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Attaque liberticide

Rallongement de la prescription pour diffamation contre les élus : une grave attaque contre la presse

Ce mercredi, l’Assemblée Nationale a voté une loi d’exception sur l’allongement du délai de prescription d’un an pour les élus et candidats en cas de plainte pour diffamation ou injure publique. Une attaque grave contre la liberté de la presse.

Benoit Barnett

8 février

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Rallongement de la prescription pour diffamation contre les élus : une grave attaque contre la presse

Crédit photo : Eloquence Creative Commons 

Ce mercredi, l’Assemblée Nationale a voté de manière expéditive — dix minutes de débat selon Mediapart — une loi « renforçant la sécurité des élus locaux » avec un amendement qui vise à étendre le délai de prescription des délits de type diffamation et atteinte à un élu. En s’attaquant à la loi sur la liberté de la presse, le texte vise à étendre le délai de prescription de trois mois actuellement à un an, allongeant ainsi la durée de recours à la justice pour les élus et candidats aux élections en cas de diffamation ainsi que dans le cadre d’injures publiques. Un amendement déposé par la sénatrice LR Catherine Di Folco dont le champ d’action incluait initialement toutes les personnes dépositaires de l’autorité publique et personnes injuriées, réduit ensuite à l’Assemblée aux élus locaux et nationaux, ainsi qu’aux candidats à ces mandats.

En réaction, l’intersyndicale des journalistes SNJ, SNJ-CGT, CFDT-Journaliste et SGJ-FO dénonce dans un communiqué une « épée de Damoclès » sur la presse. Alors que le délai de trois mois pouvait, avec des limites, permettre aux journalistes de ne pas craindre de poursuites dans un délai relativement court, l’extension du délai de prescription fait peser sur les rédactions la menace de voir ses articles sans cesse accuser de diffamations sur la durée d’une année. Comme l’explique le communiqué : « C’est aussi une pression financière supplémentaire mise sur les éditeurs, journalistes et organisation de défense de la profession avec un risque d’inflation des procédures et de leur coût ». Une attaque qui permettrait donc d’asphyxier des rédactions de journalisme d’investigation et des journaux militants sous un flot de plainte, qui ne fonctionnent pas sous le modèle du relai de la « dépêche AFP ». 

De plus, il s’agit d’une véritable loi d’exception qui fait une distinction entre un élu et la population et qui entrave la liberté d’information sur les affaires qui touchent les élus. Et ce n’est pas la première fois que la liberté de la presse est attaquée pour protéger des haut-placés. En juillet 2018, plusieurs lois sur la protection des secrets des affaires avaient été votées et avaient déjà permis à la justice de contrevenir à la diffusion concernant les petits secrets entre patrons. La conséquence a été que, en 2022, le tribunal de commerce de Nanterre avait interdit au média d’investigation Reflets la publication d’articles concernant le groupe Altice, propriété de Patrick Drahi (nom connu pour les familiers des Panama Papers et autres évasions fiscales).

Si la loi a été portée par des groupes en dehors de la majorité présidentielle, le macronisme n’est pas non plus étranger aux atteintes aux droits de la presse pour couvrir les intérêts de son camp politique. C’est notamment le cas de Nicole Belloubet, à l’époque Garde des Sceaux et tout juste nommée ministre de l’Éducation Nationale, qui avait annoncé en 2019 vouloir « accélérer la réponse  » de la justice en matière d’injure et de diffamation en faisant sortir ces motifs de plaintes du droit de la presse pour qu’ils soient traités par le droit pénal commun. Ce nouvel amendement est donc loin de trahir le logiciel anti-démocratique présidentiel, qui s’était lui aussi attaqué à la presse en 2021 avec le passage de la Loi Sécurité Globale.

L’extension du délai de prescription représente une attaque d’ampleur et une brèche importante pour limiter encore le droit de presse. Il s’agit en effet d’une arme de plus dans l’arsenal judiciaire et policier qui peut toucher l’ensemble de la profession journalistique, qui a récemment fait ses preuves avec l’arrestation de trois journalistes de Libération qui enquêtaient sur un crime policier, ou encore celle d’une journaliste après ses révélations au sujet de la complicité de la France avec le régime dictatorial égyptien.

Des affaires d’évasion fiscale plus récentes comme les Panama Papers jusqu’au révélations de Médiapart concernant Bolloré, Cahuzac, Le Pen ou encore Amélie Oudéa-Castera, les actionnaires, grands patrons et politiciens véreux aimeraient bien que leurs petits papiers restent à l’abri de l’opinion publique.


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