Il s’agissait d’une manifestation nationale à l’appel des organisations de solidarité avec la Palestine, BDS Pays-Bas, DocP, le Centre d’information et solidarité avec la Palestine, le CEMCO, Centre euro-méditerranéen pour la migration et le développement, d’associations locales et des petites organisations de la gauche radicale néerlandaise, et le succès a été au rendez-vous, dépassant très largement les attentes des manifestants : 20.000 personnes, dimanche après-midi, selon les organisateurs, 15.000 selon la presse néerlandaise, qui est toujours très pondérée dans ses comptages et avait évoqué, dans un premier temps, « quelques centaines de participants ».
Le rendez-vous avait été fixé à 14h sur la place du Dam, lieu traditionnel des rassemblements à Amsterdam. Devant le Palais royal, les prises de parole se sont succédé, rappelant les raisons de la mobilisation de solidarité contre le crime majeur qui est aujourd’hui mené par l’armée israélienne, mais faisant place également aux témoignages, émouvants, à l’image de ces deux jeunes, d’Utrecht, rappelant comment leur famille, sur place, à laquelle ils avaient rendu visite il y a quelques semaines, pendant l’été, a été littéralement enterrée sous les bombes de Tsahal : « Qu’avait fait ma tante ? Qu’avaient fait mes cousins, mes cousines, pour mériter cela ? ».
De quelque millier de personnes rassemblées, un cortège s’est mis en place alors que la ville était paralysée par le marathon d’Amsterdam, rendant compliquée la circulation et l’accès à la manif. La mobilisation a été rejointe par plusieurs milliers de manifestantes et manifestants qui ont nourri un long ruban de drapeaux palestiniens qui ont coloré les canaux du centre-ville. Dans la mobilisation, un nombre très important de jeunes et de familles, venus des quartiers populaires des grandes villes du pays, et quelques petites cortèges organisés de la gauche radicale des Pays-Bas, à la fois palestinienne et néerlandaise, notamment Bij1 ou le NPCN, mais en l’absence du Parti Socialiste, qui n’a rien à voir avec le parti du même nom en France ou dans l’Etat espagnol mais qui représente le courant de gauche radicale le plus important du pays, avec des liens avec le mouvement syndical.
Côté syndical, la direction de la grosse fédération néerlandaise, la FNV, s’est gardée d’appeler à mobiliser, demandant à la communauté internationale d’intervenir pour faire cesser le « conflit », à l’instar du SP qui fait appel à l’ONU. La manifestation massive, pour les Pays-Bas, s’est finie à Westerpark, le plus souvent applaudie par les passants, les touristes ou les Amstellodamois aux balcons. Le rassemblement pro-israélien, prévu un peu plus tard sur Beursplein, n’a tout simplement rassemblé… personne.
Le plus intéressant vis-à-vis de la situation néerlandaise, c’est que la manif de ce dimanche est sans doute la plus importante mobilisation progressiste de ces dernières années, depuis avant le Covid. Depuis, l’espace de protestation, dans la rue, a surtout été occupée par des mobilisations plutôt marquées à droite, voire très à droite, contre les obligations vaccinales et les mesures anti-Covid prises par le gouvernement, en soutien aux gros exploitants agricoles et gros éleveurs néerlandais, soi-disant représentatif d’un modèle paysan menacé par la politique du gouvernement libérale de droite sortant. Tout cela a débouché sur une montée importante de la droite populiste, à travers les bons scores du Mouvement Agriculteur Citoyen aux dernières régionales et qui se voit marcher dans les pas de l’AfD allemande lors des élections générales du 22 novembre prochain.
Cela ne veut pas dire que les mobilisations pour le climat n’ont pas été ponctuellement importantes, mobilisant surtout la jeunesse lycéenne et étudiante, ou que l’an passé n’a pas été le cadre de grèves importantes, victorieuses, contre l’inflation et pour des augmentations de salaires, dans les transports, l’éducation ou la santé, mais que la FNV s’est évertuée à maintenir dans un cadre corporatiste et à l’écart des autres grandes questions sociales et politiques du pays. Aussi, plusieurs milliers de manifestants dans les rues d’Amsterdam, plus encore en solidarité avec la Palestine, dénonçant les crimes de l’Etat d’Israël et dénonçant la complicité du gouvernement Rutte avec celui de Netanyahu, voilà qui pourrait être prometteur, pour l’avenir.
En tout état de cause, Amsterdam était aux couleurs de Gaza, ce dimanche et partout, alors que les manifestants rentraient chez eux, en famille ou entre amis, drapeaux rouges-verts-noirs et blancs au vent, « Vrij Palestine » a résonné longtemps, dans les rues du centre-ville.
