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Xénophobie

La loi immigration va faire basculer des dizaines de milliers de personnes dans l’extrême pauvreté

D’après une récente enquête menée par des haut-fonctionnaires, des juristes et des économistes, la promulgation du seul article 19 de la Loi immigration pourrait faire basculer entre 110 000 et 700 000 travailleurs dans la pauvreté. En prenant en compte les dispositions catastrophiques des autres articles, la loi risque d’entraîner un désastre social.

Enzo Tresso

22 janvier

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La loi immigration va faire basculer des dizaines de milliers de personnes dans l'extrême pauvreté

Crédit photo : O phil des contrastes

Alors que le texte a été voté sans aucune étude d’impact, des économistes et des hauts-fonctionnaires ont tenté d’évaluer les effets de la loi. Le résultat de leur enquête publié par l’association transpartisane Nos Services publiques est effarant : selon la projection basse, près de 110 000 résidents légaux basculeraient dans la pauvreté ; selon la projection haute, ils seraient près de 700 000. La restriction de l’accès aux prestations sociales prévue, sur la base de la préférence nationale, à l’article 19 de la loi immigration est, à lui seul, un vecteur de paupérisation.

Cet article prévoit, en effet, de conditionner à 5 ans de présence ou 30 mois d’activité, l’accès à des prestations souvent vitales pour des foyers pauvres : les prestations familiales relevant de l’accueil et de l’éducation des enfants, les allocations familiales, le complément familial, l’allocation de soutien familial, l’allocation journalière de présence parentale, l’allocation personnalisée d’autonomie et l’allocation personnalisée au logement (APL). Alors que les travailleurs étrangers employés en France s’acquittent des mêmes impôts et des mêmes cotisations que les travailleurs français, les allocations qui permettent aux travailleurs français de compenser (très partiellement) des salaires trop bas leur deviendraient inaccessibles pendant une période d’au moins deux et demi, précipitant, d’après une note de l’organisme transpartisan Nos Services publiques, près de 110 000 résidents étrangers, présents depuis moins de 5 ans sur le territoire ou travaillant depuis moins de 30 mois, dans la pauvreté, dont près de 30 000 enfants.

Cette estimation basse ne prend en compte que les effets économiques immédiats sur le revenu de l’article 19 et seulement les couples dont les deux conjoints sont des étrangers résidant légalement en France. En incluant les ménages dont seulement un des parents est français, ce sont près de 700 000 résidants légaux qui verront leur salaire diminuer. En incluant la restriction des prestations inconditionnelles d’urgence pour les sans-papiers, les conséquences sociales et humanitaires de loi deviennent à l’heure actuelle incalculables.

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La préférence nationale se traduira par une inégalité de traitement à situation égale. Prenons le cas de deux employés, un citoyen français et un étranger résidant légalement en France, rémunérés au SMIC (912 euros net) qui s’acquittent des mêmes contributions (CSG et CRDS) et des mêmes cotisations (salariales et patronales) : le premier bénéficiera de 393 euros de prime d’activité et de 112 euros d’APL tandis que le second, déjà inéligible à la prime d’activité perdra les APL qui lui permettaient de se maintenir au-dessus du seuil de grande pauvreté. Le salarié français gagnera ainsi, à situation égale, près de 500 euros de plus que le travailleur étranger qui sera abandonné à la grande pauvreté.

Dans le cas des familles monoparentales, la situation sera encore plus catastrophique. L’étude imagine (p. 7-8) le cas de deux mères seules, élevant chacune un enfant en bas âge, travaillant à mi-temps pour 651 euros net et s’acquittant des mêmes contributions et cotisations. Le foyer monoparental français bénéficiera, en plus du salaire et dans les conditions actuelles de la loi, de la prime d’activité (à laquelle les travailleurs étrangers ne sont déjà pas éligibles) de 327 euros, de l’allocation de soutien familial (123 euros), de la prestation d’accueil du jeune enfant (182 euros) et de l’allocation de logement social (338 euros). Toutes ces allocations seront refusées pendant 2 ans et demi au foyer monoparental étranger. La différence entre revenus atteindra ainsi près de 1000 euros : 1621 euros pour le foyer français contre 651 euros pour le foyer étranger, plaçant ses membres dans une situation de très grande pauvreté.

Les enfants seront ainsi les grandes victimes de la loi raciste et xénophobe du gouvernement. Un foyer étranger pourra être privé de plusieurs centaines d’euros d’aides consacrées à l’enfance. Dans certains cas, la préférence nationale entraînera une différence de traitement entre des enfants nés en français, et donc français de ce simple fait (Article 19-13 du code civil), du seul fait que leurs parents sont français ou étrangers, la nationalité du demandeur étant le critère discriminant et non la nationalité du bénéficiaire.

Les chiffres avancés par l’étude sont effarants. En ne comptant que les familles dont les deux parents sont étrangers et les étrangers hors ménage résidant légalement en France, près de « 110 000 personnes devraient voir leur niveau de vie diminuer du fait de cette loi ». Dans ces ménages, 30 000 enfants devraient subir une diminution des ressources qui sont allouées pour leur développement. Parmi eux, 3000 enfants devraient basculer sous le seuil de pauvreté (60% du revenu médian soit 1160 euros par mois) et près de 8000 dans une situation de très grande pauvreté (40% du revenu médian, soit 772 euros par mois).

En incluant les ménages dont un des parents est français, les estimations se sont encore plus alarmistes : « En incluant ces deux types de ménages, jusqu’à 700 000 personnes pourraient être privées de certaines prestations sociales par la loi immigration (hypothèse maximale), avec en leur sein 210 000 enfants touchés par une baisse de niveau de vie, dont 19 000 basculeraient dans la pauvreté et 55 000 basculeraient [d’une] situation de pauvreté à la très grande pauvreté » (p. 12). Ces chiffres ne donnent cependant qu’une vision restreinte de la catastrophe sociale qu’impliquerait la promulgation du texte.

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Au-delà du volet ultra-répressif du texte, la restriction du droit au logement touchera bien au-delà de la population à laquelle est consacrée l’étude qui « ne comptabilise pas les ménages qui vivent en foyer, en hébergement ou à la rue », comme le notait Le Monde. La population étudiante sera ainsi également durement frappée alors même que la jeunesse française s’enfonce déjà dans la pauvreté. La réforme de l’Aide médicale d’Etat étendra l’empan du désastre social aux sans-papiers, déjà extrêmement précarisés et soumis à un droit d’exception et à une police administrative. La première tâche du nouveau premier ministre sera ainsi d’élever le niveau d’intensité de l’offensive sociale et réactionnaire initiée par l’article 19.

Contre l’alignement des directions syndicales sur le calendrier parlementaire, il est urgent de prendre les rues contre la campagne réactionnaire et les objectifs antisociaux du gouvernement. Parce que chaque concession faite au gouvernement sur le droit des travailleurs étrangers constitue un précédent pour la mutilation des droits de tous, la victoire des sans-papiers et des étrangers sera la victoire de toute la classe ouvrière.


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