« Faire toujours plus avec toujours moins, c’était ça le projet du patron pour l’usine Fürst 1 », nous explique Christian Porta, ouvrier chez Neuhauser et délégué syndical. L’objectif de l’entreprise était connu dès juin 2022, lorsque le PDG du groupe InVivo Thierry Blandinières, ayant à l’époque récemment acquis la boulangerie industrielle Neuhauser, avait visité le site de Fürst 1 à Folschviller en Moselle : « ce qu’il était venu annoncer, c’était la réouverture du site avec deux lignes de production supplémentaires, mais sans aucune embauche ni moyens supplémentaires. Nous allions devoir faire à deux le travail de trois personnes », continue de nous détailler Christian.

Mais c’était sans compter sur le refus en bloc des salarié.e.s de l’usine, qui à aucun moment n’ont voulu céder et accepter ces surcharges de travail et ces conditions dégradées. « L’ensemble des travailleurs et des travailleuses étaient contre ce projet, on connaissait les bénéfices réalisés par le groupe InVivo et il était hors de question de les laisser sacrifier notre santé pour augmenter encore leurs profits ! », enchaine le syndicaliste.

La bataille contre le patron s’est menée sur deux fronts. D’un côté un combat juridique, mené par les travailleurs aux côtés d’avocats faisant aujourd’hui partie du Comité d’Action Judiciaire (CAJ), pour faire condamner le patron qui n’avait pas communiqué l’ensemble des documents nécessaires à la réalisation de son projet. De l’autre, surtout, quasiment l’ensemble des salariés de l’usine se sont mobilisés contre le projet. « Tous les collègues ont refusé de participer au projet et de travailler sur ces nouvelles lignes tant qu’il n’y avait pas d’embauche. Les salariés, qui savaient faire démarrer ces lignes car ils avaient déjà travaillé dessus à l’époque, avant leur fermeture, ont dit qu’ils ne les redémarreront pas. Le patron s’est retrouvé tout seul, sans aucun savoir-faire pour lancer les lignes ! » explique Christian.

A la suite de près d’un an de lutte et de refus de se plier aux projets de leur patron, c’est une victoire pour les travailleurs et les travailleuses de Neuhauser : « finalement, la direction n’a pas eu d’autre choix que de céder. Elle a décidé d’ouvrir pour commencer une ligne de production et a embauché 22 personnes immédiatement. Il y aura 57 embauches en tout sur 2 ans pour une seule ligne ». Une victoire qui ne se limite pas à une augmentation des postes : « les salariés qui vont accepter de démarrer ces lignes bénéficieront d’un maintien de leur salaire actuel, même dans le cas où ils ne seront qu’en journée et auraient pu perdre leur rémunération de nuit ». Le délégué syndical précise également que « même en termes d’investissements c’est une belle victoire, car en termes de conditions de travail pour les postes de ces nouvelles lignes, l’enveloppe prévue au départ a été triplée ! ».

Un succès de la lutte d’autant plus marquant que Thierry Blandinières, le PDG, avait contacté la presse pour annoncer en grande pompe qu’il allait ouvrir les lignes et imposer aux salariés cette surcharge de travail. Une démonstration qui montre que la mobilisation paye et que la victoire est possible pour l’ensemble travailleurs et des travailleuses qui relèvent la tête, comme beaucoup le font dans cette nouvelle vague de grèves pour les salaires. A cet égard, les salariés de Neuhauser continuent de lutter face à l’inflation, dans le sillage du mouvement contre Macron et sa réforme des retraites, comme nous l’indique Christian : « on s’est mobilisé contre la réforme des retraites, et maintenant nous sommes en plein contexte de Négociations Annuelles Obligaoires pour les salaires où le patron ne veut nous donner que 1,8% d’augmentation, mais pour ça aussi on va se battre ! ».