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Covid et révolte

Confinement et misère : le retour des « révoltes de la faim » au Liban

Depuis plusieurs jours, Tripoli, deuxième ville du Liban, est secouée par une série de manifestations qui s’inscrivent dans la lignée des mouvements sociaux qui se succèdent dans le pays depuis 2019. En ligne de mire, le confinement et son lot de misère, qui ont amené un retour des « révoltes de la faim ».

Julian Vadis

30 janvier 2021

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Crédits photo : AFP / Joseph Eid

Depuis 2019, le Liban vit au rythme d’épisodes profonds de luttes sociales. Une mobilisation historique en octobre 2019 pour le départ de la classe dirigeante comme point de départ d’une crise politique qui secoue le pays depuis un an et demi.

Et alors que c’est au Liban que les premières « révoltes de la faim » du monde post-Covid ont eu lieu en avril dernier, les révoltes ont repris de plus belle ces derniers jours, à Tripoli.

Des manifestations qui reprennent la thématique de la misère, en plein confinement. Dans des propos relayés par Le Monde, un manifestant de 20 ans explique ainsi que « les gens ont faim » et que c’est « pour demander de la nourriture » que la population a pris la rue. Un autre manifestant explique ainsi qu’il a été décidé « de poursuivre notre action, quel que soit le prix[…], car nous n’avons plus rien à perdre ».

C’est donc bel et bien à une nouvelle « révolte de la faim » que le régime libanais fait aujourd’hui face. En effet, les conditions de vies, déjà mise à mal en août dernier, où après les explosions de Beyrouth, le risque de pénurie alimentaire était présent, ce qui avait par ailleurs débouché sur un soulèvement populaire qui avait conduit à la démission du gouvernement, la situation est toujours aussi dramatique. Comme l’explique Stanislas Poyet dans un article du Figaro, « partout au Liban, le confinement a appauvri directement la population, mais Tripoli, parce qu’elle est une ville particulièrement pauvre, subit les conséquences économiques des mesures sanitaires. « Ces mesures mettent à mal l’économie informelle, dont vit la plupart de la population de la ville », explique Raphaël Gourrada, auteur d’une thèse de science politique sur le Liban à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). La plupart des Tripolitains ne sont pas salariés et vivent de travaux journaliers, ils sont chauffeurs de taxi, commerçants, ou encore ouvriers. Le confinement les précipite dans la misère. La deuxième ville du pays, un temps riche de son activité portuaire florissante, n’a cessé de perdre son attractivité économique depuis les années 1920. À l’époque, la formation du grand Liban, un état autonome de la Syrie sous mandat français, a marginalisé cette ville, excentrée, au profit de Beyrouth, la capitale ».

Ainsi, si aujourd’hui la contestation se déroule à Tripoli, il est clair que tous les éléments sont réunis pour une extension des révoltes à d’autres grandes villes du pays, qui plus est dans cette période intense de lutte des classes au Liban. Dans ce cadre, le régime, déjà fortement secoué, n’a d’autres réponses que la répression intense de ce mouvement naissant. Selon l’Agence nationale d’information, 226 personnes ont été blessées lors de la manifestation du mercredi 27 janvier. Ce jeudi 29, le bilan est encore plus lourd, avec plus de 400 blessés et un mort.

Des violences contre les contestataires qui s’inscrit dans la lignée de la répression d’août dernier, avec l’instauration d’un état d’urgence et de violences contre les manifestants.

Alors qu’Emmanuel Macron avait tenté de jouer la carte de l’ingérence impérialiste en août dernier, la question d’un soutien internationaliste aux révoltés est aujourd’hui essentielle. Il s’agit là d’un mouvement naissant contre la précarisation qui, à échelle mondiale, touche notre camp social, par-delà les frontières.


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