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Crise politique

Un remaniement pour rien : des flottements au sommet de l’Etat, Macron toujours plus fragilisé

Tant attendu, le remaniement a finalement accouché d'une souris : du sursis pour Borne, Attal à l'Éducation, quelques « ajustements » ici et là. Un bilan qui, loin de donner l'élan voulu au lendemain des 100 jours « d’apaisement », renforce l'impression de flottement au sommet de l'État et montre que la crise politique demeure.

Emile Causs

20 juillet 2023

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Un remaniement pour rien : des flottements au sommet de l'Etat, Macron toujours plus fragilisé

Il y a 100 jours, la perspective d’un futur remaniement gouvernemental devait donner le cap du quinquennat et des quatre années à venir et permettre de forger une alliance ou une coalition pour dépasser la crise politique. En clair, donner les moyens à Macron de surmonter la difficulté liée au fait de ne pas posséder de majorité à l’Assemblée nationale. Loin de tout apaisement, le macronisme a finalement dû se confronter à une révolte des quartiers populaire bouleversant une nouvelle fois ses plans.

Dans ce cadre, le remaniement finalement annoncé ce jeudi apparaît comme un échec pour le pouvoir : toujours pas d’alliance ni de coalition à l’horizon avec LR, un remaniement transformé en ajustement technique contraint, sur fond de scandale touchant des figures comme Marlène Schiappa, du sursis pour Borne qui est carbonisée, tout ça après avoir dû annuler l’allocution du 14 juillet prévue pour rendre compte des avancées du gouvernement...

La macronie toujours dans l’impasse face à l’absence de majorité à l’Assemblée

L’apaisement n’ayant pas eu lieu, et toujours sans solution politique face à l’absence de majorité, Macron a dû composer avec les moyens du bord. Prétextant la stabilité, Macron a fait le choix d’un remaniement a minima, concernant seulement de quelques ministres. Parmi ceux-ci, aucune grosse surprise : Gabriel Attal remplace Pap Ndiaye à l’Education nationale, Aurélien Rousseau, ex-directeur de cabinet d’Elisabeth Borne, devient ministre de la Santé et remplace François Braun, la présidente du groupe parlementaire de la majorité Aurore Bergé devient ministre chargée des Solidarités, Marlène Schiappa quitte le gouvernement, tandis qu’Oliver Klein est remplacé par Patrice Vergriete en charge du logement pour ne citer que les plus importants.

Exit une partie des ministres de la société civile choisis par Macron, et place aux récompenses pour quelques fidèles de la macronie. Un remaniement qui maintient, sans surprise, le cap politique néolibéral, anti-social et autoritaire de la macronie. Au niveau de l’Education nationale, la nomination de Gabriel Attal, architecte du SNU, promet en ce sens un un retour vers plus d’autoritarisme et un Blanquerisme sans Blanquer. Au programme : mettre toujours plus au pas la jeunesse, notamment dans le sillage de la révolte des quartiers populaires.

Pour ce qui est de la santé, Aurélien Rousseau, énarque, anciennement directeur de l’ARS de région parisienne pendant la crise sanitaire et directeur de cabinet d’Elisabeth Borne, a en réalité été nommé pour des questions des équilibres au sein de la macronie. C’est ce que relève Libération qui affirme qu’alors que « l’hypothèse d’une nomination du député Horizons Frédéric Valletoux tient la corde quelques heures », c’est finalement François Bayrou qui a posé son veto : « dans le périmètre de la Santé, il y a déjà en poste Agnès Firmin-Le Bodo, ministre déléguée en charge de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, une très proche d’Edouard Philippe. Il ne veut pas d’un nouveau suppôt de son principal rival au sein de la majorité. »

Des « ajustements » contraints qui illustrent bien la fragilité de Macron. Le chef de l’Etat a dû tenir un équilibre difficile entre sa première ministre Borne, carbonisée, qui souhaitait plus de changements ministériels important pour asseoir sa légitimité, et, de l’autre, ses alliés, qui non seulement ont tous refusé de rentrer au gouvernement, comme François Bayrou ou Edouard Philippe, mais disposent d’un droit de regard toujours plus important sur le gouvernement. Autant de signaux de la perte de légitimité croissante de Macron.

Dans ce cadre contraint, Macron se prépare dores et déjà à un nouveau remaniement dans de meilleures conditions. Il déclarait en ce sens devant sa majorité cette semaine qu’il aurait « en sortie d’été à reclarifier le cap pour la nation tout entière », sous entendant que de grands changements viendront plus tard et que les « ajustements » d’aujourd’hui sont plus affaires de transition qu’autre chose. Une perspective sur laquelle le pouvoir voudrait avancer d’ici l’automne, une fois passées les sénatoriales, espérant rallier cette fois une partie de LR à la macronie.

Affaiblie par le mouvement des retraites et la révolte des quartiers, la macronie craint l’instabilité sociale

Ce faux remaniement illustre aussi la crainte de la macronie d’aller au-delà du rapport de forces face à l’instabilité sociale profonde dont la révolte des quartiers populaires a été la plus claire expression. Sans résoudre les problèmes profonds, il vise à gagner du temps en attendant de trouver une solution pour avancer dans le quinquennat et les quatre années restantes. Alors que l’agenda anti-social et répressif est toujours de mise, Macron mise sur la stabilité de l’exécutif pour avancer.

En outre, si en l’absence de majorité au parlement Macron compte bien continuer à user des moyens antidémocratiques mis à disposition par la Vème République, il entend chercher l’appui des « partenaires sociaux » pour légitimer ses attaques et canaliser la colère à la base. Dans cette optique, le gouvernement a remis au centre le rétablissement d’un semblant de dialogue social pour retrouver des courroies de transmissions face à la crise des corps intermédiaires. Un dialogue social salué par l’ensemble des directions syndicales, y compris la CGT, qui affirmait le 12 juillet avoir ressenti un « frémissement d’autonomie » d’Élisabeth Borne « par rapport au patronat ».

Or, comme nous le disions à la suite de l’officialisation de Borne au poste de première ministre : « Le dialogue social est absolument clef pour un pouvoir qui ne tient en définitive que grâce à la répression et à la conciliation des directions syndicales qui veulent nous faire croire qu’il serait possible de reprendre ce que Macron nous a volé en discutant avec sbires. La rupture du dialogue social et la préparation et l’organisation d’un combat décidé et inflexible contre l’autoritarisme de Macron et le patronat est la seule voie pour faire évoluer la situation favorablement pour les travailleurs.

En l’absence d’une réponse unifiée et puissante de la classe ouvrière, le gouvernement pourra continuer à imposer ses attaques et faire monter par la même occasion les courants les plus réactionnaires et racistes de ce pays. Le maintien d’Elisabeth Borne exprime la poursuite de ce statu quo, mais aussi la persistance d’une crise politique qui, si elle n’est pas exploitée par les travailleurs en obtenant des victoires par la lutte, finira par profiter à l’extrême-droite. L’attentisme et la collaboration de classe ne peuvent plus être des options. »


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