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Aéronautique

Élections professionnelles à Airbus. « La CGT connaît une dynamique très positive »

Du 21 au 23 novembre, plus de 50 000 salariés d'Airbus sont appelés à élire leurs représentants syndicaux. Face à la politique pro-patronale du premier syndicat Force Ouvrière, la CGT connaît une dynamique très positive chez le géant aéronautique.

Rafael Cherfy

30 octobre 2023

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Élections professionnelles à Airbus. « La CGT connaît une dynamique très positive »

Crédit photo : Révolution Permanente

C’est l’une des élections professionnelles les plus importantes de ces dernières années : les salariés du groupe Airbus sont appelés à voter du 21 au 23 novembre. Ainsi, entre les salariés des différentes filiales (Airbus Opérations, Airbus SAS, Airbus Defense and Space, Airbus Atlantic...) en France, ce sont près de 50 000 salariés qui éliront pour quatre ans leurs représentants. À trois semaines du vote, la campagne électorale bat son plein, notamment sur les usines toulousaines qui constituent le premier site industriel français avec 25 000 salariés (sans compter les milliers de salariés de la sous-traitance).

Des élections habituellement dominées par le syndicat Force Ouvrière

Historiquement, le géant aéronautique est un bastion du syndicat pro-patronal Force Ouvrière. Airbus, « c’est la plus forte implantation de FO dans le privé en France », déclarait en 2019 Yves Veyrier l’ancien secrétaire général de FO à La Depêche.

FO maintiendrait sa domination « par une politique de conciliation avec la direction et une politique clientéliste avec les salariés » nous confie un ingénieur d’Airbus à Toulouse avant d’enchaîner : « c’est bien connu, quand tu rentres chez Airbus, on te propose directement la carte à FO en te faisant comprendre que ça te sera utile pour bien te faire voir par la hiérarchie, faire évoluer ta carrière etc ».

Ainsi, lors des dernières élections en 2019, le syndicat FO avait recueilli 41 % des voix à l’échelle du groupe Airbus devant la CFE-CGC ( 34 %) suivie par la CFTC (13 %) et la CGT (12 %). Seulement, les dernières années ont été ponctuées par différents conflits qui ont agité l’entreprise et ont mis en difficulté la politique des syndicats conciliateurs notamment incarnée par Force Ouvrière.

Un syndicalisme pro-patronal mis à mal durant le Covid...

L’arrivée du Covid a marqué un tournant pour le secteur aéronautique qui connaissait jusque-là une relative stabilité entretenant ainsi une certaine « paix sociale ». La pandémie a révélé le vrai visage d’un patronat de l’aéronautique prêt à supprimer des emplois en masse, et cela, malgré les milliards d’aides de l’État. Ainsi, en juillet 2020, la direction d’Airbus avait annoncé la suppression de plus de 5 000 emplois en France. C’est finalement le 12 octobre 2020 que FO, la CFTC et la CFE-CGC signaient le plan de suppression d’emploi et un accord sur l’activité partielle de longue durée (APLD), actant finalement 2 100 suppressions de postes.

Cette période a été une véritable douche froide pour les travailleurs de l’aéronautique habitués aux discours rassurant sur la stabilité du secteur. Ces derniers ont pris conscience qu’ils n’étaient que des variables d’ajustement et que les patrons n’hésiteraient pas un instant à leur faire payer les crises, quand bien même les entreprises ont été massivement subventionnés par l’Etat et que l’activité a vite retrouvé ses niveaux d’avant-Covid.

… mais aussi par l’inflation et le projet « Reload »

La période inflationniste s’est invitée après la reprise post Covid avec pour conséquence la diminution du salaire réel des travailleurs. La question de l’augmentation des salaires est ainsi devenue une des principales préoccupations des travailleurs, ce qui s’est illustré dans de nombreuses grèves ces deux dernières années. À Airbus, la grève majoritaire spontanée qui a éclaté sur la FAL A320 (Final Assembly Line, chaîne d’assemblage) en octobre 2022 en est une parfaite illustration. Une mobilisation inédite qui revendiquait, entre autres, 10 % d’augmentations de salaires, contre la volonté des dirigeants de FO-Métaux et FO-Airbus qui s’étaient prononcés contre cette grève. Pourtant, un bon nombre de syndiqués FO avaient pris part au mouvement et ont pu observer les multiples manœuvres utilisées par la direction de leur syndicat pour briser la grève.

Plus largement, les augmentations de salaires négociées à Airbus sur les deux années précédentes sont restées en dessous de l’inflation actuelle, malgré des bénéfices records en 2022. Des accords salariaux en défaveur des salariés qui, là encore, ont été signés par FO, la CFE-CGC et la CFTC.

S’ajoute à cela, une casse des conditions de travail permise par un projet nommé « Reload ». Derrière la promesse de « recharger » se cache la refonte de l’ensemble des accords d’entreprises Airbus, marquant ainsi un recul social d’ampleur pour les salariés. Cette refonte des accords a été permise par la signature en février 2022de la nouvelle convention collective de la métallurgie, qui concerne plus de 1,5 million de salariés. L’accord de branche avait été signé par FO, la CFE-CGC et la CFDT.

En conséquence à Airbus, le projet Reload a revu à la baisse quatre éléments des accords d’entreprises : la rémunération, les congés, le temps de travail et la classification. Ainsi, sur la classification, Arnaud Aubin,délégué syndical CGT Airbus Helicopters du site de Paris–Le-Bourget, dénonçait dans nos colonnes un « changement profond de logique : ce n’est plus le salarié qui va être classifié, mais l’emploi qu’il occupe. Cela va permettre de déclasser des salariés et d’en finir avec la reconnaissance des diplômes ».

« Avec la réforme Reload, le déroulement de carrière, il y en a plus. Moi, je suis fraiseur, ce n’est pas la machine qui va donner la valeur de ma paye » dénonçait un salarié du site de Saint Éloi à Toulouse à l’occasion d’un débrayage le 20 avril 2023. Là encore, Force Ouvrière n’appelait pas à la mobilisation, mais certains de ses syndiqués avaient fait le choix de se mobiliser. Le projet « Reload » est donc une véritable claque pour les salariés du géant aéronautique, qui voient leurs conditions de travail se dégrader malgré une situation économique très favorable pour le groupe. Une politique de casse sociale qui a de nouveau été accompagnée les syndicats CFE-CGC, CFTC et FO. Dominique Delbouis, le coordinateur FO Airbus est même allé jusqu’à qualifier le projet « Reload » de « très satisfaisant ».

Comme le résumait un salarié lors du débrayage sur le site de Saint Éloi : « entre la réforme des retraites, l’inflation et maintenant le projet Reload, il faut qu’on se bouge. On a plus le choix ».

Un scrutin qui pourrait être plus favorable à la CGT

« À l’approche du vote, la CGT connaît une dynamique très positive. Au niveau de la production, on sent vraiment un changement, la plupart des ouvriers voient maintenant d’un bon œil la CGT. Chez les cadres, on voit aussi quelques secteurs qui nous sont favorables, ce qui était peu le cas quelques années en arrière » affirme Bruno Galaud, délégué syndical central adjoint CGT Airbus Avions. « On a beaucoup de salariés qui nous font remonter un ras-le-bol depuis le Covid. Ils ne sont pas dupes, ils voient qu’il y a une régression sociale et qu’en face les gros syndicats ne font pas opposition. Les autres organisations prônent le soi-disant dialogue social, mais quand on regarde la dernière décennie, il n’y a eu aucune conquête sociale pour les salariés. Cependant, au lieu de progresser, nous avons assisté à une série de reculs depuis plus 10 ans, prétendument accompagnés de contreparties qui se révèlent être en deçà des droits initiaux dans le seul but d’accroître les profits pour l’entreprise » enchaîne le syndicaliste.

Les élections professionnelles des salariés du CSE d’Airbus qui se sont tenues en mars 2023 allaient déjà dans ce sens. En effet, la CGT a obtenu 24 % des voix avec une section CGT qui avait à peine 8 mois d’existence sur le CSE. Une énorme avancée quand on sait qu’aux précédentes élections, FO remportait 100 % des voix. Bruno Galaud l’explique d’abord par une aspiration des salariés à plus de démocratie avec des syndicats indépendants de la direction : « La CGT mène campagne en expliquant en quoi on est indépendant de la direction et qu’on défend l’intérêt des salariés. À l’inverse des autres syndicats, on veut que les salariés aient leur mot à dire. Notre méthode, c’est de sonder les salariés pour formuler nos revendications dans les négociations. Ce n’est pas juste les élus CGT qui décident de la politique de la CGT, mais les salariés ».

Les syndicalistes CGT ont aussi mobilisé leur secrétaire générale, Sophie Binet, pour discuter avec les salariés directement sur site mardi 24 octobre : « Ca permet de montrer qu’on n’est pas dans la caricature. En face les autres les syndicats essaient de faire de nous des jusqu’au boutiste qui s’oppose à tout et ne veulent pas discuter. Seulement quand on sait qu’Airbus se porte à merveille avec 9,8 milliards d’euros de bénéfices net cumulés sur 2021 et 2022, comment peut-on perdre des acquis ? Une étude de marché par Boeing et Airbus prévoit 42 000 machines sur les 20 prochaines années, donc l’avenir est loin d’être incertain. Malgré ça, la direction impose des reculs sociaux sous prétexte de la compétitivité. Sur cette base on mène campagne pour demander des négociations salariales à hauteur de l’inflation et on dénonce aussi les reculs des acquis sociaux depuis le covid, incarné plus récemment par le projet « Reload » » explique le représentant CGT.

Ainsi, une potentielle progression de la CGT à Airbus serait le symptôme d’une remise en cause du règne sans partage des syndicats pro-patronaux comme FO-Airbus et de leur capacité à étouffer la conflictualité sociale et à discipliner les travailleurs. Tant chez les donneurs d’ordre que dans la sous-traitance, ce phénomène commence à s’exprimer parmi les ouvriers, mais également chez certains ingénieurs. Dans ce sens, les récentes élections chez le sous traitant AHG (Ateliers de la Haute Garonne) où la CGT a été placée première organisation syndicale chez les ouvriers, montre un phénomène plus large. Une dynamique qui est le produit d’une séquence, où démonstration est faite que pour maintenir son salaire ou sa retraite, et gagner de nouveaux acquis, seule les méthodes de la lutte des classes paieront.


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