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Il y a tout juste une semaine, Emmanuel Macron annonçait haut et fort un retour en classe « de manière obligatoire selon les règles de présence normales ». Ce lundi ce sont donc environ 10 millions d’élèves – de la maternelle au collège – qui ont repris le chemin des cours, pour certains pour la première fois depuis avant le confinement et la fermeture des établissements, le 16 mars dernier. Un retour pour tous ardemment souhaité par le gouvernement, puisque s’inscrivant pleinement dans la « nécessaire » relance économique, devenue depuis le déconfinement l’obsession de la macronie.

Depuis le 11 mai, la reprise s’effectuait sur la base du volontariat des parents, et dans la plupart des cas, pas tous les jours de la semaine. Une situation qui a permis aux personnels de l’éducation nationale d’appliquer le protocole sanitaire strict mis en place pour éviter la propagation du virus. Désormais, ce protocole a été allégé sous prétexte que la pandémie ralentissait en France. Un allégement qui concerne notamment les distanciations sociales : quand auparavant un seul élève devait être assis dans 4m², la règle est désormais simplement d’un mètre latéral entre chacun. Pire, dans de nombreuses classes surchargées en temps normal, cette réglementation est tout simplement impossible à mettre en place si l’ensemble des enfants sont présents.

Une nouvelle fois, les enseignants, déjà particulièrement éprouvés depuis le début de la crise, se retrouvent pris entre des injonctions impossibles à tenir et la réalité du terrain, totalement étrangère au gouvernement. En effet, quand ce sont plusieurs centaines d’enfants qui se présentent en même temps devant la grille face à un personnel débordé, les mesures barrières paraissent vite bien dérisoires. Le tout sans aucun but pédagogique précis, puisque les enseignants se retrouvent dans de nombreux cas réduits à faire de la garderie avec des classes qu’ils n’ont jamais eues, parfois même pas du même niveau que les leurs.

Pourtant, le gouvernement s’évertue à affirmer que tout sera mis en place pour la sécurité de tous. Dimanche, Sibeth Ndiaye tentait encore de rassurer les parents sur les conditions d’accueil des enfants en les appelant « à avoir confiance dans l’institution de l’éducation nationale. Tout est fait pour que leurs enfants soient accueillis en sécurité ». Mais derrière le discours, dans les faits, ce sera encore une fois aux enseignants de se débrouiller avec des directives impossibles à appliquer et en lame de fond un certain empressement de la part du ministre de l’éducation d’un retour a l’anormal en épuisant les personnels de l’éducation afin de les empecher de penser une école après Covid. Une énième reprise donc absurde puisqu’a seulement une dizaine de jours des vacances scolaires.

D’autant que ce retour en classe obligatoire pour tous en France intervient au moment même où l’Organisation mondiale de la santé (OMS) tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme sur l’évolution de la pandémie sur la planète. La pandémie « continue de s’accélérer » dans le monde, avec « le dernier million de cas signalé en seulement huit jours », a ainsi affirmé Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’organisation, lors d’une conférence virtuelle. A titre de comparaison, le premier million de cas positifs avait été atteint près de trois mois après la découverte du virus en Chine.

Depuis le début de la pandémie, le total atteint 9 millions de cas recensés selon l’AFP, pour plus de 460 000 décès à travers le monde. Si les pays européens ont été fortement touchés, ce sont désormais les Etats-Unis et l’Amérique latine – avec en premier lieu le Brésil de Jaïr Bolsonaro – qui concentrent désormais le plus grand nombre de victimes. Pire, depuis quelques jours, les yeux se tournent de nouveau vers la Chine où de nouveaux cas sont détectés chaque jour et où dans la capitale, Pékin, de nouvelles mesures de restriction des déplacements ont été prises.

En Europe, si la propagation du virus ralentit depuis plusieurs semaines, y compris en France, l’OMS avertit que les mesures de déconfinement ne doivent pas aller trop vite pour éviter une deuxième vague. En atteste la découverte de plus de 1300 cas dans le plus grand abattoir d’Europe à Gütersloh, en Allemagne.La phase actuelle a même été qualifiée de « dangereuse » par Tedros Adhanom Ghebreyesus. A l’inverse de la France, certains pays reprennent des mesures plus restrictives, à l’image du Portugal ou de la Suisse. Dans l’Hexagone, priorité absolue a donc été donnée à la relance économique et au retour de tous les enfants dans les classes, même à deux semaines des vacances d’été, et donc sans but pédagogique précis.