« Ils sont en train de forger une génération de psy mal dans leur peau qui ne pourront pas travailler » confie Julie*, étudiante en psychologie à Paris 8. Ce ressenti, largement partagé au sein de sa licence, est au centre des préoccupations qui rythment les assemblées générales de l’UFR psychologie de Paris 8. « C’est ironique d’enseigner la psychologie et d’infliger une telle pression et anxiété à ses élèves, de ne pas être capable de les écouter, tout ça au nom de la valeur du diplôme » poursuit l’étudiante.

Absence de salles, annulation de cours, manque de communication, surcharge de travail, au-delà de la pression à la validation, les étudiant.e.s dénoncent de nombreux problèmes matériels qui empêchent de bonnes conditions d’études. « On doit souvent changer de salle en plein de milieu du cours pour que d’autres UFR reprennent la place » explique Julie. « Il n’y a aucune valeur du diplôme qui tienne, on sait déjà tous qu’on va redoubler parce qu’on est trop mal » ajoute Caroline*, une autre étudiante.

Pour dénoncer ce qu’iels vivent, les étudiant.e.s ont organisé une enquête. Révélateurs du mal-être ambiant : les 3 des mots à être le plus ressorti des plus de 200 réponses au questionnaire sont "anxiété", "stress", et "pression". Des difficultés renforcées par un contexte de précarité généralisé pour la jeunesse. « La plupart d’entre nous travaillent à côté pour pouvoir étudier, c’est impossible d’assister à tous les cours », déplore Sophie*. Avec la mobilisation et les grèves, celleux qui habitent loin de la fac se voient encore plus pénalisé.e.s.

Pour résoudre tous ces problèmes, ces étudiant.e.s se réunissent régulièrement en assemblée générale pour discuter de la mobilisation contre la réforme des retraites et de comment imposer des modalités de validation plus adaptées.

Certains professeur.e.s y participent aussi, mais la plupart développent un discours méritocratique et méprisant selon certains participant.e.s : « Lundi dernier, un professeur nous a dit que tout le monde ne méritait pas d’être psy, qu’il fallait prouver ses capacités. Un autre a doublé la quantité de travail pour compenser les absences ! », dénonce Caroline*. Un discours en total décalage avec la souffrance exprimée par les étudiant.e.s.

Après n’avoir eu presque aucun cours du semestre, l’UFR veut imposer des partiels en distanciel, certains en temps limité. Une mesure scandaleuse puisque au-delà d’évaluer des connaissances qui n’ont pas été enseignées, les étudiant.e.s sans connexion correcte, notamment en résidence universitaire, seront lourdement pénalisé.e.s. L’UFR démontre par ailleurs son hypocrisie et sa mauvaise volonté : les étudiant.e.s de l’IED (Institut de l’Enseignement à Distance) sont à l’inverse, menacé.e.s de partiels en présentiel alors qu’iels ne vivent pas forcément en France.

Pour désamorcer la situation, suite à la demande d’une étudiante, un rendez-vous avec la présidence a été obtenu pour tenter de trouver un compromis. Une discussion qui n’a fait que confirmer le mépris pour les étudiant.e.s. En effet, la présidence a d’abord choisi d’annoncer l’horaire du rendez-vous au dernier moment empêchant toute préparation collective et a ensuite monopolisé la parole sans accorder aucune écoute dénoncent les étudiant.e.s. « Le rendez-vous s’est résumé à nous lire des textes de lois, alors qu’on sait que les autres UFR ne subissent pas du tout la même pression. On a même fait une enquête pour montrer la souffrance au sein de notre UFR, mais ils s’en fichent totalement... On envisage de faire un recours juridique pour combattre jusqu’au bout de cette injustice » raconte l’un d’entre eux.

Cette situation de grande tension s’est cristallisée avec la mobilisation contre la réforme des retraites. Ce qui est certain, c’est que le tournant du 49.3 a ravivé un tournant politique dans la jeunesse. Les nombreuses AG, qui existent dans beaucoup d’autres département de paris 8 en sont l’expression. L’occasion pour les étudiant.e.s mobilisé.e.s de ne pas s’arrêter uniquement à la question des retraites, mais de s’attaquer à un système qui rime avec souffrances depuis trop longtemps. La dénonciation de la mise en place récente de la plateforme « Mon master », du vote manqué pour le repas du CROUS à 1 euro et de l’inflation sont ainsi devenus des lieux communs en assemblée générale.

Si le gouvernement a tenté de monnayer la colère de la jeunesse en augmentant les bourses de 37 euros par mois, celle-ci reste vivace et la détermination à continuer le combat pour arracher le retrait de la réforme intacte. « Une nouvelle AG de psychologie se tiendra ce vendredi, ce sera notre dernière chance pour tenter de trouver une solution », conclut Julie*. Sur les groupes de mobilisation et sur la fac, la solidarité se construit avec les étudiant.e.s de psychologie. Pour discuter et s’organiser avec elleux, les étudiant.e.s, professeur.e.s et personnel.les de Paris 8 se donnent de nouveau rendez-vous ce vendredi à 12 heures en assemblée générale plénière !

* Des noms d’emprunts ont été utilisés afin de préserver l’anonymat des témoignages