« L’homme le plus puissant de l’agriculture française » : la formule qui figure dans le titre de l’article de Challenges en dit long sur la passion de la presse patronale pour le PDG du groupe InVivo. Dans un article publié la semaine dernière, le journal revient sur le parcours et le projet d’un patron de l’agrobusiness qui, contrairement aux agriculteurs, ne connaît pas la crise.

Soulignant les valeurs de ce patron fan de rugby, et la success story de InVivo, dont Thierry Blandinières a été nommé PDG en 2014 après un début de carrière dans les multinationales et l’agro-alimentaire (Procter & Gamble, Madrange, Labeyrie), le texte insiste sur l’ambition du groupe de devenir une véritable multinationale. Non sans un certain cynisme, l’article note à ce titre : « au moment où les agriculteurs manifestent leur colère partout en France, le contraste est saisissant avec ce patron conquérant qui lance des OPA à plusieurs milliards d’euros, capable de faire un séjour éclair à Edimbourg pour assister à un match du Tournoi des Six Nations. »

Parmi les illustrations de ces ambitions, le rachat du groupe Soufflet pour 2,2 milliards en 2021, le rachat du groupe United Malt pour 1,1 milliards en 2023, et la tentative, finalement avortée, de se positionner récemment pour le rachat du groupe Casino. Pour cette dernière opération, InVivo s’était positionnée aux côtés de figures du capitalisme français comme Xavier Niel et Mathieu Pigasse, qui ont déjà investi en 2022 dans la branche « grande distribution » du groupe, formant Teract.

Si Challenges ne manque pas d’évoquer les épreuves vécues par le PDG, diplômé de HEC et de l’ESC Nantes, et de célébrer l’ambition d’un PDG présenté comme un prédateur pour lequel « les proies ne manquent pas », il fait en revanche l’impasse sur d’autres aspects du groupe. D’abord, la réalité anti-écologique derrière la vitrine verte d’un groupe qui a perdu en 2020 son procès en diffamation contre Greenpeace qui l’accusait « d’empoisonner les agriculteurs ». Ensuite, les méthodes anti-syndicales déployées dans le cadre de l’offensive en cours chez Neuhauser, boulangerie industrielle appartenant au groupe Soufflet.

Dans cette entreprise, InVivo a demandé le licenciement du délégué syndical central CGT, Christian Porta, sur la base d’un dossier de « harcèlement moral » envers la direction qui apparaît clairement comme une tentative de se débarrasser d’un militant combatif, ayant permis d’arracher de nombreux acquis pour les travailleurs de Neuhauser. Dossier calomnieux, comme le dénonce la CGT, attaques sur les réseaux sociaux de la part d’un DRH ouvertement anti-écolos, condamnation par la justice pour entrave au droit syndical, acharnement à tenter d’aller au bout d’un licenciement refusé à l’unanimité par les syndicats de Neuhauser, voilà l’autre face du groupe InVivo qui mériterait d’être explorée…