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Canalisation institutionnelle

Sénégal : sous pression de la rue, le Conseil constitutionnel inflige un camouflet à Macky Sall

Jeudi 15 février, le Conseil constitutionnel a invalidé le report des élections présidentielles annoncé par le président Macky Sall début février. Un camouflet imposé par les mobilisations de rue que le régime cherche à canaliser sur un terrain électoral.

Roxane Sinigaglia

16 février

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Sénégal : sous pression de la rue, le Conseil constitutionnel inflige un camouflet à Macky Sall

Crédit photo : Capture d’écran France 24

Ce jeudi, le Conseil Constitutionnel a invalidé le décret prévoyant le report des élections présidentielles de dix mois et le maintien du président Macky Sall à son poste. Ils ont jugé la loi qui repoussait le scrutin au 15 décembre « contraire à la Constitution », et ont rappelé que la durée d’un mandat « ne peut être réduite ou allongée au gré des circonstances politiques, quel que soit l’objectif poursuivi ». Pour Babacar Gueye, constitutionnaliste coordinateur du collectif de la société civile Aar Sunu Election («  Protégeons notre élection »), cette invalidation est «  historique  ». Le Conseil constate cependant « l’impossibilité d’organiser l’élection présidentielle à la date initialement prévue » du 25 février et « invite les autorités compétentes à la tenir dans les meilleurs délais ».

Le même jour, le président Macky Sall a annoncé la libération de plusieurs dizaines de prisonniers politiques, comme une tentative d’apaiser les tensions et de se sortir de la grave crise que traverse son gouvernement. Un des opposants politiques libéré aujourd’hui et membre du parti d’Ousmane Sonko, affirme qu’il n’est pas dupe de cette manœuvre politique : « Nous sommes une monnaie d’échange, ils nous font sortir contre la stabilité du pays », déclare-t-il. À Ziguinchor notamment, les Sénégalais sont sortis dans la rue pour fêter l’annulation du report des élections présidentielles et la libération des prisonniers politiques.

Ces décisions font suite aux mobilisations d’ampleur qui ont eu lieu partout dans le pays après l’annonce début février du report des élections, et qui ont été violemment réprimées par la police. On dénombre ainsi au moins trois morts, de nombreux blessés et des centaines d’arrestations après des semaines de mobilisations qui ont illustré la colère de la population. Face à la crise politique dans laquelle est plongée le pays, en raison du rejet de plus en plus massif de la corruption des élites politiques, mais aussi de la crise économique dans un pays où le taux de pauvreté est estimé à 40%, la population sénégalaise était sortie par milliers dans les rues de Dakar, Ziguinchor, ou encore Saint-Louis.

Le gouvernement de Macky Sall est dans une impasse depuis plusieurs années. Les manifestations de cet été, en soutien à Ousmane Sonko, principal opposant politique du gouvernement dont la violente répression avait fait au moins 23 morts, illustraient déjà cette grande instabilité. Comme l’explique Nicolas Charbonneau, militant du collectif anticolonial Survie, la jeunesse semble voir dans Ousmane Sonko et son parti PASTEF la seule alternative à la corruption des élites sénégalaise et à la grande pauvreté rongeant le pays.
Pourtant, cet homme politique d’un parti qui est pour la peine de mort et qui entend durcir la loi pénalisant l’homosexualité ne représente en rien une perspective progressiste pour la jeunesse et les travailleurs sénégalais. Après l’annonce du report des élections par Macky Sall, le camp Sonko avait simplement interpellé le Conseil Constitutionnel en attestant que la seule perspective pour changer le système sénégalais est son accession au pouvoir.

Si c’est sous pression de la rue que le Conseil Constitutionnel a mis en échec la tentative de Macky Sall d’allonger son mandat, c’est pour mieux assurer la stabilité du régime et canaliser la colère sur un terrain électoral. Elle constitue un recul du régime qui cherche à mettre fin à la crise politique et à placer les prochaines élections comme la perspective à suivre. Or, ce n’est pas avec les prochaines élections présidentielles que le pays pourra sortir de la crise, ni par aucune autre perspective parlementaire et institutionnelle. C’est l’organisation démocratique à la base par les travailleurs et la jeunesse sénégalaise, en indépendance totale de tous les secteurs bourgeois du régime, qui peut permettre la sortie de la crise profonde dans laquelle est plongée le pays.


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