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Justice pour Nahel !

Mort de Nahel révélée en vidéo : il y a deux ans, Darmanin voulait empêcher de filmer la police

Il y a deux ans, le gouvernement voulait empêcher de filmer les policiers en intervention grâce à la loi Sécurité Globale. Une loi partiellement censurée, mais qui aurait pu empêcher des vidéos comme celle du meurtre de Nahel.

Arthur Nicola

10 juillet 2023

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Mort de Nahel révélée en vidéo : il y a deux ans, Darmanin voulait empêcher de filmer la police

Retour en octobre 2020 : deux députés de la République en Marche, Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue, ancien patron RAID, déposent une proposition de loi pour renforcer les pouvoirs des forces de répression. Extension du pouvoir des polices municipales, utilisation renforcée de la vidéo-surveillance, utilisation de drones ou encore autorisation du port d’armes des policiers hors de leurs heures de service étendu : la loi adoptée en avril 2021 était un recul très important des libertés démocratiques et un renforcement des pouvoirs de répression.

Dès le début des débats sur le texte, un article de la loi cristallise particulièrement les débats : l’article 24, qui deviendra l’article 52, portant sur la diffusion des images des policiers dans le cadre de leurs interventions. L’idée de Darmanin est simple : criminaliser toute personne qui diffuserait des images de policiers au motif qu’une telle diffusion pourrait « porter atteinte à son intégrité physique ou psychique ». Une manière de cacher les violences policières, qu’elles aient lieu dans les quartiers populaires au quotidien ou lors des manifestations et mouvements sociaux.

L’article prévoyait ainsi une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000€ d’amende pour toute « provocation à l’identification d’un policier ou d’un gendarme dans le but manifeste de porter atteinte à son intégrité physique ou psychique ». Sous la pression des manifestations et de l’indignation de nombreux syndicats de journalistes et associations, l’article sera rédigé autrement, condamnant « la provocation à l’identification d’un agent de la police nationale [...] dans le cadre d’une opération de police ». Les mots changent mais l’idée reste la même : interdire toute vidéo d’intervention policière (étant donné qu’une vidéo pourrait montrer le visage d’un policier et d’autres éléments l’identifiant).

Deux ans avant le meurtre de Nahel, le gouvernement, les services de police incarnés par le patron du RAID et les syndicats de policiers soutenant le projet de loi voyaient déjà à quel point l’existence des vidéos de violences policières pourrait être au cœur de révoltes contre le racisme d’Etat. Car si le meurtre de Nahel a été filmé, parmi les treize personnes tuées pour refus d’obtempérer par la police en 2022, combien l’ont été ? Ce n’est que grâce à la présence d’une telle vidéo que le discours policier, systématiquement repris par les médias dominants, a pu être déconstruit, montrant ce qui n’est autre qu’une exécution.

« Le monde entier doit voir que quand on marche pour Nahel, on marche pour tous ceux qui n’ont pas été filmés » expliquait dans ce sens Assa Traoré, lors de la marche blanche organisée à Nanterre le jeudi 29 juin. Une vidéo qui aurait donc pu être empêchée par la loi Sécurité Globale, permettant aux policiers de continuer à défendre leur version des faits.

Finalement, sous la pression, le Conseil Constitutionnel décidera de censurer cette disposition de la loi. Même le Conseil de l’Europe, peu connu pour ses penchants démocratiques avait dénoncé « l’atteinte à la liberté d’expression » que constituait alors l’article 24. De nombreux journalistes et militants, et plusieurs dizaines de milliers de manifestants avaient marché partout en France pour protester contre cette loi. Un rapport de force qui avait permis de faire retirer cette tentative de Darmanin de jeter un voile sur toutes les manifestations de violences policières.

Si le rapport de force n’avait pas alors permis de faire retirer toute la loi, la révolte qui a eu lieu après le meurtre de Nahel et le grand nombre d’organisations qui ont dénoncé son meurtre doivent aujourd’hui, plus que jamais, reprendre le chemin de lutte pour faire retirer cette loi et toutes les autres lois sécuritaires et autoritaires adoptées lors des précédents quinquennats. Il en va de notre liberté à montrer la violence de l’Etat et de notre liberté à manifester.


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Arthur Nicola

Journaliste pour Révolution Permanente.
Suivi des grèves, des luttes contre les licenciements et les plans sociaux et des occupations d’usine.
Twitter : @ArthurNicola_

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