Ce que Santiago dit de la situation

Le Chili et le nouveau cycle de lutte des classes en Amérique latine

Matías Maiello

Le Chili et le nouveau cycle de lutte des classes en Amérique latine

Matías Maiello

Les journées révolutionnaires au Chili constituent à ce jour le point culminant d’un nouveau cycle politique qui commence à traverser l’Amérique latine.

Ce nouveau cycle politique, loin d’être un cas isolé, s’inscrit dans le contexte d’un retour de la lutte des classes à l’échelle internationale, de la France à l’Espagne en passant par Hong Kong, le Liban ou encore l’Irak. Ses causes sont profondes. La crise de 2008 a marqué un tournant : l’inégalité générée par le capitalisme atteint des niveaux de plus en plus insupportables, les partis traditionnels sont en train de sombrer, la soi-disant « mondialisation » est en crise et le nationalisme des grandes puissances est de retour.

L’hégémonie néolibérale est en crise au niveau international. C’est tout un symbole qui explose aujourd’hui au Chili, grand laboratoire d’expérimentations sous la dictature de Pinochet avec les « Chicago Boys » formés aux Etats-Unis. En Amérique latine, la crise du néo-libéralisme du début du siècle était en avance sur le reste du monde. Le début du XXIe siècle a en effet été marqué par l’irruption des masses qui ont fait tomber des présidents en Équateur, en Bolivie, en Argentine et ont vaincu un coup d’État impérialiste au Venezuela en 2002. Mais ces processus ont été détournés, donnant naissance à un second cycle, celui des gouvernements « post-néolibéraux » qui ont pu profiter de la reprise économique tirée par le boom historique des matières premières.
Lorsque ce boom a commencé à s’épuiser et que la crise a frappé systématiquement la région à partir de 2013-2014, l’échec du post-néolibéralisme a été patent dans la mesure où il avait misé sur le développement des bourgeoisies nationales au travers (ou au moins avec un rôle clé) de l’Etat. Une situation qui a donné lieu à un troisième cycle, marqué par la montée de la droite, Macri en Argentine, Piñera au Chili, Kuczynski au Pérou, le coup d’Etat institutionnel au Brésil, ainsi que par la droitisation du personnel politique « post-néolibéral » lui-même, avec des cas emblématiques comme Daniel Ortega au Nicaragua ou Lenín Moreno en Equateur. Son apogée a été la montée du populisme de droite de Bolsonaro au Brésil et le coup d’État impérialiste contrecarré au Venezuela, cette année, a marqué le début de son reflux.

Les processus qui ont traversé Porto Rico, le Honduras, Haïti, l’Équateur et auxquels le Chili prend aujourd’hui part marquent l’entrée de l’Amérique latine dans un nouveau cycle marqué par un regain de la lutte des classes. Les différents aspects de chacun des cycles politiques précédents se combinent pour créer un scénario hétérogène. Les conditions économiques exceptionnelles qui ont permis de détourner le cycle de soulèvements du début du siècle, largement alimentées à l’époque par l’expansion de la Chine, aujourd’hui engagée dans une guerre commerciale avec les Etats-Unis, sont désormais de l’histoire ancienne. L’accroissement exponentiel des inégalités, les perspectives de faible croissance, la dévaluation des prix des matières premières constituent de plus en plus un jeu à somme nulle (et d’endettement) pour les capitalistes, qui ont recours à différents mécanismes pour attaquer (directement ou indirectement) les mouvements de masse.

Face à la « politique du moindre mal » des courants post-néolibéraux, l’action des masses a montré comment il était possible de faire reculer les attaques en Equateur et au Chili. La bourgeoisie se voit contrainte de faire des concessions pour ne pas tout perdre. Cependant, nous ne pouvons pas aborder la situation actuelle de la même manière que les processus antérieurs, lorsqu’il était possible d’obtenir certaines concessions de la part de l’État sans pour autant s’élever contre ce dernier. La situation est marquée par des changements soudains dans les rapports de force, des situations de crise qui peuvent évoluer ou non vers des situations révolutionnaires, être détournées ou mener à des débouchés réactionnaires. Le résultat global de ce cycle n’émergera pas de la somme des multiples résultats partiels. Considéré stratégiquement, ce dont il est question, c’est de la possibilité ou non de mettre un terme à des décennies de pillage et d’ouvrir une voie révolutionnaire dans la région.

Journées révolutionnaires

Récemment, l’Equateur comme le Chili ont connu des journées révolutionnaires, beaucoup plus importantes qu’une somme de manifestations, avec des actions qui rompent dans une certaine mesure avec le cadre de la légalité bourgeoise. Des éléments en ce sens ont été observés dans les deux pays. Les slogans « Dehors Lenín Moreno » et « Dehors Piñera » se sont répandus massivement dans les rues. Menacés de renversement suite à la mobilisation de masse, Moreno il y a quelques semaines et Piñera lui-même à l’heure actuelle cherchent à se maintenir par le recours à un mélange de répression, de concessions partielles et grâce à l’action de différentes bureaucraties qui, comme les événements récents l’ont montré, jouent un rôle déterminant dans les moments clés pour la survie du régime bourgeois.

Il y a quelques semaines seulement, on a assisté en Equateur à une réponse massive au « paquetazo », les mesures d’austérité annoncées par Lenín Moreno, arrivé au gouvernement avec la bénédiction de Correa, pour répondre aux exigences du FMI. Ces annonces ont donné lieu à plus de dix jours de barrages routiers et de mobilisations impressionnantes, avec des affrontements contre la police et l’armée dans les rues à Quito, mais aussi dans de nombreuses localités de l’intérieur du pays, avec des scènes de batailles comme celle qui a eu lieu à La Esperanza, où plus de 1 500 personnes - en particulier des jeunes – se sont organisés pour affronter les forces de répression. Le 12 octobre a été le point culminant du soulèvement à Quito, où la population de la capitale est descendue en masse dans les rues, et ce n’est pas un hasard si c’est ce jour-là qu’a eu lieu la répression la plus importante, avec des armes à feu et des snipers.

Si le soulèvement a été massif, mobilisant une grande partie de la population, la CONAIE (Confédération des nationalités indigènes) a tenu le rôle principal, tant politique que médiatique. Leurs dirigeants ont ainsi cherché tout du long à maintenir, dans les rues, la séparation entre le mouvement indigène et les autres secteurs mobilisés, arguant qu’ils n’avaient pas l’intention de se mélanger avec le « correísmo », les partisan sde l’ancien président équatorien Rafael Correa. Alors que les barricades fumaient encore et que la répression se poursuivait, ils se sont assis autour de la table pour « dialoguer » avec Moreno. Lorsque Moreno a finalement été contraint de reculer sur le décret 883 et du fait de la force que les mobilisations étaient en train d’acquérir, les dirigeants de CONAIE se préparaient à désamorcer la rue, sauvant de fait la tête de Moreno sans même faire libérer les prisonniers, ni en finir l’état d’urgence, ni même répondre aux exigences du mouvement dans son ensemble.

La semaine dernière, nous avons assisté à des journées révolutionnaires au Chili. Les actions de fraude dans le métro menées par les lycéens ont suscité la sympathie de millions de personnes. Vendredi 18, elles ont conduit à un soulèvement de plus en plus massif. Les occupations du métro ont ensuite été brutalement réprimées. La réponse de Piñera a alors été de mettre en œuvre la « loi de sécurité intérieure de l’État » héritée de la dictature, déclenchant la colère populaire le samedi 19 à Santiago et dans les communes périphériques avec des mobilisations, des piquets de grève, des cacerolazos et des affrontements avec la police. S’en est suivie la déclaration de « l’état d’urgence constitutionnel » qui n’a fait qu’aggraver le soulèvement. Le « santiagazo » a fini par s’étendre nationalement et devenir un soulèvement populaire contre Piñera, à la tête d’un régime hérité du pinochetisme et d’une société où tout est privatisé, où 50% des ménages les plus pauvres possèdent 2,1% de la richesse nette du pays, tandis que les 1% les plus riches en possèdent 26,5%.

Plus tard, le gouvernement annonçait la « suspension » de l’augmentation des transports tout en rétablissant, pour la première fois depuis la dictature, un couvre-feu. Celui-ci a été défié par des barricades, les cacerolazos, et une vague de colère s’est déchaînée, avec des bus incendiés, des centaines de pillages de grands établissements, des postes de police et des bâtiments publics en feu. Les affrontements se sont poursuivis le dimanche 20. Le lundi 21 des manifestations massives se sont développées dans tout le pays. Par la suite, Piñera a déclaré « nous sommes en guerre » et la réponse a été les manifestations massives du mardi 22. Aux côtés de la jeunesse étudiante, des secteurs stratégiques de la classe ouvrière sont entrés en scène, avec 90% des ports qui ont été à l’arrêt et les mineurs d’Escondida qui ont paralysé la plus grande mine privée du monde. Sous la pression de ces événements, la bureaucratie de la Centrale Unitaire des Travailleurs (CUT) a appelé à une « grève générale » avec mobilisation, abandonnant sa proposition –irréalisable à ce stade – de faire grève tout en vidant les rues.

Le mardi soir, le gouvernement a lancé sa manœuvre d’ « agenda social », qui ne consiste qu’à concéder des miettes pour protéger le régime social et politique hérité du pinochetisme. Le mercredi, dans le cadre de la grève, des centaines de milliers de personnes se sont mobilisées dans tout le Chili, notamment des travailleurs, des jeunes, des quartiers populaires, des femmes et des communautés indigènes. Les travailleurs du secteur public, les travailleurs de la santé, les enseignants, les mineurs, les dockers, les syndicats du commerce et des services ont défilé avec leurs drapeaux. Des milliers de lycéens, d’étudiants et de jeunes travailleurs ont été impliqués dans des affrontements sur la Plaza Italia et à La Alameda, à Santiago, bien qu’il s’agisse dans l’ensemble d’affrontements de moindre envergure. La grève et les mobilisations se sont également poursuivies jeudi, tandis que la gauche du régime - le Parti Communiste et le Frente Amplio - avec leurs bureaucraties syndicales, étudiantes et « sociales » respectives, ont continué de jouer un rôle de soutien objectif à Piñera, afin de sauver sa tête.

Entre l’explosion de la colère sociale et les tentatives d’une issue institutionnelle

Le processus chilien a débuté comme un soulèvement spontané qui a surpris tout le monde. Distantes et extérieures au mouvement, aucune des organisations politiques, syndicales ou étudiantes les plus importantes n’ont été en première ligne ; mais le conflit s’est intensifié en réponse à l’action du gouvernement.

Dans un second temps, sous la pression des événements, les directions bureaucratiques du mouvement ouvrier, étudiant et « social », pour la plupart membres du PC et du Frente Amplio, se sont tournées vers l’appel à une « grève générale », pensée comme une façon pour faire baisser la pression et le ras-le-bol. Piñera a lui aussi effectué son propre tournant, passant de « nous sommes en guerre » à son « agenda social », pour diviser le mouvement en s’adressant aux secteurs intermédiaires tout en continuant à réprimer brutalement les pauvres de la périphérie pour empêcher que les mobilisations ne ciblent les centres du pouvoir. Une vaste campagne médiatique a ainsi été mise sur pied, opposant le mouvement pacifique et festif des secteurs des couches moyennes aux actions plus combatives de l’avant-garde de la jeunesse tout en criminalisant les secteurs les plus pauvres.

Dans cette distribution des rôles, le PC, le Frente Amplio et leurs bureaucraties respectives, après s’être opposés au dialogue tant que les militaires ne se retireraient pas de la rue, se sont engouffrés dans ce piège en exigeant l’inclusion des « organisations sociales et citoyennes ». En même temps, les députés deux formations ont pris part à une mascarade parlementaire au cours de laquelle ont été abordées différentes mesures totalement en dehors de la réalité d’un pays en proie aux flammes, avec des militaires qui répriment et tuent dans les rues. L’une des principales référentes du PC, Camila Vallejos, après s’être félicitée de l’approbation par le Parlement de la loi sur la semaine de travail de 40 heures, a déclaré : « il ne s’agit pas d’aller contre le président. »

La gauche du régime a ainsi montré au grand jour qu’elle ne cherche en définitive qu’à parasiter le mouvement, sans chercher à le développer, en jouant un rôle central pour empêcher que le mouvement ouvrier ou le mouvement étudiant, qui en était le principal protagoniste, ne réalisent de démonstrations de force avec leurs organisations.

C’est dans ce contexte qu’advient le troisième moment de la mobilisation, marqué par les manifestations de masse du vendredi 25, les plus importantes depuis la fin de la dictature, dépassant de loin le million de personnes à Santiago, avec des manifestations massives dans tout le pays. Les slogans « Dehors Pinera » ont dominé, ainsi que le rejet massif de la répression. Appelées à l’origine par les réseaux sociaux, les manifestations ont eu un ton pacifique et festif, presque sans confrontations, différant ainsi des actions du premier moment du processus marqué par l’explosion de colère sociale de millions de secteurs pauvres et marginaux et de la jeunesse, en réponse à la répression du gouvernement. Des mobilisations décrites de façon symptomatique par Cecilia Morel, l’épouse de Piñera, comme une « [invasion de l’étranger ». Cette explosion ne pouvait être contrôlée que sous la menace des balles et des matraques. Valparaiso, vendredi 25, a cependant été une exception, présentant une dynamique différente. Les 20.000 personnes qui ont avancé vers le Congrès, dont le siège se trouve dans la ville, y ont en effet été brutalement réprimées.

Le caractère massif des manifestations explique les cyniques « salutations de Piñera aux mobilisations. Samedi 26, il a continué à essayer de se maintenir sur la corde raide avec son « agenda social », que l’écrasante majorité de la population rejette, ajoutant la promesse d’un remaniement ministériel et la possibilité de lever l’état d’urgence, après avoir fait des milliers de morts, de blessés et de détenus.

La politique des « concessions » partielles, la démission des ministres, ou même des concessions plus importantes, comme l’exige rien de moins que le Financial Times, ou Luksic lui-même, propriétaire d’un des plus grands conglomérats du Chili, ne sont qu’une tentative pour défendre un objectif plus important : empêcher que le gouvernement de Piñera ne tombe sous le coup de l’action directe des masses, mettant en question tout le legs de la dictature de Pinochet.

Les différents types de conflits et comment apprécier leurs résultats

Dans son traité classique De la Guerre, Carl Clausewitz distingue entre les conflits « à objectifs limités » et ceux qui visent « la décision », à savoir la défaite de l’adversaire. Dans les deux cas, les résultats sont appréciés de différentes manières. Dans le premier cas, il s’agit de « résultats isolés indépendants, où comme avec les différents tours d’un jeu, le résultat précédent n’a aucune influence sur ceux qui le suivent ; dans ce cas, tout dépend seulement de la somme totale des résultats ». Dans le second, « tout est l’effet de causes nécessaires, une chose affecte rapidement l’autre (...) il n’y a qu’un seul résultat, à savoir le résultat final ». Le conflit est donc présenté comme « un tout indivisible ». Or, lorsque l’on parle de journées révolutionnaires comme celles du Chili, c’est la seconde approche qui doit primer.

Au Chili, la spontanéité du mouvement de masse a modifié les rapports de forces. Cependant, l’opération de sauvetage de Piñera bat son plein. La politique du PC consistant à transformer le « Dehors Piñera » en une « accusation constitutionnelle », une sorte d’impeachment à la chilienne, pour que sa révocation puisse être décidée par le Sénat, le dialogue « ouvert » avec Piñera qu’ils promeuvent avec le Frente Amplio, ou l’Assemblée constituante dans le cadre du régime actuel que proposent les deux partis, ne sont que des « variantes de gauche » du sauvetage institutionnel. Précisément parce que, comme les gens le crient dans la rue, « il ne s’agit pas 30 pesos, mais de 30 ans », il n’est pas possible d’imposer une issue en faveur des travailleurs avec les mécanismes mêmes du régime hérité du Pinochetisme.

Comme le souligne Rafaella Ruilova dans son article de l’hebdomadaire Ideas Socialistas, face aux pièges et aux manœuvres, il est nécessaire de créer des organisations indépendantes capables de rassembler tous les secteurs en lutte que le régime entend diviser, voire atomiser. D’où l’importance de mettre en place partout des organismes d’auto-organisation, assemblées, coordinations, comités ou coordinations de travailleurs, d’étudiants et de riverains, tout en menant la bataille contre les différentes bureaucraties. En ce sens, les exemples qui commencent à se développer comme le Comité d’urgence et de sauvetage à Antofagasta, autour de l’hôpital Barros Luco ou du syndicat du GAM, à Santiago, constituent des symboles significatifs pour la voie de l’auto-organisation,

S’il y a une chose que les journées révolutionnaires ont démontré, c’est que ce n’est que par la lutte et la mobilisation qu’il est possible de faire reculer nos ennemis. Ce n’est qu’avec les méthodes de la lutte de classe, d’une grève générale politique - dans le sens « de combat » que lui a donné Rosa Luxemburg et pas seulement « de pression » comme le conçoit la direction de la CUT – qu’il sera possible de faire tomber Piñera et d’imposer une issue favorable aux travailleurs et à la majorité de la population. Comme le souligne Juan Valenzuela dans un autre article, c’est en ce sens que nous les socialistes révolutionnaires proposent une Assemblée Constituante véritablement libre et souveraine, s’élevant sur les ruines du régime hérité de la dictature, qui permette de mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour en finir avec ce dernier tout en luttant pour un gouvernement ouvrier et populaire qui retire définitivement le pouvoir aux capitalistes.

C’est dans cette perspective qu’interviennent des centaines de camarades du Parti des Travailleurs Révolutionnaire (PTR) dans les rues de Santiago, d’Antofagasta, de Valparaíso, d’Arica, de Temuco, de Puerto Montt, de Rancagua et d’autres grandes villes du pays, dans les lieux de travail et d’études, et depuis La Izquierda Diario Chile, qui a atteint en octobre, avec le soulèvement populaire, un million d’entrées et a ainsi touché des secteurs importants du mouvement.

Des temps nouveaux

Il est clair que la situation de la lutte des classes est en train de changer, par-delà l’Amérique latine. Le fameux slogan « There is no alternative » (« Il n’y a pas d’alternative ») de l’apogée du néolibéralisme, tout autant que le discours de résignation au moindre mal du néo-réformisme ou du « post-néolibéralisme » latino-américain sont remis en question par cette nouvelle vague. L’Équateur comme le Chili montrent la voie à suivre pour vaincre les ajustements et les plans visant à attaquer les travailleurs. Cependant, comme le montrent les événements, la voie est loin d’être claire. Le résultat de chacune de ces confrontations n’est certainement pas neutre.

Selon Eduardo Febbro, dans Página/12 « la séquence de soulèvement a été ouverte par l’Argentine en 2017 lorsque le pouvoir macriste a réprimé la contestation sociale contre la réforme des retraites ». L’affirmation peut se discuter, surtout au vu de l’envergure différente des processus, mais ce qui est certain c’est que l’action de la bureaucratie syndicale et du kirchnerisme ont été fondamentales pour liquider la perspective de lutte des classes qui a été avancée pendant ces journées des 14 et 18 décembre, et pour assurer la gouvernance de Macri.

Le prix de cette déviation a été de laisser le pays aux mains du FMI. L’Argentine a ainsi subi une dévaluation phénoménale, une spirale inflationniste, une récession, les salaires ont perdu 25% de leur pouvoir d’achat, 50% des enfants vivent sous le seuil de pauvreté et les augmentations tarifaires se succèdent. Tout cela pour permettre aux banques, aux grands capitalistes et au pouvoir agro-industriel de continuer sur leur lancée. Un héritage que le Frente de Todos, la coalition électorale péroniste prétend désormais affronter, à commencer par la dette, tout en promettant pour cela de « répartir les coûts entre tous ».

Il convient de s’en souvenir, car il ne s’agit pas simplement d’un bilan passé, mais d’un rappel à partir duquel il est nécessaire de considérer le présent dans le contexte de l’ouverture de ce nouveau cycle de lutte de classe, dont tout indique qu’il n’est pas près de se refermer.

Trad. Max Demian. Article publié le 27 octobre dans Ideas de Izquierda à la veille de la défaite de la droite aux élections présidentielles argentines et la victoire, dès le premier tour, du Frente de Todos

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