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Assurance-chômage

Toucher le chômage moins longtemps fait retrouver du travail ? Non, ça rend juste plus pauvre !

En 2022, le gouvernement faisait passer la durée d’indemnisation chômage de 24 à 18 mois. Attal envisage désormais de la réduire à 12 mois pour… faire baisser le chômage ! Alors que le taux de chômage repart à la hausse, Attal prépare une attaque d’ampleur contre toute notre classe.

Erell Bleuen

28 mars

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Toucher le chômage moins longtemps fait retrouver du travail ? Non, ça rend juste plus pauvre !

Crédits photo : Révolution Permanente

Mercredi, Gabriel Attal s’est invité sur TF1 pour réciter la messe : le pays est endetté, il faut faire payer les pauvres et les travailleurs. Le premier ministre a trouvé une cible idéale, les chômeurs. Ainsi, parmi d’autres mesures anti-sociales, il a annoncé envisager de réduire la durée d’indemnisation. La précédente réforme du chômage de 2022 a déjà fait passer cette durée de 24 à 18 mois. S’il n’a pas annoncé de mesure précise, Attal prévient que la coupe sera sèche : « je ne pense pas qu’il faut que ça aille en dessous de 12 mois ». En bref, le 2ème mandat de Macron pourrait avoir diminué la durée d’indemnisation de moitié !

Mais Gabriel Attal fait cela pour votre bien. Si vous touchez le chômage moins longtemps, vous trouverez du travail plus vite ! Enfin c’est ce que prétend le gouvernement qui use de sa rhétorique démagogique « anti-assistanat » et expliquer que s’il y a du chômage ce n’est pas parce qu’il n’y a pas assez de postes, mais parce que les chômeurs ne veulent pas travailler.

Toucher moins de chômage ne crée pas d’emplois

En réalité, ces mesures répressives n’ont évidemment aucun impact sur l’emploi. Après avoir tronçonné l’assurance chômage dans tous les sens (ouverture des droits, calcul du montant, durée d’indemnisation, flicage) au nom du plein-emploi, les résultats sont là : 7,5% de la population active est au chômage au quatrième trimestre 2023 selon l’INSEE (+0,4% par rapport à 2022). Les journaux patronaux aiment à rappeler qu’il y a 300.000 emplois vacants en France (ce qui ne dit rien de la qualité de ces emplois). Une goutte d’eau par rapport au 2 millions 300 mille chômeurs comptabilisés par l’INSEE qui sont et seront précarisés par les mesures du gouvernement Attal.

D’autant que ce taux devrait encore monter dans les prochains mois, à cause de la stagnation de la croissance européenne, de la hausse des taux d’intérêt qui freine l’économie, mais aussi du relèvement de l’âge de départ à la retraites jusqu’à 64 ans qui oblige les travailleurs à travailler plus longtemps, ou à être au chômage plutôt qu’à la retraite.

On est donc très loin du mythe de la rue à traverser pour trouver un emploi, repris par Attal sur TF1 ou par Catherine Vautrin, ministre du Travail, jeudi matin sur France Info selon laquelle il suffirait de « faire se rencontrer celles et ceux qui cherchent un emploi et ceux qui en offrent ». Un constat que les salariés de Conforama, de Stellantis ou encore de Thalès, menacés par des suppressions d’emplois, des PSE ou des fermetures de sites, ne risquent pas de partager. La crise inflationniste a déjà provoqué la faillite de milliers d’entreprises en 2023 (+35% par rapport à 2022), et près de 250 000 emplois seraient menacés en 2024 : mais le problème, c’est que les chômeurs sont feignants !

Le même argumentaire est appliqué aux seniors, qui selon Bruno Le Maire, n’ont « aucune raison » de bénéficier d’une durée d’indemnisation plus longue que le reste des travailleurs (actuellement de 27 mois contre 18 mois pour les actifs en dessous de 55 ans). Les opposants à la réforme des retraites prévenaient que le report de l’âge de départ créerait des vieux chômeurs, Bruno Le Maire a trouvé la parade : leur sucrer le chômage pour les forcer à aller travailler. Sauf que comme le montre Points de repères à partir des chiffres de l’Unedic, « à 59 ans un sénior se retrouve indemnisé par l’assurance chômage en raison d’un licenciement dans 40% des cas ou d’une fin de CDD dans 34% des cas. A cet âge, plus d’un licenciement sur 4 l’est pour une inaptitude ». De même, le chômage des séniors est intimement liée à une dégradation de leur santé après une vie passée à travailler, ainsi qu’à une discrimination à l’embauche – en 2015, 75 % des managers français considéraient comme un désavantage le fait d’être âgé de plus de 55 ans.

Au fond, cette nouvelle attaque vise à attaquer l’ensemble des travailleurs. D’une part, parce qu’elle pousse les travailleurs sans-emploi à accepter n’importe quel emploi, sous n’importe quelle condition : contrats courts, mal rémunérés, dans des conditions dégradées, dangereuses…de quoi accentuer la concurrence entre les travailleurs et tirer vers le bas les conditions de travail et le salaire de tous.

Mais ça précarise le travail

Les créations d’emplois de ces dernières années (+1,2 million de 2019 à 2023) donnent à voir cette précarisation du travail. Il s’agit d’emplois de faible qualité, peu productifs, précaires et largement subventionnés par l’État. Le Monde relevait en décembre que sur cette période, la valeur ajoutée – la richesse produite – a augmenté de 2 %, mais les effectifs salariés, eux, ont progressé de 6,5 %. Au rang de ces créations d’emploi, il faut ainsi compter les contrats d’apprentissage qui représentent aujourd’hui 900.000 emplois, largement subventionnés par l’État (l’entreprise reçoit 6000€ à la signature de chaque contrat et l’État prend à sa charge les cotisations sociales).

Ainsi, l’économie capitaliste française a eu besoin d’un transfert massif d’argent public pour être en mesure de créer ou de maintenir des emplois. Les dispositifs de type « prime Macron » ont également eu pour fonction de permettre au patronat de faire face à l’inflation, sans augmenter les salaires ni payer de cotisations aux caisses de l’assurance-chômage et maladie. Les salaires ont baissé face aux prix, les recettes publiques se sont creusées.

Alors que le gouvernement veut désormais trouver 50 milliards d’euros d’économie publique d’ici à 2027, certains macronistes osent même envisager de toucher à certains de ces dispositifs, comme l’apprentissage. Ce qui reviendrait à abattre le château de cartes, déjà touché par le ralentissement économique, qui entraînera avec lui des dizaines de milliers d’emplois.

Les mesures annoncées par Gabriel Attal ne visent donc évidemment pas à lutter contre le chômage mais bien à se préparer à ce qu’il remonte. Il vaut mieux baisser les droits des chômeurs tant qu’il est encore « bas » et que de nombreux travailleurs ne se sentent pas concernés, voire considèrent les chômeurs comme des « assistés » responsables de ce qui leur arrive. Or, il est urgent de démasquer cette propagande. La solution réside dans l’unité des rangs des travailleurs, avec ou sans emploi, contre ceux qui nous exploitent et nous divisent.

Pour lutter réellement contre le chômage de masse et créer des emplois, il faut réduire massivement le temps de travail sans réduction de salaire. Réduire le temps de travail sur la vie (retraite à 60 ans à taux plein), mais aussi sur la semaine (32 heures payées 35), voilà la seule manière de donner du travail à toutes et tous au lieu de se tuer au travail ou de se tuer à en trouver. Les capitalistes nous objecteront que tout cela coûte trop cher. Nous considérons au contraire que les morts au travail, les burn-out, l’usure physique, l’humiliation des chefs ou à Pôle Emploi, les heures de vie gaspillées pour un patron, la stigmatisation permanente contre les chômeurs et la précarité, tout cela nous coûte bien trop cher. Et que c’est désormais aux capitalistes de payer !


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Erell Bleuen

Twitter : @Erellux

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