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Moyen-Orient

Escalade impérialiste : Les États-Unis et le Royaume-Uni poursuivent leurs frappes au Yémen

Dans la nuit de lundi à mardi, les États-Unis et le Royaume-Uni ont mené de nouvelles frappes aériennes sur le Yémen. Des raids aériens qui s’ajoutent aux frappes que les États-Unis multiplient dans la région depuis ces dernières semaines et qui continuent d’alimenter la possibilité d’un embrasement régional.

Antoine Chantin

24 janvier

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Escalade impérialiste : Les États-Unis et le Royaume-Uni poursuivent leurs frappes au Yémen

Crédit photo : Wilfredor

Ce lundi 22 janvier, les armées américaines et britanniques ont mené de nouvelles attaques aériennes visant le groupe des Houthis au Yémen. Les deux puissances occidentales ont ainsi affirmé à l’issu de ces bombardements que « Les frappes d’aujourd’hui ont visé précisément un site de stockage souterrain des Houthis et des sites de missiles et de surveillance aérienne des Houthis ». Soutenus par une coalition regroupant plus de vingt pays dont le Canada, l’Australie, Bahreïn et les Pays-Bas, les deux puissances ont justifié cette opération en affirmant qu’elle visait à « affaiblir l’arsenal que les Houthis utilisent pour mettre en danger le commerce mondial et les vies de marins innocents. »

Vers une nouvelle escalade militaire et un risque d’embrasement du Moyen-Orient

Ces attaques font suite à de précédents bombardements, déjà menés conjointement entre les appareils militaires britanniques et américains, le 12 janvier dernier, lorsque les deux armées avaient mené des raids aériens sur des installations militaires. Une entreprise qui ne semble pas prête de s’arrêter à la lumière des déclarations du ministre des affaires étrangères britanniques David Cameron, qui a annoncé mardi que le Royaume-Uni allait continuer à « réduire la capacité » du groupe armée Houtis à mener ses opérations en mer Rouge.

Pourtant, de l’aveu même de l’ancien Premier ministre britannique, « Depuis que nous sommes passés à l’action il y a dix jours, les Houthis ont lancé plus de douze attaques contre des navires en mer Rouge ». En effet, cette opération visant le Yémen trouve son origine dans les multiples attaques de navires auxquels le groupe Houthis, qui contrôle la majorité du Yémen, s’adonne depuis la mi-novembre. En réaction au génocide actuellement en cours à Gaza, le groupe militaire a entrepris de barrer le passage à tout navire circulant dans le Golfe d’Aden qui serait lié à des intérêts israéliens. Dernière cible en date, le cargo militaire américain Océan Jazz que les Houthis ont attaqué par missile ce lundi.

Face à ces attaques les États-Unis ont donc levé une véritable coalition afin de garantir « la libre circulation du commerce international » et la « liberté de navigation » en patrouillant sur les côtes et dans l’espace aérien du Yémen. Mais comme nous le rappelions dans ces colonnes, il n’est pas anodin de constater que la rhétorique étasunienne ne manque pas d’ironie : « Les forces armées américaines, dans le cadre des sanctions illégales contre l’Iran, n’avaient pas hésité en tous cas à intercepter plusieurs navires iraniens et à saisir le pétrole qu’ils transportaient (avant de le revendre à profit). De même, Washington n’avait pas trouvé grand-chose à redire à l’assassinat par Tsahal de neuf personnes en 2010, dans le contexte de l’imposition d’un blocus illégal de Gaza, alors qu’elles se rendaient dans l’enclave gazaouie à bord d’une embarcation turque chargée de biens humanitaires. » Les déclarations du gouvernement Biden masquent mal ses réels objectifs.

En outre, il est frappant de constater qu’avec ces frappes, la puissance occidentale rompt de plus avec sa stratégie de désengagement progressif dans la région au profit de l’Indopacifique. En effet, les forces armées nord-américaines ont multiplié les frappes dans la région ces dernières semaines. Mardi elles bombardaient ainsi trois sites irakiens soupçonnés d’appartenir à des groupes armés proches de l’Iran. Tout en tirant la sonnette d’alarme en alertant sur un risque d’escalade du conflit initié le 7 octobre, et d’embrasement du Moyen-Orient, les États-Unis jouent donc au pyromane en multipliant les attaques sur le Yémen, l’Irak ou la Syrie, le tout, en déversant bombes et matériel militaire au profit de l’armée israélienne et de son entreprise génocidaire.

Une approche calculée par Biden, qui pourtant n’a rien à gagner d’une nouvelle guerre dans la région. Alors que son hégémonie paraît s’affaiblir à l’échelle internationale, la puissance américaine semble déterminée à maintenir ses intérêts dans la région. Son soutien inconditionnel et massif à son allié Israélien en est la preuve. Tandis que des actes de piratages et des attaques de navires justifient un bombardement intensif du territoire yéménite, la Maison Blanche et les dirigeants américains donnent un véritable blanc-seing au régime israélien pour multiplier les crimes de guerre et accélérer le nettoyage ethnique en cours en Palestine depuis 1948. Une opération militaire d’envergure qui cherche également à maintenir coute que coute ses intérêts économiques, dont les voies maritimes de la région en sont l’un des points névralgiques. 12% du commerce maritime mondial transite ainsi par la mer Rouge, au large du Yémen. Une zone critique dans le rouage du commerce international, dont les attaques menées par les groupes Houthis ont contraint les navires à emprunter d’autres routes provoquant une hausse importante des frais de transports et d’assurances.

Les Houthis, directions réactionnaires au Yemen, profitent du génocide pour se renforcer

Loin de décourager les puissances hostiles aux États-Unis, la multiplication de ces attaques semble au contraire conforter la rhétorique de ces derniers. En ce sens, à la suite des dernières attaques menées par les États-Unis et le Royaume-Uni au Yémen, les Houthis ont annoncés que « L’agression américano-britannique ne fera qu’accroître la détermination du peuple yéménite à assumer ses responsabilités morales et humanitaires envers les opprimés de Gaza ». Selon le porte-parole du groupe militaire, « Chaque partie ou individu dans ce monde est confronté à ce choix : soit préserver son humanité et se tenir aux côtés du Yémen, soit perdre son humanité et se tenir aux côtés de l’alliance américano-britannique ». Face à une population dévastée depuis des années par les bombardements et le blocus imposé par l’Arabie Saoudite et l’Occident qui cherchent à le déloger, le régime Houthi, fragile et autoritaire, doit renforcer sa base sociale pour se maintenir.

En ce sens, comme le note Helen Lackner dans les colonnes d’Orient XXI « Depuis 2015, Ansar Allah (nom officiel du mouvement) contrôle Sanaa ainsi que la majorité de la côte de la mer Rouge et dirige d’une main de fer les deux tiers de la population. Son programme vise à assurer la domination des Sada (descendants du Prophète, également connus sous le nom d’Achraf ou de Hachémites) sur le plan intérieur, et met l’accent sur l’hostilité aux États-Unis et à Israël en politique étrangère. La guerre à Gaza lui donne un regain de popularité nationale et internationale, à un moment où la majorité des Yéménites aspire à la paix. Comme des millions d’autres personnes, les Yéménites sont révoltés par les horribles massacres perpétrés à Gaza. Les appels des autorités houthistes à manifester pour la Palestine leur donnent une rare occasion de se mobiliser en masse, et avec ferveur. Malgré l’impopularité du régime d’Ansar Allah [nom des Houthis], la plupart des habitants approuvent vraisemblablement son chef Abdul Malik Al-Houthi quand il menace de prendre des mesures contre Israël et mène des actions en mer Rouge. »

Le régime Houthi a donc répondu aux menaces américaines par la menace. Le porte-parole du groupe, le général Yahya Saree a ainsi affirmé que ces bombardements ne «  resteraient pas impunis  ». Une position impassible qui a valu les encouragements d’un autre régime réactionnaire hostile des États-Unis, et allié historique des Houthis, l’Iran. Le leader de cet acteur central de la région a ainsi affirmé que «  le rôle des dirigeants des nations islamiques est de couper les artères vitales du régime sionistes. Les nations islamiques doivent couper leurs liens politiques et économiques avec le régime sioniste et ne pas lui venir en aide  ». Le soutien inconditionnel des États-Unis à la colonisation israélienne et au génocide en cours, pour maintenir ses intérêts dans la région, permet donc aux régimes réactionnaires de la région, Iran en tête, d’avancer leurs pions et de renforcer leur rhétorique religieuse pour étendre leur influence sur la région.

Loin de « baisser les tensions et de rétablir la stabilité » dans la région, comme l’affirment le Royaume-Uni et les États-Unis, la multiplication des attaques et des bombardements dans la région éveille encore le spectre de l’embrasement régional. Si les dirigeants de ces pays semblent vouloir éviter ce scénario, les interventions militaires continues éloignent encore la perspective de la fin du conflit au Yemen, et ne feront qu’aggraver une crise qui a déjà fait au moins 377 000 morts au Yémen en sept ans, et plongé des millions de personnes dans une situation humanitaire catastrophique, quand les morts à Gaza se comptent déjà en dizaines de milliers depuis en de 100 jours. Comme le conclut Nathan Deas dans ces colonnes, « une fois de plus, ce seront les populations qui en paieront le prix et des forces réactionnaires qui pour l’heure capitalisent sur les crimes de l’Occident. »


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