Ce mercredi est débattue en commission des affaires sociales la proposition de loi du groupe LIOT, qui vise à abroger la réforme des retraites. Ces dernières semaines, les macronistes cherchent toutes les tactiques pour empêcher que cette loi soit votée, craignant qu’elle n’obtienne la majorité (un symbole qui relancerait la crise politique quand bien même cette loi n’a aucune chance d’être adoptée au Sénat). Le plan de la Macronie est le suivant : faire sauter en commission le premier article de la loi qui supprime le décalage de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. De cette manière, lorsque les députés de l’opposition voudront soumettre à nouveau cet article en séance plénière, la présidente de l’Assemblée Nationale pourra dégainer l’article 40 et empêcher purement et simplement le vote de cet article.

Une partie du plan vient d’être mis en œuvre, puisque l’article premier vient d’être supprimé en commission des affaires sociales par les voix cumulées des Républicains (LR) et de la coalition Ensemble (38 voix contre 34 et une abstention). Les Républicains et le gouvernement avaient mis toutes les chances de leur côté en changeant de commission les députés de leurs rangs qui avaient voté la motion de censure ou qui semblaient peu fiables.
Pour ce plan qui s’appuie sur tous les outils anti-démocratiques de la Vème République, après la limitation du temps au Parlement, le vote bloqué au Sénat, le 49-3, et désormais l’article 40, la Macronie a même réussi à dégainer un nouvel article : l’article 41. Par celui-ci, le bureau de la commission des affaires sociales - présidée par Fadila Khattabi (Renaissance) - a pu rayer d’un trait de plume l’ensemble des amendements portés par l’opposition dans les débats de la commission, sans même les soumettre à la discussion ! Le plan des députés NUPES et LIOT, qui consistait à prolonger les débats le plus longtemps possible pour éviter que la commission ne puisse voter et supprimer l’article premier, tombe ainsi à l’eau.

Cet épisode illustre de nouveau, s’il le fallait, le caractère profondément anti-démocratique de la Vème République, où une minorité à l’Assemblée (et une infime minorité parasitaire à l’échelle du pays) dispose des outils pour empêcher le simple vote d’une loi quand elle ne lui convient pas et d’imposer les plans du patronat à l’ensemble des travailleurs. De ce point de vue, Eric Woerth, cador de la corruption à l’époque de Sarkozy, en a remis une couche en accusant une possible abrogation de la réforme des retraites de mettre « la démocratie en danger ».

Cette nouvelle démonstration vient également mettre en lumière les limites de la stratégie portée par la gauche institutionnelle et l’intersyndicale, qui s’entêtent à n’organiser la lutte contre la réforme des retraites qu’en fonction des (im)possibilités laissées par un régime dont le pourrissement ne fait pourtant plus aucun doute. Après avoir organisé les journées isolées de manifestation dans le seul but de faire pression sur la décision des députés - puis sur des sénateurs, de Borne, de Macron, du Conseil constitutionnel, et essuyant autant d’échecs - l’intersyndicale a imposé une pause dans les grèves et les manifestations depuis le 1er mai pour nous inciter à placer tous nos espoirs dans la proposition de loi de LIOT. Mais la loi LIOT n’avait aucune chance. En ce sens, la nouvelle date isolée du 6 juin a été appelée par l’intersyndicale avec pour objectif de faire pression sur les députés, sur un strict terrain institutionnel, sans un plan de bataille pour construire un réel rapport de force, sur le terrain de la lutte de classe.

En ce sens, dans un communiqué publié ce mardi, l’intersyndicale appelle à « faire du 6 juin une grande journée de grève et de manifestations sur l’ensemble du territoire pour gagner le retrait de la réforme des retraites et des avancées sociales ». Mais, depuis le 1er mai, quelle préparation de la grève y a-t-il eu, quel plan global des chefs syndicaux pour coordonner et nationaliser les multiples grèves sur les salaires qui se multiplient comme à Verbaudet, Tisséo ou encore la grève historique en cours à Disney ?

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En lieu et place, l’intersyndicale a consacré l’ensemble de ses forces à la reprise du dialogue social avec Borne les 16 et 17 mai, et la gauche parlementaire à inciter les travailleuses et les travailleurs à placer tous leurs espoirs dans le Parlement. De Laurent Berger qui explique depuis un mois « ne pas raconter d’histoires, je ne vais pas dire qu’on va faire une 15e, 16e, 17e journée de mobilisation qui fera céder le gouvernement et le président de la République » à François Hommeril de la CFE-CGC affirmant que « le 8 juin, c’est le dernier combat », le 6 juin conçu par l’intersyndicale s’apparente donc davantage à un « baroud d’honneur » qu’à une occasion de durcir le rapport force pour arracher les revendications du mouvement social à un régime pourrissant.