Il y en a assez de ces politiciens qui ne nous représentent pas, qui trahissent leurs promesses, qui se disent de gauche alors qu’ils servent mieux que la droite la soupe aux patrons, alors qu’ils trempent dans tous les scandales,qu’ils matraquent les jeunesquandils ne les assassinent pas. Il y en a assez également de cette répartition des rôles chez les syndicats, avec ceux qui signent toutes les contre-réformes du premier coup (ou presque), ceux qui disent s’y opposer puis cèdent, ceux, enfin, qui font du bruit mais laissent gagner du temps au gouvernement. Assez, aussi, de ces journées d’action en saute-mouton qui font passer d’une journée à l’autre sans continuité alors que les conditions seraient réunies, face à un gouvernement extrêmement affaibli, de le faire plier, si on s’y mettait tous ensemble, au même moment, un peu plus que vingt-quatre heures.

Alors que le Mouvement des Indignés n’avait pas pris, à l’époque, en France, ce coup-ci serait le bon ? La Nuit Debout permettrait de donner un grand coup de balai, et de mener la bagarre jusqu’au bout ? Ce serait la continuité du mouvement qui continue à grossir contre la Loi Travail ? Oui et non.

Crédit photo : Jean Segura

Oui, dans la mesure où le mouvement exprime la même volonté de batailler contre ce gouvernement et exprime la nécessité de trouver un débouché dans la durée indépendamment de la stratégie zigzagante des journées d’action que nous réserve jusqu’à présent l’Intersyndicale. Non, dans la mesure où la force d’une occupation est aussi corrélée à ce qu’elle paralyse. L’occupation d’une Place, même centrale, n’a pas la même portée qu’un blocage de la production ou de la circulation du capital et ne peut être un raccourci. Dans toutes ces Places occupées, de part et d’autre de la Méditerranée, en 2011, c’est en Egypte et en Tunisie que le mouvement a débouché sur un renversement des régimes en place, en raison de la combinaison, avec le combat de la jeunesse, de celui des salariés, qui sont entrés en mouvement. Ce n’est que le reflux des luttes qui a conduit à la situation actuelle. Côté Grèce ou Etat espagnol, en revanche, le seul mouvement des Places, à Syntagma et à Puerta del Sol, n’a permis que de mettre à nu « la caste », sans pouvoir la battre en brèche. Ce qui en est ressorti, dans les urnes, avec la trahison de Syriza et, aujourd’hui, les petites combinaisons de Podemos, n’est pas des plus glorieux

Crédit photo : Jean Segura

C’est pour ces raisons, aussi, qu’il faut que les Places, en ce printemps hexagonal, soient un lieu de rebond, pour le mouvement contre la Loi Travail, et non un aboutissement ; un espace qui permette de poser la question de la convergence des luttes et du tous ensemble, c’est-à-dire, en dernière instance, de poser la question et de construire la grève générale. A choisir une référence, du coup, ce serait davantage Mai 68, qu’il fayudrait mener jusqu’au bout, en s’inscrivant, « jeunes et salariés », dans un affrontement, par la grève, sans négociations (de Grenelle ou d’ailleurs), plus qu’un 1789 de citoyens 2.0. Ou alors, si l’on veut, un « tous ensemble » à la Astérix. L’histoire nous dit, d’ailleurs, que si on s’y met tous et toutes, dans la castagne de classe, depuis nos lieux de travail et d’étude, les légionnaires ne feront pas le poids. C’est ce dont a peur le gouvernement, et pas uniquement. C’est pour cela aussi qu’il faut continuer le combat pour faire rebondir, sur le terrain social, toute la richesse, la colère et les joies que l’on voit s’exprimer à République et ailleurs.