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Hollywood, aéronautique, automobile : le retour en force de la grève aux Etats-Unis

Tandis que la Maison Blanche états-unienne se félicite du bilan économique des « Bidenomics », les grèves et les menaces des grèves se multiplient dans l’industrie du cinéma, de l’aviation, de l’automobile et de la logistique.

Sasha Yaropolskaya

5 septembre 2023

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Hollywood, aéronautique, automobile : le retour en force de la grève aux Etats-Unis

Un piquet de grève des scénaristes devant NBC à New York // Left Voice

Un spectre hante les États-Unis : le spectre de la grève. Si le Parti démocrate a réussi à casser la grève nationale des travailleurs du rail en décembre dernier, la dynamique pro-grève se propage dans tout le pays : après le cinéma, et la logistique, c’est au tour de l’automobile et des jeux-vidéo de voir des menaces importantes de grève. Confrontés à l’inflation, les travailleurs états-uniens se syndiquent et les grèves en cours de préparation pourraient atteindre des niveaux inédits depuis 30 ans.

Lire aussi : USA : Biden et les directions syndicales concluent un accord pour empêcher une grève massive de cheminots

La semaine dernière, le syndicat des travailleurs de l’industrie automobile américaine UAW, qui regroupe 150 000 travailleurs, a adressé une demande à la direction des entreprises General Motors, Ford Motors et Stellantis d’une augmentation de 46 % des salaires, pour être augmentés autant que leurs patrons. Outre l’augmentation des salaires, les travailleurs ont demandé la réduction du temps de travail de 40 à 32 heures par semaine, l’augmentation des pensions de retraite, le rétablissement de l’assurance maladie pour les retraités et l’arrêt de la pratique de réduction des salaires pour les nouveaux employés. Si le syndicat ne trouve pas un accord avec les entreprises, les travailleurs devraient se mettre en grève à partir de 14 septembre, rejoignant les 160 000 acteurs (syndiqués chez SAG-AFTRA) en grève depuis le 14 juillet et les 11 500 scénaristes (syndiqués chez WGA) en grève depuis le 2 mai.

Les causes de ces grèves sont similaires et vont au-delà de l’inflation et de la stagnation des salaires. L’industrie automobile est en pleine transition vers la production des véhicules électriques qui nécessitent moins de travailleurs sur la chaîne de production : un changement qui fait planer la menace de licenciements de masse dans le secteur. L’industrie du cinéma et de la télévision sont bouleversées par les services de streaming qui ont un modèle financier nouveau permettant aux géants de l’industrie audiovisuelle de payer des plus faibles residuals (pourcentage sur les revenus) aux acteurs et aux scénaristes. Ce nouveau chapitre « Netflix » de l’industrie du cinéma met en ruine les travailleurs tout en bas de l’échelle qui étaient déjà obligés de travailler à côté pour subvenir à leurs besoins. Même des acteurs et scénaristes connus se retrouvent déclassés. Un autre gros enjeu : l’avancée rapide de l’intelligence artificielle que les studios audiovisuels utilisent pour écrire des scénarios sans scénaristes et pour générer d’une façon photoréaliste les acteurs, qu’ils soient figurants ou même de grosses stars.

À UPS (United Parcel Service), la plus grande entreprise postale des États-Unis, plus de 340 000 travailleurs auraient pu se mettre en grève en août si leur syndicat, les « Teamsters », n’avait pas poussé pour la signature d’un accord améliorant les conditions de travail et la paie pour les travailleurs à temps plein et laissant de côté les revendications des travailleurs à temps partiel. La seule menace de la grève aura cependant permis des augmentations de salaire importantes, même si les salariés à temps partiel (qui représentent 60 % des syndiqués) ont été les grands perdants de l’accord. Le secteur reste turbulent : depuis que la pandémie de COVID a accéléré la transition du commerce de détail vers l’internet, le chiffre d’affaires et donc la charge du travail des travailleurs des entreprises de logistique comme UPS et Amazon a explosé.

Lire aussi : « Time to pay up ! » : 340 000 livreurs américains d’UPS prêts à entrer en grève pour leurs salaires

Dans l’aérien et l’aéronautique, 99,4 % des hôtesses et stewards d’American Airlines ont voté en faveur d’une grève au milieu des négociations contractuelles entre APFA, le syndicat américain des hôtesses et stewards, et le transporteur. Cette menace de grève fait suite à la grève de 6 000 travailleurs à l’usine Spirit Aerosystems, fournisseur de Boeing, à Kansas qui a duré deux semaines, a provoqué la fermeture temporaire du site et a fini par la signature d’un accord sur les nouveaux contrats.

Ces grèves sectorielles montrent une tendance générale à une combativité renouvelée de la classe ouvrière états-unienne confrontée à une exploitation plus dure depuis le début de la pandémie de COVID, à la dégradation de son niveau de vie face à la hausse des loyers, à la flambée des prix de l’essence et de l’alimentation. Malgré l’optimisme économique des démocrates, la Banque centrale états-unienne continue de faire monter le taux d’intérêt (qui est à 5,25 %, le plus haut niveau depuis 22 ans) et l’économie risque toujours de plonger dans une récession.

Si les grandes grèves de 2018 et 2019 touchaient les secteurs publics de santé et de l’éducation avec des taux élevés de syndicalisation, en 2022 et en 2023 la syndicalisation s’étend de plus en plus aux secteurs privés (Amazon, Starbucks, Whole Foods, Trader Joe). Et même les lieux de travail non-syndiqués ne sont pas sans risque de grève : le rapport annuel de l’École des relations industrielles et du travail de l’université de Cornell a montré que 31 % des 424 arrêts de travail enregistrés en 2022 aux États-Unis étaient le fait de travailleurs non syndiqués.

La limite de cette combativité inédite des travailleurs reste l’isolement des secteurs dans lesquels se déroulent les grèves : c’est la première fois depuis 60 ans que les scénaristes et les acteurs sont en grève simultanément, on a vu des piquets communs entre les scénaristes et les stewards de l’air, mais les grèves simultanées restent un fait rare, permettant au patronat et au parti démocrate de les attaquer une par une.

L’autre limite est la bureaucratie des grands syndicats comme celle de Teamsters à UPS qui a poussé les syndiqués à accepter un accord préliminaire coûte que coûte au lieu de partir en grève pour de meilleures conditions de travail et pour une paie décente pour tous les travailleurs. Cette bureaucratie, liée et subordonnée au Parti démocrate, sert à contenir la combativité des travailleurs et à limiter leurs revendications aux questions strictement économiques. Contenir les potentialités du mouvement ouvrier est une tâche clé à la veille des élections présidentielles 2024 pour lesquelles le gouvernement de Biden a besoin d’une classe ouvrière disciplinée et supplétive s’il veut espérer l’emporter face aux Républicains.


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