ensuite déménagé d’Argenteuil à Paris, donc ma demande de carte de séjour à Argenteuil a été annulée et j’ai dû repartir de zéro à la préfecture de Paris. J’avais pu avoir une carte vitale quand mon dossier avait été traité à Argenteuil, mais comme je n’y habite plus, je ne sais pas comment je vais faire pour renouveler ma carte cette année.

J’ai pu parler à une assistante sociale qui m’a dit qu’elle ne pouvait absolument rien faire pour moi au-delà d’obtenir une aide ponctuelle et une annulation de frais de scolarité. C’est vraiment ce qui complique mon parcours universitaire, parce que sans carte de séjour, c’est très difficile d’accéder aux aides, mais aussi de poursuivre mes études, ou même de travailler, de trouver un logement.

Quelles sont tes conditions de logement ?

Concrètement l’année passée, j’ai eu des gros problèmes familiaux donc j’ai dû partir de là où j’habitais et c’était très compliqué. L’assistante sociale m’a aidé à trouver un logement Crous dans Paris, dans lequel j’habite depuis avril 2023. Ce qui est paradoxal, c’est que j’ai quand même un statut étudiant, un logement CROUS, une bourse, mais malgré ça mon dossier est toujours bloqué à la préfecture. Le temps de traitement est énorme. La préfecture de Paris m’a dit que ça allait prendre un an. Un an, pour un étudiant, c’est énorme. Je n’arrête pas d’écrire à la préfecture, ils me demandent des documents que j’ai déjà fourni. Même l’assistante sociale n’a aucun pouvoir pour aider mon dossier.

Sans renouvellement de ton titre, comment subviens-tu à tes besoins ?

C’est assez compliqué de payer mon loyer et ma nourriture parce que je ne peux pas travailler. J’ai cherché du travail mais sans carte de séjour, je ne peux pas être embauchée. Je ne peux même pas faire de petit boulot étudiant pour m’aider à côté. Déjà, pour les étudiant·es qui travaillent, c’est dur, alors pour ceux qui ne peuvent pas travailler, qu’est-ce qu’on peut faire ?

Je vis grâce à la bourse étudiante, mais même avec ça, c’est compliqué. Je reçois 633 euros chaque mois, mais je dois payer 431 euros de loyer et 270 euros pour le retard de loyer. Donc ma bourse couvre à peine mon loyer. Pour manger, je vais à des distributions alimentaires chaque semaine, et mes ami·es m’aident beaucoup. J’ai de la chance d’être avec des gens qui comprennent ma situation. J’ai aussi eu une aide ponctuelle qui m’a permis de payer les transports. Je m’en sors comme ça.

Comment appréhendes-tu la poursuite de tes études ?

Je vais terminer ma licence de philosophie cette année. L’année dernière, j’ai déjà fait des demandes de master mais j’ai été rejetée de tous les masters que je voulais à cause de la régularisation. En master, on doit faire des stages, et sans carte de séjour, c’est impossible d’accéder à un stage. J’ai très peur de ne pas avoir ma carte de séjour à temps et donc de ne pas pouvoir avoir les masters que je veux. Si je n’ai pas de master, je ne sais pas quoi faire, je ne peux même pas travailler. C’est fatiguant et c’est stressant, tu te réveilles tous les jours et tu pries pour que ça passe.


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