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Entretien avec William Audoux, de la CGT Renault Cléon

À Renault, la CFDT valide le nouvel accord antisocial, pour toujours plus de flexibilité et de précarité

Ce lundi 9 janvier, le syndicat CFDT de Renault a annoncé qu'il signerait le nouvel accord de compétitivité du groupe, s’alignant sur l’avis favorable préalablement émis par FO et de la CFE-CGC. La CFDT permet ainsi au patronat d’obtenir la majorité pour faire passer cet accord synonyme d’une cruelle défaite pour les ouvriers quant au temps de travail et aux suppressions de postes. Propos recueillis par Vincent Duse, délégué CGT à PSA Mulhouse

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C’est contre cette nouvelle attaque que les ouvriers de l’usine Renault de Cléon, en Normandie, s’étaient mis en grève le 5 janvier, à l’appel de la CGT, bloquant un rond-point entre 4h et 9h30. En effet, le nouvel accord de compétitivité promet une dégradation toujours plus importante des conditions de travail pour l’ensemble des sites de la multinationale française. Pourtant, à Cléon comme ailleurs,la précarité est déjà largement la règle à Renault, qui compte 30000 travailleurs et près de 10 000 intérimaires. Le site normand, spécialisé dans la production des boîtes de vitesse et de moteurs, compte à lui seul1800 intérimaireset 150 CDD sur un effectif de 5000 travailleurs, soit plus de 30% de précaires. Dans le secteur de l’assemblage, où les postes sont les plus durs et les cadences infernales, les chiffres de la précarité sont particulièrement alarmants avec plus de 90% d’intérimaires. Nous avons interviewé William Audoux, secrétaire du syndicat CGT Renault Cléon.

Le 5 janvier, jour de la relecture de l’accord, vous aviez appelé à la grève à Renault Cléon. Tu peux nous dire ce qui vous a motivés ?

C’est bien simple, sur le groupe Renault ils veulent faire comme dans l’usine la plus productive d’Europe, et surtout la pire en termes de conditions de travail :Sunderland en Angleterre. Là-bas,il n’y a que des précaires et les salariés ne tiennent pas plus de 5 ans. L’exploitation est si infernale qu’il n’y a que des salariés entre 21 et 35 ans, les plus âgés ne tiennent pas. Alors on a voulu faire quelque chose pour marquer notre opposition à l’accord de compétitivité, c’est pourquoi on a mobilisé aux deux entrées du site et organisé un blocage avec une centaine de salariés sur la journée.

En 2013 avec le premier accord de compétitivité à Renault, c’était le premier accord de ce type en France. On peut dire que vous avez été précurseurs dans le domaine...

Oui en effet,l’accord de 2013 nous a laissé un goût amer, avec la suppression de 10 000 emplois et 21 jours de RTT. Seulement une partie des 3000 embauches promises a été réalisée. Aujourd’hui, avec le nouvel accord qui vient d’être signé, cela va encore s’aggraver. Et pourtant, le groupe n’a jamais fait autant d’argent, il y a aujourd’hui 20 milliards d’euros dans les caisses de Renault, et après ça,ils osent encore nous demander de nous serrer la ceinture...

Et le nouvel accord est encore pire que celui de 2013 ?

Oui en effet, le nouvel accord va encore aggraver la vie des salariés, avec 7 samedis obligatoires sur l’année et la possibilité pour la direction d’imposer 1 heure supplémentaire par salarié, 8 fois par mois. En plus, le délai de prévenance pour les samedis et les heures supplémentaires obligatoires sera de 2 jours, au mépris total de la vie privée des salariés. Il faut savoir qu’au départ ils voulaient nous imposer 24 samedis obligatoires et gratuits. À ce moment-là, la CGT a appelé à la grève sur le groupe, et, deux jours avant la grève, la direction a annoncé qu’elle suspendait sa décision au sujet des samedis obligatoires. Ils ont donc été obligés de reculer, mais cela ne nous va toujours pas, car nous ne voulons aucun samedi obligatoire, d’autant que c’est la direction qui organise les jours et les heures à rattraper. Les compteurs CTC (Capital temps collectif) seront découpés à la demi-journée, donc ça sera la flexibilité à outrance :en cas de panne sur une chaîne, de manque de pièces, c’est le retour à la maison avec rattrapage le samedi ou le soir. Il y aura également des pertes de salaires pour les intérimaires, qui auront un compteur CTC négatif en fin de mission, et verront ces jours retirés de leur paye. C’est inadmissible. Renault se paiera ses arrêts de chaines sur le dos des intérimaires. Dans cet accord, pour gagner en productivité, la direction de Renault écrit qu’elle va se débarrasser d’« au minimum »50% des intérimaires, ce qui mettra 5000 intérimaires à la porte sur l’ensemble du groupe. Autant dire que les 3600 embauches promises ne vont même pas combler les départs. Alors qu’il y a actuellement 10 000 intérimaires sur le groupe, ce qu’il faut c’est embaucher. Leur politique de gains de productivité de 45 % va avoir des conséquences catastrophiques sur les conditions de travail des salariés. La direction a pour objectif de passer de 64 à 90 véhicules par an et par salarié. À côté de cela, les salaires sont toujours bloqués et la direction annonce qu’il n’y aura pas d’augmentation générale, que la rémunération passera par l’intéressement. C’est scandaleux quand l’on sait que les caisses du groupe sont pleines et que les dirigeants se sont augmentés de 88 % en 3 ans.

Les syndicats CFE/CGC, FO et la CFDT, ont annoncé qu’ils signeraient l’accord…

Oui, depuis le début des discussions il n’y a que la CGT qui s’exprime contre l’accord. Comme partout dans le secteur automobile, les autres syndicats collaborent. Ils parlent d’un accord offensif, qui prépare l’avenir avec 3600 embauches, sans parler de la flexibilité, des départs non remplacés. Carlos Ghosn, le PDG, a déclaré qu’il avait acquis le 16 décembre 2016, au titre de sa rémunération variable, [132 720 actions au prix unitaire de 37,43 euros, alors que le cours est à 85 euros, soit une plus-value de 6,3 millions d’euros-http://www.revolutionpermanente.fr/Renault-Carlos-Ghosn-s-offre-un-cadeau-de-Noel-de-6-4-millions-d-euros. Quand l’on voit qu’il s’était déjà offert 7,25 millions d’euros en 2015, en plus de 9 millions d’euros en tant que PDG de Nissan, aux quels il faut encore ajouter sa rémunération comme PDG de Mitsubishi... et qu’il nous demande encore de la modération salariale, c’est absolument ignoble.

Et pour ce qui est des précaires,comment vous faites pour vous adresser à eux et les mobiliser ?

Ce n’est pas simple. Avec 1800 précaires pour un effectif total de 3200 CDI, c’est un vrai problème et c’est illégal. Nous nous organisons aussi pour que la direction les embauche.La précarité,c’est une politique du groupe Renault pour faire passer toutes les attaques plus facilement. Les intérimaires sont sur les postes les plus difficiles, et dès qu’il y a un accident du travail, la direction les met en fin de mission. Ils sont détruits par les cadences et la pénibilité des postes. Au syndicat, nous avons posté [sur notre site de la CGT Renault Cléon-http://cgtrenaultcleon.fr/un message s’adressant en particulier aux intérimaires. A chaque mobilisation,il y a eu aussi des intérimaires,et nous allons continuer à nous battre quoi qu’il arrive.

Justement, aujourd’hui les travailleurs de MC Syncro, qui fabrique les roues pour PSA Poissy,sont en grève depuis 4 semaines pour l’embauche des intérimaires et les salaires, avec y compris des intérimaires en grève.Qu’en penses-tu ?

Oui j’ai vu ça. C’est vraiment super qu’ils se bagarrent, surtout que la précarité est une plaie, et que si demain, on n’arrive pas à entraîner les intérimaires dans nos bagarres, on aura de plus en plus de mal à mobiliser. Il faut mettre en terme à la précarité. Nous allons leur adresser un message de soutien pour leur lutte. C’est important qu’elle soit victorieuse,pour eux comme pour l’ensemble du monde du travail.


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