A la veille de la mobilisation du 6 avril, Laurent Berger a surpris ses interlocuteurs sur BFM TV hier soir. En réponse aux journalistes qui le questionnaient sur la « sortie de crise » en cas de promulgation de la loi, le secrétaire général de la CFDT a répondu : « peut-être qu’il n’y aura pas de porte de sortie et que cette loi sera promulguée et qu’elle s’appliquera ».

Laurent Berger reconnaît la légitimité du Conseil constitutionnel et prépare sa sortie

Les journalistes insistent : « vous ferez quoi [dans ce cas] ? (…) si elle est promulguée il n’y a plus la CFDT dans le mouvement social ? ». Le secrétaire de la CFDT a alors précisé : « on continuera de dire ce qu’on pense de cette loi. Les décrets d’application devront être écrits et ils sont extrêmement importants car quand on touche aux décrets, on touche à la vie des gens » avant d’ajouter « et si vous demandez s’il y aura toujours une manifestation par semaine dans six mois, la réponse est non ». Une position réaffirmée plus clairement encore ce jeudi.

Si Laurent Berger a pointé ce matin : « plusieurs scénarios possibles » il a affirmé qu’« il n’est pas question de contester la légitimité du Conseil constitutionnel ». Et d’ajouter : « on reconnaîtra sa décision mais ça ne veut pas dire qu’on arrêtera de dire ce qu’on pense de cette réforme. » Des déclarations, que Laurent Berger a confirmé dans le cortège de la manifestation jeudi, affirmant qu’il reconnaîtrait bien la décision des « sages ».

Des sorties qui ne sont pas anodines. Elles indiquent en effet la direction que compte prendre la CFDT si la loi venait à être validée par le Conseil Constitutionnel. Et ce n’est manifestement pas celle de la mobilisation. Malgré le passage totalement anti-démocratique de la loi, le leader de la CFDT prépare déjà les esprits à la fin de séquence de mobilisation par les journées de grève et manifestation suite à la décision du Conseil constitutionnel.

Une position qui se combine à la nouvelle perspective « militante » que Laurent Berger a cherché à dessiner pour la suite. Alors même qu’il dit ne « pas parier énormément » sur la décision du Conseil Constitutionnel, il mise tout sur le Référendum d’Initiative Partagée. Toujours sur BFM TV, il a ainsi affirmé être « persuadé que les 4,8 millions de signatures » seraient trouvées pour le RIP déposé par les parlementaires sur une nouvelle réforme des retraites. « Les militants sont très prêts à aller récupérer les signatures » a-t-il confié, mettant de côté les énormes obstacles à l’imposition de la moindre mesure par l’intermédiaire de cette procédure ultra-complexe et incertaine pour mieux commencer à clore la séquence de mobilisation.

Laurent Berger se prépare à sortir de la mobilisation, les syndicats à la base doivent le dénoncer !

Alors que la journée de mobilisation du 6 avril reste massive, ni la décision du Conseil Constitutionnel ni un hypothétique RIP ne peuvent être une issue pour le mouvement. Ces stratégies sont au contraire des impasses, et risquent de servir de prétexte à la liquidation du mouvement. D’autant que, pendant que Laurent Berger prépare clairement sa sortie du mouvement social, la position de la direction de la CGT reste incertaine. Si Sophie Binet affirme toujours qu’« il n’y a pas d’autre issue que le retrait de cette réforme », dénonçant un « gouvernement bunkérisé », elle a affirmé qu’à l’issue du 14 avril « la mobilisation continuera[it] sous une forme ou une autre ». Une déclaration suffisamment floue pour interroger.

Malgré les contradictions du mouvement, la seule perspective pour gagner se situe toujours sur le terrain de la mobilisation, par la construction d’un rapport de forces par la grève. Cela implique concrètement aujourd’hui de défendre les grèves reconductibles en cours, dans l’énergie et les raffineries, face aux réquisitions, mais aussi de construire un plan pour les étendre. Une stratégie que l’intersyndicale, à commencer par Laurent Berger, s’est toujours refusée à porter.

Face à ceux qui préparent une « porte de sortie » pour en finir avec la mobilisation, le mouvement ouvrier doit réagir et dénoncer ces manœuvres. Plus que jamais, il faut que la base prenne ses affaires en mains, en organisant dès maintenant la coordination des secteurs à la base. C’est ce qu’ont exprimé de nombreux syndicalistes et intellectuels dans une tribune impulsée par le Réseau pour la grève générale, et publiée par Politis ce mardi : « L’heure n’est pas au compromis, mais à rompre avec ce qui n’a pas marché jusqu’ici et à mettre en place une stratégie pour gagner. (…) Il nous faut maintenir la lutte, la grève, les manifestations, les actions et les blocages, en renforçant sur le terrain les comités d’actions et AG Interpro et en les coordonnant au service de cette perspective ».