Derrière les insultes et les attouchements, la guerre menée contre les classes populaires et les droits démocratiques

Car en réalité, si cet article a provoqué tant d’indignation et a viralisé sur les réseaux sociaux, mais aussi sur Libération et Mediapart, c’est qu’il fait écho au sentiment brûlant d’une ambiance plus générale, que l’on a vu s’installer à partir des attentats de Charlie Hebdo, qui s’est renforcée depuis et a battu son plein avec la répression contre la loi Travail. Une ambiance où un gouvernement déjà largement délégitimé aura cherché à regagner du crédit en utilisant tout l’arsenal juridique et policier dont peut faire preuve l’Etat français. Mise en scène militaire, « nous sommes en guerre », état d’urgence, port d’arme autorisé hors service, délation des « éléments radicalisés » dans les écoles, renforcement des effectifs de surveillance devant les établissements scolaires et les gares... Cette ambiance s’est à nouveau accélérée cet été, suite à l’attentat de Nice et à la réponse islamophobe de la classe politique autour de l’offensive raciste et sexiste contre le burkini. La France de 2016, c’est celle de l’instrumentalisation de la peur des attentats, construisant son « ennemi intérieur », le musulman ou assimilé comme tel, le « casseur », le militant syndical combatif ou le jeune de banlieue.

Ainsi, à la lecture d’un témoignage où des policiers se permettent d’insulter, de menacer de mort ou de viol, et de faire une analogie entre quelques habitants d’une ville de banlieue scandalisés par une interpellation violente et les meurtriers de Daesh, plus personne ne s’étonne. Plus personne ne trouve des « raisons » aux policiers. Cette raison, c’est celle de la raison d’État où, comme le disaient finalement si bien ces policiers ce soir-là, il y a bien une guerre qui se mène, contre les classes populaires trop suspectes et les travailleurs et les jeunes trop contestataires.

Contre l’état d’urgence, contre l’impunité de la police, faire front


Dans l’un de nos articles de cette rentrée, nous parlions d’une situation dramatique, mais prometteuse. Dramatique, nous n’avons nul besoin de le prouver à l’heure où l’automne se déroule sous le signe de l’application de la loi Travail, de la hausse de la précarité, et des meurtres commis par des policiers comme celui d’Adama Traoré, à Beaumont sur Oise, ou celui d’un homme trop « alcoolisé » à Béziers. Mais prometteuse, elle peut l’être aussi,comme l’ont démontré les 4 mois de mobilisation contre la loi Travail, 4 longs mois en dépit du climat de très forte répression contre la jeunesse et le mouvement ouvrier. Cette répression s’est heurtée au front d’une avant-garde qui a bataillé contre l’état d’urgence et la restriction des libertés démocratiques. Mais après avoir tabassé les étudiants mobilisés, mis en cage nos manifestations, prononcé des non-lieux contre ceux qui tuent dans les quartiers, les forces de police se sentent pousser des ailes.

Pourtant, le scandale suscité par ce témoignage est une nouvelle preuve de l’opposition, pour le moment surtout empreinte d’indignation, que suscite ce tournant autoritaire et liberticide du gouvernement. En effet, des témoignages de solidarité viennent de toute part, depuis hier : d’étudiants et de profs, de militants et camarades d’un peu partout, d’anonymes relatant leur expérience avec la police...

Cette indignation ne doit pas être sélective, elle doit comprendre sa source et se démultiplier pour que jeunes, travailleurs, prof à la Sorbonne ou ailleurs, jeunes des quartiers populaires, militants syndicalistes ou défenseurs des libertés démocratiques, nous fassions front contre cet État policier qui enferme nos camarades et assassine nos frères et sœurs de classe. Il s’agit de constituer un front large pour défendre nos droits démocratiques, pour réclamer la fin de l’état d’urgence, rétablir notre droit à manifester hors des cages, exiger la fin de l’impunité policière et de la répression syndicale : un front à construire pour que la peur change de camp.