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Palestine

Du pain et des bombes : les négociations au point mort à Gaza, Biden multiplie les largages humanitaires

Alors que les négociations se sont interrompues, Biden tente de restaurer sa réputation entachée en construisant un port provisoire à Gaza : livrant des bombes à Israël et du pain aux Gazaouis, Biden multiplie les mises en scène hypocrites

Enzo Tresso

11 mars

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Du pain et des bombes : les négociations au point mort à Gaza, Biden multiplie les largages humanitaires

Alors qu’Israël a quitté la table des négociations, dimanche 3 mars, pour contraindre le Hamas à accepter une trêve aux conditions très défavorables, les représentants du mouvement palestinien ont fait savoir, ce vendredi, qu’ils ne feraient « aucun compromis ».

Le mouvement palestinien ne pouvait en effet accepter un accord dont les termes sont si éloignés de ses objectifs tactiques. Visant depuis 2006 à obtenir une trêve permanente avec Israël, dans le cadre de laquelle un Etat palestinien pourrait cohabiter avec l’Etat colonial sans le reconnaître officiellement, le Hamas ne peut accepter un cessez-le-feu temporaire. Alors qu’Israël refuse toute trêve permanente, l’Etat colonial se montre également peu enclin à libérer des prisonniers palestiniens. Les négociations portent désormais sur la proposition étatsunienne dont Ismaël Haniyeh a accepté en partie les termes, lors de sa visite au Caire le 20 février : 40 prisonniers israéliens détenus à Gaza seraient libérés en échange de 350 à 400 otages palestiniens dont plusieurs membres dirigeants des différentes factions de la résistance palestinienne. Le gouvernement d’extrême-droite refuse cependant de mettre fin aux hostilités et n’offre aucune garantie pour le retour des Gazaouis déplacés depuis le début de l’invasion de l’enclave.

Face au refus israélien d’accepter une trêve permanente et le retour des exilés, le Hamas a été contraint de refuser l’accord. Abandonnant les discussions, les représentants israéliens avaient quitté Le Caire, le 3 mars, afin de faire pression sur le mouvement palestinien et de le contraindre à accepter les termes de son diktat. Tandis que l’Etat colonial poursuit ses opérations génocidaires dans l’enclave gazaouie, intensifiant la pression sur le Hamas, le mouvement palestinien espère, de son côté, que l’aggravation des conditions humanitaires dans l’enclave et la multiplication des massacres coupent Israël de ses alliés internationaux et contraignent le gouvernement de la coalition d’extrême-droite à accepter une trêve permanente. En vain.

Alors qu’Israël a conduit, dans la nuit de samedi à dimanche, une soixantaine de frappes nocturnes, faisant au moins 85 victimes, près de Khan Younès, au sud de Gaza et au nord de Rafah, le gouvernement Netanyahou se montre inflexible et poursuit inéluctablement l’anéantissement de l’enclave gazaouie. Les Etats-Unis sont néanmoins de moins en moins convaincus par la stratégie israélienne. Vendredi 8 mars, le chef du Mossad et la direction de la CIA ont tenté de s’accorder sur les termes d’un nouvel accord tandis que Joe Biden multiplie hypocritement les opérations d’aides à destination des Gazaouis afin de restaurer son image auprès de la communauté internationale et de son électorat, dont une partie a déserté les rangs du camp démocrate.

Si Biden est engagé dans des négociations difficiles avec le gouvernement d’extrême-droite israélien, il continue d’apporter un soutien militaire et matériel inconditionnel aux opérations génocidaires de Tsahal. Incapable d’obtenir d’Israël qu’elle laisse passer plus d’aide alimentaire, alors que Gaza s’enfonce dans la famine, Biden a ordonné aux forces étatsuniennes de procéder à des largages humanitaires. Tandis que la quantité d’aide est ridiculement petite – chaque avion transportant l’équivalent de deux camions chargés d’aide alors que les besoins de la population gazaouie exigent, pour être satisfaits, l’entrée quotidienne de plus de 500 camions –, les opérations aériennes se sont révélés particulièrement dangereuses, en plus d’être inefficaces, pour les habitants de l’enclave dont plusieurs sont morts écrasés par des colis lors de largages ratés.

Dans son discours sur l’état de l’Union, le président Biden a ainsi demandé aux forces militaires étatsunienne de construire un port temporaire à Gaza tout en affirmant qu’aucun soldat ne serait déployé. Le port servira « à accueillir de grands navires transportant de la nourriture, de l’eau, des médicaments et des abris temporaires. Cette jetée temporaire permettrait d’augmenter massivement la quantité d’aide humanitaire acheminée chaque jour à Gaza ». Les livraisons seront soumises aux contrôles israéliens à Chypre avant de se diriger vers la bande de Gaza.

Si Israël maintient, en effet, un effroyable blocus humanitaire et affame le peuple palestinien, limitant le nombre de camions autorisés à pénétrer dans l’enclave et encourageant les opérations de blocage entreprises par plusieurs collectifs de colons, les propositions de Biden n’ont rien de charitable. Elles témoignent à la fois de la faillite de la diplomatie étatsunienne en même temps que de la crise du camp démocrate à l’orée des élections. Comme le note Michael Fakhri, rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation de l’ONU, la construction du port vise à répondre au mécontentement de l’électorat de Biden : « Cela s’adresse à un public national. Ce qui me donne de l’espoir, c’est la mobilisation croissante dans le monde entier, mais surtout aux Etat-Unis, de personnes qui exigent un cessez-le-feu ».

Le revirement étatsunien, en dépit de son cynisme, témoigne ainsi de la force qu’exercent les mobilisations populaires en solidarité avec la Palestine sur les gouvernements impérialistes. Alors que plus d’un million de Palestiniens, exilés par les bombardements et l’invasion terrestre de l’enclave, ont trouvé refuge à Rafah et que la famine s’abat sur la population gazaouie, il est plus urgent que jamais de consolider la mobilisation pour la Palestine et de briser, en France et ailleurs, les genoux de notre impérialisme : l’ouverture d’un deuxième front, au cœur des métropoles occidentales, sera un appui essentiel pour la lutte du peuple palestinien et jouera un rôle décisif dans sa victoire.


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