En fermant les yeux, et à les écouter, on en viendrait presque à les soutenir : revalorisation salariale, plus de moyens, fin de la réduction des postes, plus de reconnaissance. Le problème, en ouvrant les yeux, c’est quand on découvre à qui on a affaire. Sans condamner personne pour délit de sale gueule, ceux qui ont manifesté jeudi avaient tous des dégaines de flics reconnaissables plusieurs centaines de mètres à la ronde. Avec le discours qui va avec. Abject. Niveau revendications, c’est encore plus problématique : plus de salaire, de matériels et d’effectifs pour matraquer. Car c’est bel et bien ce à quoi ils servent. Manifestant, un jour, et le lendemain, c’est les mêmes avec qui on se retrouve nez-à-nez en manif, Place de la République ou ailleurs, pour nous déloger.

Au niveau de la manif, les policiers étaient très remontés, comme de « vrais » manifestants : à la fois contre leurs collègues de la BAC, qu’ils estiment trop mis en avant alors que « eux aussi sont sur le terrain », et contre les journalistes ayant relayé les dénonciations de violences policières de ces dernières semaines. S’il y a bien un acquis du mouvement contre la Loi El Khomri, en effet, c’est que le rôle de la police est, désormais, assez clair pour ceux qui pouvaient encore maintenir quelques illusions sur le « policier-gentil-qui-aide-la-vieille-dame-à-récupérer-son-chat-qui-est-monté-dans-l’arbre-et-refuse-de-redescendre ».

Les violences de ces dernières semaines,de même que les crimes policiers, réguliers dans les quartiers, ne sont pas exclusivement l’œuvre des corps spéciaux, BAC et CRS en tête. Devant le Lycée Bergson, dans le XIXème, ce sont des policiers du quartier qui ont frappé les jeunes. On imagine ce qu’il peut se passer dans les commissariats, au cours de simples contrôles d’identité.

« On en a assez des salades, les poulets veulent du blé », pouvait-on entendre, au cours de la manif. Plus d’argent pour les flics ? Jamais ! Savoir que ces mêmes flics sont syndiqués dans nos propres organisations pour après nous taper dessus ? C’est un comble, et aucune structure syndicale n’a jamais été la moindre garantie d’un « professionnalisme républicain » des policiers en question.

La seule revendication qui soit, du côté du mouvement ouvrier et de nos organisations, ce devrait être « désarmement de la police, dissolution des corps spéciaux type BAC et CRS, abolition des polices municipales ». Et si ces messieurs s’estiment surmenés, dernièrement, on ne peut qu’espérer qu’ils le seront davantage dans les prochaines semaines, si le mouvement contre la Loi Travail venait à monter en intensité.