Une semaine après le Sénat, l’Assemblée Nationale a voté à l’unanimité ce mercredi, le projet de loi de sécurité publique défendu par Bernard Cazeneuve puis par son successeur Bruno Le Roux, qui vise à élargir les règles de légitime défense des policiers. L’Assemblée Nationale et le Sénat vont maintenant débattre sur l’extension de ce régime de légitime défense à la police municipale, seul point de divergence entre les deux chambres, pour adopter définitivement le texte d’ici la fin des travaux parlementaires fin février. Un vote qui ne manque pas de faire polémique, alors que l’affaire Théo, jeune d’Aulnay-sous-bois violé par la police, a remis au centre de l’actualité politique la question des violences policières.

Ce projet, réponse à la colère et aux manifestations policières de l’automne dernier dont les mots d’ordre réactionnaires étaient « plus de moyens, plus d’armes et élargissement de la légitime défense  », qui aura pour conséquences d’accroître l’impunité dont les policiers jouissent déjà actuellement, a en effet été approuvé à l’unanimité de la quinzaine des députés PS, LR et FN présents. Ceci en dit long sur le rôle de l’institution policière en tant que garant de l’ordre social dominant, qui bénéficie à la caste politicienne et aux patrons.

Actuellement, le code pénal énonce qu’un policier est soumis à la même règle qu’un citoyen lambda et précise que « n’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée à elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense (…) autre qu’un homicide volontaire », même si dans les faits, les policiers bénéficient d’une justice à deux vitesses qui acquitte quasi systématiquement les policiers.

Mais le projet de loi approuvé par les deux chambres parlementaires vise justement à élargir cette légitime défense policière, en l’alignant sur les règles de légitime défense des gendarmes, qui, faisant parti du corps militaire, disposent aujourd’hui d’une plus grande marge de manœuvre.

Ainsi, grâce à cette nouvelle loi, les policiers pourront faire feu dans cinq situations : face à la menace de personnes armées, lorsqu’ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent, lorsqu’une personne cherche à échapper à leur garde, qu’ils ne peuvent l’arrêter autrement et qu’elle présente une menace, lorsqu’ils ne peuvent arrêter autrement un véhicule présentant une menace, et enfin, dans le but d’empêcher un "périple meurtrier". Avec une telle extension, et au regard de la nature de l’institution policière, on peut dors et déjà s’attendre à plus d’impunité, de violences policières, et à un durcissement de la répression dans son ensemble.

Ce projet de loi inquiète d’ailleurs bon nombre d’avocats, de magistrats et d’associations, qui y voient un « permis de tuer pour les policiers ». Dans un communiqué commun, le barreau de Paris et la Conférence des bâtonniers ont exprimé leurs « craintes  » et dénoncent un risque de « dérapage sécuritaire ». De même, dans une lettre ouverte adressée aux parlementaires, le Syndicat de la magistrature estime que les forces de l’ordre « se considèreront légitimes à user de leurs armes – et potentiellement de tuer – dans des conditions absolument disproportionnées  ». Le Syndicat de la magistrature dénonce ainsi de «  nombreuses dispositions aux conséquences lourdes  » et d’ajouter que c’est « le droit des citoyens à la vie qui est en jeu ».

En effet à travers cette revendication c’est un véritabledroit de tuer qui est réclamé par les policiers. Un droit qui leur épargnerait tout poursuites judiciaires visant à vérifier qu’il n’y ait pas eu d’abus. Ainsi Amal Bentounsi, sœur d’Amine Bentounsi, tué en 2012 d’une balle dans le dos par un policier qui a finalement été acquitté , qui est à l’origine du collectif Urgence notre Police assassine, critique fortement cette présomption de légitime défense, qu’elle qualifie de « permis de mise à mort » qui permettra aux policiers « qui ne veulent pas être poursuivis, de se retrouver devant les tribunaux, ce qui est déjà très rare puisqu’il y a de nombreux non-lieux », de ne plus avoir de compte à rendre à la justice.

Cette présomption de légitime défense s’inscrit dans un contexte marqué par un Etat d’urgence permanent, un contrôle de la population de plus en plus étroit et répressif et constitue une attaque importante à l’égard de nos droits démocratiques, qui permet à l’Etat de renforcer (encore) l’arsenal répressif. , La politique d’un front commun qui permettrait de faire reculer l’arbitraire, la brutalité et l’impunitéd’unepolice couverte par le pouvoir politique ainsi que l’exigence du désarmement de la police et du désenclavement policier des quartiers populaires sont nécessaires.