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Ce lundi, plus de mille travailleurs du secteur de la pétrochimie se sont mis en grève. Trois usines pétrochimiques sont concernées par ce mouvement : Bushehr, Damavand et Hengam, situées dans la ville portuaire Assaluyeh au sud de l’Iran. Bien que le gouvernement ait restreint l’accès à Internet dans le Khuzestan, certaines vidéos ont pu être relayées sur les réseaux sociaux, montrant la radicalité du mouvement. Les travailleurs en grève ont bloqué l’autoroute près des usines et ont mis le feu à des barils de goudron. Les slogans « A bas le dictateur » et « Cette année est l’année du sang, Sayed Ali Khamenei est fini ! » se sont fait entendre lors des rassemblements. Ces slogans, sont repris des diverses manifestations qui secouent le pays depuis le meurtre de Mahsa Amini le mois dernier. Après les femmes, les étudiants et les lycéennes, c’est au tour de secteurs centraux de la classe ouvrière de se mettre en branle autour d’un même mot d’ordre : celui de mettre à bas le régime théocratique iranien

Le fait que le secteur de la pétrochimie rejoigne le mouvement pourrait dessiner un tournant dans la situation en Iran. Le pays occupait, en 2020, la cinquième place comme producteur au sein de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Malgré les sanctions américaines à son encontre, l’Iran exporte principalement en Chine, en Inde, au Japon ou encore en Corée du Sud son pétrole, en passant par des sociétés basées à Hong Kong, à Singapour et aux Emirats arabes. Le secteur de la pétrochimie est l’un des secteurs clés de l’économie iranienne avec des ventes qui représentent plusieurs dizaines de millions de dollars de pétroles et de produits pétrochimiques et dont le régime entend bien profiter puisqu’en mars dernier le ministre du pétrole annonçait vouloir augmenter la production de pétrole dès que les sanctions américaines auraient été levées.

Ce rôle clef dans l’économie du pays, confère aux travailleurs de la pétrochimie une puissance de frappe importante lorsqu’ils se mobilisent. En 2021, ce secteur avait déjà montré, lors d’une grève à l’été, qu’il est en capacité de faire vaciller le pays.

Lors de la révolte en 1979 contre le Shah, l’entrée en grève de la pétrochimie avait marqué un tournant important : « Les travailleurs du secteur pétrolier, dans les raffineries et, par la suite, les puits, entrent progressivement en grève. Elle s’étend progressivement à l’ensemble de l’industrie et des services ainsi qu’au secteur public. La grève coûte, pour le seul secteur pétrolier, plus de 50 millions de dollars par jour au régime, qui se sent assiégé. » Quatre mois après la vague de grèves, le Shah quittait le pays.

Aujourd’hui la grève des travailleurs de la pétrochimie est marquée par une forte radicalité et une envie de mettre à bas le régime. Elle met en exergue le ras-le-bol du système actuel, dans un pays où 20% de la population vit sous le seuil de pauvreté, et connaît un taux de chômage de 9,2%. Vient s’ajouter à cela l’inflation, qui avait atteint fin août les 52,2%. La colère des travailleurs n’est pas nouvelle face au régime qui les opprime et les maintient dans une situation de misère, et la grève dans le secteur pétrolier pourrait entraîner différentes couches du monde du travail à se mobiliser contre le régime réactionnaire iranien. Le cas échéant, le gouvernement iranien pourrait à nouveau être mis à mal et céder face à la force d’organisation des travailleurs.

Cette grève pourrait ainsi constituer un tournant dans la mobilisation, posant la perspective de renversement du régime réactionnaire actuel.