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Témoignages

Interdiction des abayas : Attal mobilise jusqu’à la police pour assurer sa rentrée islamophobe

Ce lundi, la rentrée était marquée par l’interdiction des abayas. Une mesure islamophobe pour laquelle le gouvernement n’a pas hésité à mobiliser jusqu’à la police. Témoignages.

Gabriella Manouchki

4 septembre 2023

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Interdiction des abayas : Attal mobilise jusqu'à la police pour assurer sa rentrée islamophobe

Ce lundi matin, 12 millions d’élèves ont fait leur rentrée au collège et au lycée. Alors que Gabriel Attal annonçait dimanche dernier l’interdiction du port des abayas à l’école, le ministère a orchestré un déploiement ciblé de tous les dispositifs répressifs dont disposent les rectorats, n’hésitant pas à aller jusqu’à s’appuyer sur la police pour assurer le flicage des élèves.

La police et des équipes « valeurs de la République » mobilisées

D’après Le Figaro, Gérald Darmanin a envoyé un message aux préfets les enjoignant « d’apporter leur soutien, avec le concours des forces de l’ordre, aux chefs d’établissement chargés d’interdire le port de l’abaya ». A Avignon, des policiers étaient ainsi postés ce matin à l’entrée du lycée Mistral pour s’assurer du respect de l’interdiction.

« Il y avait trois flics en gilet pare-balle et flingue à la ceinture : pour une rentrée, au milieu des élèves qui s’embrassent car ils sont heureux de se retrouver, c’est quand même choquant. Je n’ai en revanche assisté à aucun incident. Par contre, les policiers m’ont repéré, contrôlé et menacé pour avoir osé prendre une photo » explique à Révolution Permanente un témoin de la scène, dont l’image a suscité de nombreuses réactions sur Twitter. Une situation dont il est difficile à ce stade de savoir si elle s’est retrouvée dans de nombreux autres établissements.

En revanche, les services de renseignement de l’État et des policiers de la MPCE (« Mission de Prévention, de Contact et d’Écoute » de la police nationale) étaient bien mobilisés pour s’assurer du « bon déroulement » de la rentrée. « J’ai eu un appel du MPCE qui m’a demandé s’il y avait des incidents. Je lui ai répondu que non et il m’a demandé de parler au proviseur », raconte Gaspard*, surpris d’avoir affaire à la police pour son premier jour en poste en tant qu’AED en région parisienne.

Comme annoncé, des représentants des équipes « valeurs de la république » ont également été déployés à l’entrée de certains établissements pour contrôler la bonne application de l’interdiction. « Chez nous, aucune fille n’est venue habillée en abaya, mais une inspectrice de l’équipe « valeurs de la république » était présente tout au long de la matinée pour surveiller », raconte par exemple Maëlys*, AED dans un établissement de Saint-Denis, en région parisienne.

Une présence pour assurer la répression des rares élèves venues vêtues d’abayas, empêchées d’entrer dans leurs établissements. « On a eu une élève qui est venue en abaya et elle a été exfiltrée du reste des élèves, prise à part, puis visiblement renvoyée chez elle dans la foulée », nous raconte un Clément*, AED dans un autre lycée de région parisienne. Une offensive qui ne s’arrête pas aux abayas, comme on pouvait s’y attendre. « Une autre élève est entrée dans l’établissement avec un jean et un t-shirt, mais par-dessus un gilet ample. Elle a été prise à part aussi et s’est défendue de porter une abaya. Le personnel lui a parlé pour lui dire qu’il fallait faire attention, puis les collègues l’ont laissée entrer »

Un profilage racial qui pèse lourdement sur l’ambiance de la rentrée. « On sent chez que chez les élèves ça crée une tension qui est néfaste pour eux, ils se sentent tendus et stressés, ils ont l’impression de passer un contrôle vestimentaire à l’entrée de l’établissement », ajoute Clément. « C’est assez choquant, on a l’impression de devoir contrôler des élèves comme s’ils étaient suspectés de terrorisme, comme si on était à l’entrée de l’aéroport ».

Une mise en scène du « respect de l’autorité » contestée

Une opération que le gouvernement a cherché à mettre en scène, dans la continuité de l’ambition affichée du nouveau ministre de replacer « l’autorité » de l’État « au cœur » de l’école : comme l’a révélé Libération, son cabinet a directement écrit aux journalistes pour les inciter à venir couvrir la rentrée, dans certains lycées, sous le prisme de l’interdiction du port des abayas. « Des journalistes étaient présents devant le lycée, on nous a demandé de ne pas leur parler. Les CPE étaient chargés de leur présenter la situation », indique Clément.

Mais, derrière cette opération de communication à la faveur du gouvernement, c’est un autre son de cloche qui émane du terrain. Dans le cadre des réunions d’accueil du personnel et des « formations laïcité » organisées par certains chefs d’établissements, des oppositions à la mesure se sont faites jour. « Chez les collègues de la vie scolaire, il y a un rejet quasiment unanime de l’interdiction des abayas, on est nombreux à ne pas cautionner ce qui est en train d’être mis en place par le gouvernement. », poursuit Clément, « mais on est obligés d’appliquer la mesure par peur d’être réprimés ».

« Ca se voit que les profs sont divisés sur la question », nous confie Marie*, AED dans le 93. Enseignant dans l’académie de Lille, Martin* raconte que trois de ses collègues ont ostensiblement quitté la réunion de pré-rentrée après qu’ait été « évoqué le sujet des abayas, en expliquant que ce n’était pas une diversion du gouvernement, mais l’application du programme de Reconquête et la porte ouverte à des discriminations ». D’autres, au contraire, sont venus saluer sa prise de position. « Un des mes collègues m’a dit : je comprends enfin le sens du mot islamophobie ».

Plusieurs heures d’information syndicales ont été organisées ou sont prévues pour aborder entre collègues l’interdiction du port des abayas et, plus largement, les problèmes rencontrés par le personnel en cette rentrée marquée par le manque de moyens. « Il y a eu des tensions avec la nouvelle direction, car l’équipe médico-sociale est complètement absente. Il nous manque une assistante sociale, une infirmière et une psy-EN. C’est galère pour l’accueil des enfants. Les responsables syndicaux ont déjà poussé une gueulante », nous confie Sylvain*, AED dans le 93.

De même, alors que la direction des syndicats de l’éducation ont validé l’interdiction du port des abayas et des qamis, critiquant cette mesure du seul point de vue de son caractère de « diversion » des « véritables problèmes » qui traversent l’éducation nationale, des critiques de cette position se sont faites entendre, à l’instar du communiqué de la CGT Éducation 31 qui affirme son opposition à « une mesure raciste et sexiste que nous devons combattre ».

Face à l’offensive en cours, les personnels du lycée Utrillo à Stains appellent à la grève ce mercredi et invitent élèves, personnels et familles à se rassembler contre l’attaque islamophobe et le manque de moyens. Une première mobilisation qui peut être un point d’appui dans un contexte où il est urgent que le personnel de l’éducation qui refuse de devenir le relai de cette nouvelle attaque du gouvernement se fasse entendre.

Alors que le gouvernement prétend « restaurer l’autorité » dans le contexte d’une profonde remise en question de ses institutions par la jeunesse, les organisations syndicales, politiques et associatives doivent faire front autour d’un programme articulant le retrait de cette nouvelle interdiction et de toutes les mesures islamophobes et racistes du gouvernement, la revendication de moyens massifs pour les services publics et l’augmentation des salaires et leur indexation sur l’inflation. Un programme à même d’engager un combat pour des conditions de travail et d’études dignes pour toutes et tous.

*Les prénoms des personnes qui témoignent dans cet article sont anonymisés.

Lire aussi : Exclusions, profilage racial, harcèlement : comment la chasse aux abayas et qamis va impacter les élèves

C’est pour discuter de cette situation politique et s’organiser contre l’offensive raciste et islamophobe d’Attal et de Macron que les travailleuses et travailleurs de l’éducation de Révolution Permanente et le Collectif d’Action Judiciaire organisent une nouvelle réunion publique ce jeudi 14 septembre à 19h à Paris. Venez nombreuses et nombreux.


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