Alors que la loi immigration devrait arriver au Sénat le 6 novembre, la première ministre a annoncé dimanche dernier le lancement d’une mission spéciale sur le fonctionnement de l’aide médicale d’État (AME) afin de voir si des « adaptations » seraient possibles. Une annonce dans la foulée de celle de Gérald Darmanin, qui a récemment confirmé sa position dans une interview pour le Parisien : « À titre personnel, je suis favorable à la proposition faite par les LR et par les centristes de supprimer l’AME et la transformer en AMU, aide médicale d’urgence. C’est un bon compromis qui allie fermeté et humanité. »

Créée en 2000, l’AME, une aide destinée aux personnes sans-papiers pour qu’elles aient accès aux soins, est en réalité déjà restreinte. Les personnes sans-papiers ne peuvent pas y accéder pendant les trois premiers mois sur le territoire, et seule la moitié des personnes éligibles ont effectivement accès en réalité à l’AME. À Mayotte, où le racisme anti-comorien est utilisé pour justifier la casse des services publics, l’AME n’existe pas du tout et son absence a de fortes conséquences sur la santé publique, notamment pour les personnes étrangères comoriennes. Si l’AME est supprimée, elle pourrait être remplacée par une aide médicale d’urgence (AMU) qui ne couvrirait que « les cas d’extrême urgence », c’est-à-dire les moments où les personnes se trouveraient entre la vie et la mort. Autrement dit, cette modification exacerbe directement la mise en danger des personnes immigrées en leur enlevant l’accès minimum aux soins.

Sous couvert d’un argumentaire raciste à l’encontre des personnes immigrées qui viendraient sur le territoire pour toucher et «  frauder  » les aides sociales, le gouvernement ouvre ainsi la porte à la suppression des aides et des minimas sociaux pour les personnes sans-papiers. Ce, alors Gabriel Attal avait déjà annoncé en mars dernier vouloir durcir les conditions d’accès aux allocations sociales notamment en augmentant la durée de présence sur le territoire français de 6 à 9 mois pour en débloquer accès.

Une mesure xénophobe et austéritaire qui vise notamment à gagner le vote des Républicains sur la loi Immigration qui réclame, comme l’extrême-droite, depuis longtemps la suppression de cette aide. Une réponse à une partie des mesures proposées par les LR en mai dernier afin de tenter d’obtenir une majorité à l’Assemblée sur ce texte, central pour les macronistes.

Un appel du pied d’autant plus clair que l’un des principaux dirigeants de la mission sur l’AME sera Patrick Stefanini, haut fonctionnaire et figure des Républicains qui avait dirigé la campagne présidentielle de Valérie Pécresse. Ainsi, alors que le projet initial de Darmanin annonçait déjà d’importantes mesures visant à « rendre la vie impossible » aux immigrés avec une facilitation des expulsions, un renforcement de la « double peine » et de la criminalisation des exilés, les tractations entre le gouvernement et LR annonce un projet encore plus dur contre les personnes sans-papiers.

D’autant que les déclarations d’Elisabeth Borne s’inscrivent dans un climat de surenchère réactionnaire de la part du gouvernement, qui a militarise la frontière franco-italienne après la crise de Lampedusa, annonce le doublement des places en CRA, et instrumentalise désormais la situation en Palestine pour expulser toutes les personnes sans-papiers «  coupables d’actes anti-sémites  ».

Face à un projet de loi qui semble devenir toujours plus réactionnaire à mesure que son passage à l’Assemblée approche, il y a urgence à construire un mouvement d’ensemble qui articule la lutte contre le racisme d’État à un combat contre la vie chère, pour s’opposer à la politique xénophobe du gouvernement qui vise à diviser le mouvement ouvrier et la population pour mieux poursuivre son calendrier austéritaire.