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Remaniement. Gabriel Attal, le bon soldat de Macron pour mettre au pas l’Éducation

Sans trop de surprises, c’est Gabriel Attal qui a été choisi pour occuper le ministère de l’Education nationale. Après le fiasco Pap Ndiaye, c’est cette fois-ci l’un de ses fidèles que nomme Emmanuel Macron. L’objectif est clair : il s’agira, pour l’étoile montante de la macronie, de poursuivre la mise au pas de la jeunesse et de l’Education nationale, et de réussir à imposer au secteur les contre-réformes dictées par le gouvernement.

Tristane Chalaise

20 juillet 2023

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Remaniement. Gabriel Attal, le bon soldat de Macron pour mettre au pas l'Éducation

La nomination du Gabriel Attal pour remplacer Pap Ndiaye au ministère de l’Education nationale apparaît comme le principal et seul véritable changement du remaniement. Universitaire issu de la société civile, mais aussi figure de l’antiracisme officiel, l’ancien ministre pouvait donner l’illusion d’une ouverture à gauche du gouvernement. Suite à un mandat qui s’est révélé chaotique, il est l’un des rares à perdre son poste, tandis qu’Emmanuel Macron fait le choix d’un pur produit de la macronie, envoyant un message clair tant à la jeunesse qu’aux enseignant-e-s.

Gabriel Attal : un parcours express et sans faute pour être adoubé à l’Education

Alors que plusieurs noms étaient pressentis pour remplacer Pap Ndiaye, d’Olivier Véran (porte-parole du gouvernement), à Aurore Bergé (tête du groupe Renaissance à l’Assemblée) en passant par Richard Ferrand (grand fidèle de Macron), c’est finalement Gabriel Attal qui a été retenu. Du point de vue de la macronie, le parcours de Gabriel Attal a en effet tout pour faire de lui le gendre idéal.

Ex du Parti socialiste, conseiller parlementaire de Marisol Touraine sous la présidence de François Hollande, il est élu député et fait un très bref passage à l’Assemblée nationale, avant d’entrer au gouvernement à tout juste 29 ans. Nommé secrétaire d’Etat auprès du ministère de l’Education nationale en 2018, il y fait ses armes auprès de Jean-Michel Blanquer. Fidèle de la macronie, ce dernier reçoit à plusieurs reprises le soutien de Brigitte Macron, tout en étant honni par les personnels de l’Education, pour lesquels il reste célèbre pour son mépris, sa gestion catastrophique de la crise sanitaire et son séjour à Ibiza. C’est sous le mandat de Jean-Michel Blanquer, qu’accompagne Attal, que sont passées en force les premières contre-réformes de l’Éducation du gouvernement Macron – réforme du bac et Parcoursup en tête. Des réformes auxquelles participe Gabriel Attal, rapporteur en 2018 de la loi ORE, qui instaure Parcoursup, avant de se lancer dans le projet du SNU dès 2019.

En 2020, et jusqu’en 2022, Gabriel Attal est propulsé porte-parole du gouvernement de Jean Castex, un poste de premier plan, où il fait bonne figure suite au naufrage Sibeth Ndiaye, sa prédécesseuse, et qui lui permet de s’ancrer dans le paysage politique et médiatique. Il devient, après la réélection de Macron, ministre délégué aux Comptes Publics. Un poste stratégique pour viser l’Education nationale, qui constitue l’un des principaux budgets de l’Etat, et l’une des premières cibles des politiques austéritaires du gouvernement d’Emmanuel Macron – comme de ses prédécesseurs. En mars dernier, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, ne cachait ainsi pas ses ambitions de prendre en main l’Education nationale.

A ce parcours politique s’ajoutent des qualités qui ont probablement permis à Gabriel Attal de s’intégrer sans difficulté aux cercles de la Macronie. Fils d’Yves Attal, producteur de cinéma, ancien de la très prestigieuse Ecole Alsacienne – où sont scolarisés, pour ne citer qu’eux, les enfants de Pap Ndiaye – millionnaire depuis l’âge de 26 ans, ce qui fait de lui l’un des plus riches du gouvernement, il n’hésite pas à faire profiter du patrimoine familial ses condisciples LREM.

Nommer l’instigateur du SNU pour « restaurer l’ordre » dans la jeunesse et l’Education

En choisissant Gabriel Attal pour succéder à Pap Ndiaye, Emmanuel Macron fait d’abord le choix de restaurer « l’ordre et l’autorité » dans la jeunesse et dans l’Education nationale. En dépit de ses tentatives de « fermeté », Pap Ndiaye n’a en effet pas réussi à s’imposer comme une figure d’autorité. Se sachant sur le départ, il a par ailleurs osé s’opposer en partie à Emmanuel Macron, en se prononçant contre la suppression des allocations familiales pour sanctionner les familles des jeunes émeutiers suite au meurtre de Nahel, puis en dénoncant CNews comme un journal d’extrême-droite. Une façon de se racheter une conscience à peu de frais après avoir servi la macronie de bout en bout.

Dans cette énième crise pour le gouvernement, le nouveau ministre de l’Education nationale s’est quant à lui montré très clair. Comme le titre un article de BFMTV, « Pour Gabriel Attal, "les seules réponses possibles" aux émeutes sont "l’ordre et l’autorité" », ce qui passe pour lui à la fois par la répression, mais aussi par pointer la « responsabilité des familles » et… de l’Education nationale.

Il s’agit ainsi, dans un contexte marqué par plusieurs jours de révolte de la jeunesse des quartiers populaires, de renforcer encore la mise au pas des jeunes. Or, pour Macron, qui de mieux que l’un des créateurs du SNU pour accompagner sa mise en place et aller vers sa généralisation ? Qui de mieux pour accélérer la caporalisation de la jeunesse que celui qui, dès 2019, voulait accompagner Emmanuel Macron pour « monter en puissance » ? Il n’y a pas que lorsqu’il sont encadrés par des militaires que Gabriel Attal veut imposer l’uniforme aux jeunes. A l’inverse de son prédécesseur, il s’est déjà dit, tout comme le RN et Brigitte Macron, favorable à une expérimentation du retour à l’uniforme dans les écoles publiques.

Pour parfaire la panoplie du réactionnaire de l’Education sauce Macron, Gabriel Attal a aussi pensé à se prononcer sur les questions de laïcité. Alors que l’Education nationale est devenue depuis la rentrée le terrain d’une large offensive contre les musulman-e-s, qui passe notamment par les signalements pour « atteintes à la laïcité » et la traque aux tenues « susceptibles d’être religieuses », le futur ministre déclarait dès le mois d’octobre qu’il fallait « plus de fermeté » sur ces questions.

Poursuivre les chantiers ouverts sous Ndiaye pour parachever la casse de l’Education nationale

Alors que l’Education nationale est un secteur qui connaît une crise de plus en plus profonde, illustrée par les difficultés de recrutement que connaît le secteur, il va s’agir pour Gabriel Attal, tout en renforçant le caractère autoritaire de l’école, de poursuivre les chantiers ouverts par Macron/Ndiaye, c’est-à-dire de parachever la casse du service public et du statut des enseignant-e-s.

En tant qu’ancien ministre délégué aux Comptes Publics, Gabriel Attal a pu se forger la main aux politiques austéritaires pour le service public, tout en hésitant pas à expliquer que le désendettement est une « urgence nationale ». Pour lui, « ce serait mentir que de dire qu’il n’y aura pas un effort global demandé à tous les Français pour réduire la dette » (pendant ce temps, les entreprises du CAC40 réalisent des bénéfices records). Ce sera donc au nouveau ministre d’accompagner, entre autres, la mise en place du Pacte enseignant, qui vise à toujours plus contractualiser celles et ceux qui travaillent dans le secteur public, ou celle de la réforme du lycée professionnel en évitant les grèves, comme le souligne Le Point, tout en poursuivant l’offensive islamophobe autour d’une prétendue « laïcité ».

Un programme à la mesure du nouveau ministre, qui déclaraient « n’avoir pas peur de perdre des plumes » ? C’est en tout cas ce qu’a l’air de penser Emmanuel Macron, qui donne l’impression d’avoir joué sa meilleure carte pour les enseignant-e-s. Un programme auquel il faudra que le monde de l’Education oppose dès la rentrée toute sa « gréviculture » [sic.] tant décriée par le nouveau ministre.


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