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Fémonationalisme

« Quartiers sans relous » : Schiappa instrumentalise le féminisme à des fins répressives

Dans une interview à 20 Minutes, la ministre annonce vouloir créer des « quartiers sans relous », en intensifiant le contrôle policier dans des « zones à risque ». La lutte contre le harcèlement de rue sert encore une fois de prétexte pour renforcer le pouvoir policier et le racisme d’État.

Inès Rossi

15 avril 2021

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Crédits photo : LUDOVIC MARIN / AFP

Marlène Schiappa n’en est pas à son coup d’essai. Elle était déjà à l’origine de la loi du 3 août 2018, qui pénalise « l’outrage sexiste », c’est à dire le harcèlement de rue. Il s’agissait à l’époque d’un des projets phares du gouvernement, censé incarner son versant progressiste (la cause des femmes étant la première cause du quinquennat), alors que la loi Asile et immigration était votée à la même période.

Loin de lutter contre les violences sexistes et sexuelles subies par les femmes, cette loi a appuyé le tournant sécuritaire de l’État en renforçant les pouvoirs de la police. Par définition, l’outrage sexiste ne peut être constaté qu’en flagrant délit, par un policier. La loi a donc permis de légitimer la présence constante et la répression policière dans les quartiers perçus comme étant des hauts de harcèlement sexuels, à savoir les quartiers populaires.

La loi contre l’outrage sexiste a été une sorte d’acte fondateur pour la vision du féminisme du gouvernement, qui ne s’attaque pas aux causes structurelles des violences faites aux femmes, mais les utilisent pour mieux réprimer les hommes extra-nationaux, ou assimilés, qui sont perçus comme étant des agresseurs en puissance, qui s’attaquent aux femmes nationales. Schiappa s’en vantait dans les colonnes du JDD, après sa nomination en tant que ministre déléguée chargée de la citoyenneté : « L’an dernier, j’ai obtenu que soit actée l’expulsion des étrangers coupables de violences sexuelles et sexistes. C’est du bon sens : si la maison de votre voisin s’effondre, vous l’accueillez. Mais s’il se met à tabasser votre sœur, vous le virez ! » Voilà un beau résumé de la politique fémonationaliste du gouvernement.

L’objectif de créer des « quartiers sans relous » s’inscrit donc explicitement dans cette politique. Marlène Schiappa annonce avoir donné des consignes aux préfets afin d’intensifier les verbalisations pour harcèlement de rue, donc renforcer la présence policière sur certains quartiers bien désignés. Ce n’est pas un hasard si cette annonce a été faite lors d’un déplacement à Châtelet-les-Halles, en compagnie des effectifs de la préfecture de police de Paris.

Pire, la ministre annonce la création d’une « cartographie des zones à risque », soit une désignation de « quartiers » où on déplore le plus de harcèlement de rue, sur la seule base des verbalisations. Une donnée biaisée dès le départ puisqu’elle dépend de la présence policière, qui est bien entendu plus forte dans les quartiers populaires que dans le XVIe arrondissement. Cette cartographie va donc désigner comme zones à risques les quartiers pauvres et racisés déjà sur-quadrillés par la police, et justifier encore plus leur stigmatisation. Aucune chance, par exemple, que la zone à risque englobe son propre ministère, à la tête duquel siège Darmanin, pour qui le mot « relou » est plus qu’un euphémisme, quand on sait qu’il est accusé de viol et d’abus de faiblesse.

L’État et son bras armé répriment les manifestations féministes, refusent les plaintes pour viol, et instrumentalisent les violences faites aux femmes pour légitimer leur agenda raciste et sécuritaire. Ce ne sont pas nos alliés dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.

Le patriarcat est partout, dans la rue, dans les bureaux, dans les maisons, et traverse les frontières de classes et de races. Ses facettes sont multiples et ne se résument pas au harcèlement de rue, mais sont bel et bien imbriquées dans tous les aspects de notre société capitaliste. Contre les violences sexistes et sexuelles, les femmes doivent s’organiser en totale indépendance de l’État, qui en est le premier responsable.


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