La grève des livreurs à vélo travaillant pour la plateforme Deliveroo de l’été dernier a révélé les conditions de travail et le niveau de précarité de ces « non-salariés » pourtant assujettis à leurs plateformes. Une main d’oeuvre qui rapporte beaucoup aux patrons et qui ne leur coûte rien, ou si peu : on comprend que le modèle cherche à s’imposer, puisque l’exploitation y est si facile.

Mais l’exploitation en terrain capitaliste ne se contente pas d’être aliénante, elle se dissémine. Pour les sociétés d’Ancien Régime, les historiens ont théorisé la « cascade de mépris » où la situation dans l’échelle sociale vous force à supporter le mépris des supérieurs mais, et la concession est majeure, vous autorise à mépriser vous-même vos inférieurs. Avec le capitalisme, c’est pareil : vous êtes exploités par un patron, mais, en vous débrouillant bien, vous pouvez vous aussi exploiter plus précaire que vous.

Si on cherche la figure la plus précaire du droit du travail aujourd’hui, on la trouvera du côté des sans-papiers : la plupart travaillent en France depuis longtemps, en utilisant des noms d’emprunt notamment, mais avec les difficultés à régulariser leur situation, ils ne peuvent pas bénéficier des droits qui protègent encore les travailleurs.

Donc certains auto-entrepreneurs qui possèdent un compte autoentrepreneurs pour accéder aux plateforme se sont mis à louer son accès à des sous-traitants, des sans-papiers. Ces autoentrepreneurs sont devenus à leur tour les exploiteurs du travail d’autrui pour en tirer du profit, jusqu’à 1 000 euros par mois sans pédaler. Le nouveau modèle porté par Uber n’a donc rien inventé, sinon des passes-droits de plus en plus hostiles aux travailleurs et au droit du travail : l’exploitation la plus cynique continue à alimenter le profit de la bourgeoisie.