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Logistique

ID Logistics. Un mois après la grève « le syndicat se renforce pour mieux préparer la suite »

Après une grève nationale inédite début mars, les bilans de la mobilisation motivent certains salariés à se syndiquer pour mieux préparer les futures mobilisations. Entretien avec Pierre-Maurice Calbo, délégué syndical de la CGT ID Logistics Région Ouest et ouvrier sur le site de Plaisance-du-Touch près de Toulouse.

Dorian Maffei

3 avril

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ID Logistics. Un mois après la grève « le syndicat se renforce pour mieux préparer la suite »

Crédits photo : Révolution Permanente

Révolution Permanente : Jeudi 7 mars il y a eu une journée nationale de grève inédite à ID Logistics. Est-ce que tu peux revenir sur son déroulement, notamment dans ton entrepôt ?

Pierre-Maurice Calbo : La première chose à dire, c’est que la mobilisation a été très forte partout en France, en particulier dans le nord, en région parisienne, en Rhône-Alpes et dans la région marseillaise. Au total, c’est une quarantaine de sites qui ont été en grève, souvent majoritairement, ce qui est assez inédit au niveau d’ID Logistics et qui montre une forte colère chez les ouvriers sur la question des salaires, puisque cette mobilisation a eu lieu lors des NAO (négociations annuelles obligatoires, NDLR), mais aussi sur les conditions de travail avec une question de « dignité » qui est beaucoup revenue sur les piquets.

Sur mon entrepôt, la mobilisation aussi a été forte, ce qui n’était pas gagné d’avance car pour beaucoup, perdre un jour de salaire est très difficile vu qu’on est juste au-dessus du SMIC. On a préparé la grève avec les collègues de la CFDT et de la CFTC pour convaincre le maximum de salariés de se mobiliser et au final, au niveau des ouvriers en CDI, on estime la mobilisation à 70 %, avec quasiment tous les grévistes qui ont été présents sur le piquet, ce qui est une grande réussite !

Mais surtout, le point positif de la grève pour moi c’est qu’on a pu s’organiser au-delà du cadre syndical. Avec la CGT, on a lancé une caisse de grève et les dons ont beaucoup touché les grévistes, qui ne s’attendaient pas à ce que des inconnus les soutiennent dans leur combat. Ensuite, on a organisé une assemblée générale où tout le monde pouvait prendre la parole et surtout décider à la fin : c’est ainsi que la grève a été reconduite pour le lendemain, alors que nationalement, à part à quelques endroits, la grève s’est terminée. C’est un point important parce que, depuis la création du syndicat il y a un an, on insiste beaucoup sur la question démocratique et cette grève a été une première expérience en ce sens.

RP : Cette journée de grève s’inscrit dans le cadre des négociations annuelles obligatoires,
dénoncées par les grévistes comme les « NAO de la honte », mais elle arrivée assez tard dans
ces négociations. Est-ce que tu peux expliquer pourquoi ?

PMC : C’est clair qu’il s’agissait de « NAO de la honte » pour plusieurs raisons. Déjà, les négociations sur les salaires se faisaient sur la grille des NAO de l’année d’avant. Sauf qu’entre-temps, avec l’inflation, nos salaires ont été rattrapés par le SMIC et qu’en plus on a eu une revalorisation de la grille au niveau de la branche. Résultat, alors que la direction a proposé au final entre 3 et 3,5 % d’augmentation, cela ne représente qu’1,5 % d’augmentation en moyenne sur nos salaires actuels ! Mais il n’y a pas que ça. Les négociations ont été condensées en quelques jours seulement, avec un calendrier du 5 au 8 mars et un enchaînement des réunions. L’objectif clair de la direction était de rendre impossible un retour sur le terrain et donc la construction d’une mobilisation dans le temps. Mais le pire est arrivé juste après les NAO, quand la direction a publié le 13 mars ses chiffres pour l’année 2023, avec un bénéfice en hausse de 36 % ! On a réalisé que la direction a tout simplement précipité les négociations pour les faire passer juste avant la publication des résultats, ce qui est totalement anormal. On devrait pouvoir aborder les NAO avec la connaissance précise de la situation financière de l’entreprise, mais la direction a manœuvré pour que ça ne soit pas possible.

C’est à mon avis à ce niveau là qu’il faut qu’on tire un enseignement de la mobilisation de mars dernier : il ne faut pas qu’on reste prisonnier de ce type de calendrier qui empêche de bien se préparer sur le terrain et de se coordonner au niveau national, même au niveau des différents syndicats. La réalité, c’est que la colère a été assez spontanée et a montré à tous qu’il est possible d’établir un rapport de force, mais en restant prisonnier de ce calendrier la grève n’est arrivée qu’en toute fin de NAO. Heureusement, grâce à la mobilisation, il n’y a pas eu d’accord de signé, et la direction a dû passer par une décision unilatérale : il est donc possible de rouvrir les NAO dans l’année. Une des clés, c’est d’essayer au maximum que la colère spontanée qui s’est exprimée ne s’évapore pas et qu’il y ait le plus de collègues possible qui rejoignent les organisations syndicales afin de mieux préparer les combats à venir.

RP : Depuis la grève, quels est l’état d’esprit de tes collègues et l’action de la CGT ?

PMC : La colère est toujours là et surtout, même si on a pas obtenu de grande victoire, la grève a été une expérience positive avec beaucoup d’aspects revendiqués par les salariés, notamment le fait d’avoir organisé une assemblée générale qui donne la parole à tout le monde et qui permette de décider de la suite ou non de la mobilisation. Il y a aussi des questions « locales » qui sont venues sur la table, comme la question des primes par exemple.

Au niveau de la CGT, on a sorti un tract qui cherche à faire le bilan de la grève et qui appelle à se syndiquer pour les raisons que je t’ai dites avant. On a aussi fait des tournées dans l’entrepôt pour discuter de ce bilan et comprendre comment les collègues voient la suite. Depuis la grève, on sent que l’état d’esprit a changé et on a eu pas mal de demandes d’adhésion au syndicat et d’autres collègues se posent sérieusement la question de franchir ce pas-là. De ce point de vue, c’est plutôt un signal positif parce que la syndicalisation dans la logistique est très difficile pour tout un tas de raisons. Clairement, le syndicat se renforce pour mieux préparer la suite.

RP : Vous avez donc la logique de construire le syndicat afin de créer les conditions pour arracher des victoires. Comment tu envisages la suite ?

PMC : Avec optimisme ! Comme tu le dis, on a pour but d’essayer de construire un syndicat de lutte fort pour préparer au mieux les combats à l’avenir, que ce soit sur les conditions de travail, pour les salaires ou autre, et surtout pour arracher des victoires !

Mais il ne faut pas rester le nez dans le guidon et ne regarder que notre entrepôt, ou que ID Logistics. On voit bien qu’il y a plein de boites qui se mobilisent sur les mêmes questions que nous, mais chacune à tour de rôle, en fonction des négociations dans chaque boite. Des grèves, il va y en avoir et c’est autant d’occasions de chercher à construire des syndicats combatifs partout où c’est possible. Mais je pense qu’il va falloir aussi un grand mouvement national et interprofessionnel sur les salaires et les conditions de travail, parce que plus le temps avance, plus l’inflation grimpe et plus il devient difficile de joindre les deux bouts à la fin du mois. Chez nous, il y a déjà plein de collègues qui sont obligés de faire du Uber ou du Deliveroo en plus du taf à l’entrepôt, qui est déjà difficile, pour s’en sortir. Et on voit bien que la situation empire de jour en jour.

Il faut aussi que nos syndicats soient actifs sur des questions qui dépassent le cadre de l’entreprise. Par exemple, en décembre dernier, nous avons sorti un communiqué s’opposant à la loi immigration et ses conséquences désastreuses. Ce communiqué a été très apprécié par de nombreux collègues, notamment par ceux qui pouvaient être concernés de près ou de loin par cette loi immonde.

Enfin, un dernier sujet qui me semble avoir une grande importance, c’est au niveau de la répression que se mangent de très nombreux syndicalistes. On voit vraiment qu’après le mouvement des retraites de l’an dernier, il y a une traque des syndicalistes de la part du patronat pour mettre tout le monde au pas, dans le sillage des discours du gouvernement qui glisse toujours plus à droite. On a pas le choix, il faut répondre à chaque attaque contre nos camarades, quel que soit le syndicat, pour montrer qu’on ne laissera pas faire et que si on touche à l’un d’entre nous, alors c’est tout le monde qu’on attaque.

Propos recueillis par : Dorian Maffei


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