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« Réarmement civique ». Macron veut mater la jeunesse, il faut une riposte des travailleurs de l’éducation !

Du « réarmement civique » à la promotion d’Attal, Macron met l’école au premier plan pour 2024. L’objectif : cibler une jeunesse que le gouvernement veut mettre au pas, pour poursuivre l’offensive après la loi immigration. Pour mettre un coup d’arrêt à ces politiques autoritaires et xénophobes, une riposte du secteur de l'éducation est nécessaire.

Hélène Angelou

10 janvier

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« Réarmement civique ». Macron veut mater la jeunesse, il faut une riposte des travailleurs de l'éducation !

Capture d’écran de TF1 : retransmission des vœux du président de la République pour 2024

Lors de ses vœux du 31 décembre, le président cherchait à donner un nouveau souffle à son quinquennat, notamment après la mise en évidence des fragilités du gouvernement lors du passage de la loi immigration. Et l’école figure en bonne place des offensives promises contre les travailleurs et les classes populaires pour asseoir la suite de son quinquennat.

La nomination de Gabriel Attal, éphémère ministre de l’Education mais ayant incarné au pas de charge cette offensive réactionnaire contre l’école et la jeunesse, est un symbole de cette orientation. En ce sens, le nouveau Premier ministre a affirmé « emmener la cause de l’école » à Matignon et en faire « la mère de ses batailles ».

Le « réarmement civique » promis par Macron : vers un nouveau durcissement dans les offensives contre l’école

En martelant l’idée d’un « réarmement civique », Macron entend mettre au premier plan le rétablissement de « l’autorité à l’école » pour la suite de son quinquennat. Les éléments de langage empruntés au vocabulaire d’extrême-droite, à l’image de « l’effondrement de la civilité » brandi par le président, témoignent de ce durcissement autoritaire aux accents militaristes. Celui-ci approfondit sa politique de mise au pas des classes populaires et promet un renforcement particulièrement inquiétant de son offensive à l’école.

Parmi les éléments annoncés, la réunion prévue entre le ministère de le Défense et le ministère de l’Éducation vise clairement à renforcer les dispositifs de militarisation et d’endoctrinement de la jeunesse, dans la droite ligne du SNU. Le doublement des heures d’enseignement moral et civique (EMC), déjà envisagé, entend faire de l’école et des enseignants des « hussards » des « valeurs républicaines », réactivant l’imaginaire propre à l’école de la Troisième République – une école forgée pour produire de bons petits ouvriers et de bons petits soldats. Première étape vers la fin du collège unique, la mise en place de groupes de niveau au collège, ainsi que la réduction des vacances scolaires pour les élèves « en difficulté » et l’ouverture élargie des établissements prioritaires accompagne ce « retour vers le passé », qui vise à mettre au pas la jeunesse, et au premier plan celle des quartiers populaires.

Si les éléments de discours marquent une nouvelle étape et restent à préciser, ces offensives ne sont pas nouvelles. Depuis les révoltes de la jeunesse des quartiers populaires à l’été 2023, la question du « retour de l’autorité » à l’école est un des piliers du « retour à l’ordre ». A ce titre, les mesures autoritaires – mais aussi racistes – se sont enchaînées depuis la rentrée, de l’interdiction de l’abaya, à l’expulsion des élèves contestant l’hommage institutionnel à Samuel Paty et Dominique Bernard, en passant par la politique punitive à l’égard des parents, ou encore l’uniforme à l’école.

Alors que le secteur de l’éducation connaît une crise profonde, en raison de décennies de politiques austéritaires et de casse du service public, le gouvernement n’hésite pas à instrumentaliser chaque nouveau drame pour faire porter à d’autres que lui le chapeau de cette crise. La mise au pas de la jeunesse s’articule ainsi à la division orchestrée entre personnels de l’éducation et élèves, désignés comme des ennemis de l’intérieur, à « reciviliser », dans un climat de suspicion généralisée. Une rhétorique réactivée par Macron qui se targuait de vouloir « rétablir l’autorité partout où elle manque face aux incivilités et à la délinquance ». Autant de mesures autoritaires qui visent à briser les tendances à l’unité qui se sont exprimées pendant le profond mouvement contre la réforme des retraites, mais aussi à multiplier les divisions entre élèves et personnels, et entre personnel et parents d’élèves.

Après la loi immigration, l’école au premier plan des offensives du gouvernement

Ainsi, le gouvernement Attal veut faire de l’école le volet prioritaire des offensives plus larges déjà portées par le gouvernement contre les travailleuses et travailleurs et contre la jeunesse, qui se sont fortement mobilisés et révoltés contre Macron, des Gilets Jaunes aux réformes des retraites, jusqu’aux révoltes de cet été.

Dernière en date, l’adoption de la loi immigration en décembre, qui est d’une violence inouïe vis à vis des immigrés, obéit à cette logique de division de notre camp. Alignée sur les idées de l’extrême-droite, elle démontre bien à quel point Macron est loin du pseudo « barrage républicain » à l’extrême-droite mais est, tout au contraire, prêt à avancer avec elle, vers toujours plus de remise en cause de l’automaticité du droit du sol, toujours plus de préférence nationale, pour la déchéance de nationalité pour les binationaux, pour le durcissement des conditions de vie et d’accueil des réfugiés migration, etc. pour poursuivre son agenda.

La surenchère raciste et autoritaire du gouvernement n’est ainsi pas à déconnecter des offensives néolibérales : alors qu’à l’école la casse du service public et la dégradation des conditions de travail s’accompagne de mesures de plus en plus islamophobes, la réforme du lycée pro et loi immigration viennent fournir une main d’œuvre toujours plus corvéable et jetable au patronat. C’est pourquoi notre camp social doit être à la hauteur des attaques et lutter pour articuler la lutte contre les mesures racistes et autoritaires, à la lutte contre la pauvreté, l’inflation et la dégradation des conditions de travail.

Ces offensives appellent à construire une riposte à la hauteur des attaques

En ce sens, l’éducation a été l’un des rares secteurs du monde du travail à se mobiliser contre la loi immigration, aux côtés des collectifs de sans-papiers. Nos élèves, tout comme une partie de nos collègues contractuels, seront en effet touchés de plein fouet par la loi immigration. Ainsi, des personnels des lycées Voltaire de Paris, Paul Eluard de Saint Denis, ou encore le collège La Cerisaie à Charenton se sont mis en grève, tandis qu’un certain nombre d’établissements ont publié des communiqués dénonçant l’adoption de la loi immigration. De même, quelques lycées étaient bloqués par les élèves.

Si ces initiatives progressistes sont restées relativement isolées, la responsabilité en incombe pour une très large part aux directions syndicales, de l’éducation comme confédérales, qui loin de répondre par la mobilisation et la grève, ont préféré appeler à la « désobéissance civile ». Un appel plus symbolique qu’à même de faire plier un gouvernement radicalisé.

Plus encore, cette stratégie empêche de proposer une quelconque alternative cohérente au projet réactionnaire du gouvernement Macron. Si le choc et la colère qu’ont provoqué l’adoption de la loi oblige la CGT à appeler à une date de mobilisation contre la loi immigration le 21 janvier, celle-ci s’inscrit en total extériorité à la journée du 14 janvier appelée par les sans-papier et participe in finé à diviser les forces du mouvement ouvrier face à un gouvernement qui ressort affaibli de la crise politique cet hiver. Une position qui, loin de coordonner nos forces, participe à la segmentation des luttes et s’inscrit dans le cadre d’un refus total de se saisir de la grève, seule à même de peser dans le rapport de force.

Ainsi, alors même qu’Attal n’a cessé d’annoncer la couleur en enchaînant les annonces depuis le mois de septembre 2023, les directions syndicales de l’éducation ont brillé par leur absence, laissant isolés les personnels qui se sont mis en grève à la rentrée pour exiger des moyens, dénonçant aussi, pour certains, l’interdiction de la abaya. Ce n’est qu’aujourd’hui que les syndicats enseignants appellent à la grève pour le 1er février, et ce uniquement sur les salaires et les conditions de travail.

A rebours de cette passivité, il est central de construire une véritable riposte, qui dépasse les mots d’ordres corporatistes et dénonce le plan du gouvernement dans son ensemble, en portant des revendications économiques, sur les salaires, le service public, les conditions de travail, mais aussi contre la répression, et contre les lois racistes et xénophobes. Au cœur des nouvelles offensives, les personnels de l’éducation ont en cela leur rôle à jouer.

Alors que l’éducation est l’un des rares secteurs où ont eu lieu des mobilisations spontanées contre la loi immigration entre décembre et début janvier, la manifestation appelée par les collectifs de sans-papiers et un arc d’associations et de partis politiques contre la loi immigration le 14 janvier peut devenir un point d’appui pour construire par en bas une réponse globale au projet de Macron. Dans cet objectif, La journée de grève appelée par les directions syndicales de l’éducation pour le 1er février peut également être un point d’appui, à condition d’y porter des mots d’ordres qui dépassent les revendications minimales et sectorielles, et de se donner les moyens de construire une riposte qui passe par la grève et le rapport de force, bien loin du dialogue social et des appels sans lendemain.


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