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Les failles d’un pouvoir « illibéral »

Crise politique en Pologne. Le parlement est occupé

La Pologne connait des tensions politiques depuis plusieurs semaines. Mais la crise a connu un saut vendredi dernier quand les députés de l’opposition ont occupé le parlement et des manifestants se sont rassemblés à l’extérieur spontanément contre une nouvelle mesure antidémocratique. Malgré le recul partiel du gouvernement ultraconservateur, la crise continue et s’approfondit dans un pays fortement polarisé.

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En effet, la dernière mesure qui a déclenché des mobilisations à Varsovie et dans plusieurs villes du pays pendant plusieurs jours visait à limiter le nombre de médias autorisés à pénétrer au sein du parlement et interroger les députés. Pour les opposants du gouvernement du parti ultraconservateur Loi et Justice (PiS), il s’agit d’une tentative de limiter la liberté de la presse dans un contexte où le PiS effectue un tournant autoritaire depuis qu’il a pris le pouvoir fin 2015.

Les députés de l’opposition ont ainsi décidé d’occuper la chambre principale du parlement, qui se poursuit toujours. Spontanément des rassemblements avec des milliers de personnes ont eu lieu en face du parlement. La foule ne voulait pas laisser partir les députés du PiS et selon des témoignages certains voulaient même l’envahir. La police a dû l’empêcher et ce n’est qu’à 4 heures du matin que les députés on pu sortir escortés.

Parallèlement et face à l’impossibilité d’utiliser la salle principale pour les séances du parlement, les députés du PiS se sont réunis dans une autre salle du bâtiment et ont voté en toute illégalité, ni plus ni moins, le budget pour 2017. A cela il faut ajouter le fait que cette semaine le président de la Court Constitutionnelle a été remplacé par une proche du parti au pouvoir alors que le gouvernement a nommé l’année dernière trois juges de manière totalement illégale.

Face à cette tentative de contrôle total des principales institutions de l’Etat par le PiS, Bruxelles a protesté et menacé de sanctionner la Pologne mais Viktor Orban, le premier ministre hongrois, a déjà déclaré qu’il mettrait son veto sur toute tentative de sanction contre le pays voisin et allié.

Pour calmer les tensions, et surtout face à la mobilisation, le gouvernement a reculé (partiellement) sur la tentative de limiter l’accès au parlement à la presse. Cependant, cela n’a pas suffi pour mettre fin à la crise. Les députés de l’opposition d’ailleurs continuent leur occupation du parlement et exigent qu’un nouveau vote du budget ait lieu. Le président du PiS, l’influent Jaroslaw Kaczyński, a mis en garde les députés de l’opposition en affirmant qu’ils s’engageaient dans un comportement « criminel ». L’opposition déclare qu’elle compter continuer l’occupation pendant les fêtes de fin d’année.

Il s’agit de la crise politique la plus grave en Pologne depuis plusieurs années. Une situation inouïe où des députés occupent le parlement et sont menacés, indirectement, d’être délogés par la force.

Mais cette crise ne se traduit pas seulement par « en haut ». Il y a des expressions importantes de résistance dans les rues. En effet, en octobre dernier on a déjà vu un mouvement massif de femmes contre l’interdiction totale de l’IVG. A l’époque le gouvernement a dû reculer. Et la gronde monte également dans d’autres secteurs comme chez les enseignants qui s’opposent à la réforme de l’éducation qui menace non seulement de dégrader la qualité de l’enseignement mais aussi menace des milliers de postes de travail.

Cependant, le gouvernement continue à être populaire, notamment en dehors des grandes villes. En effet, le discours ultra catholique, nationaliste, promettant « nettoyer » les institutions de l’Etat ainsi que quelques mesures sociales comme l’abaissement de l’âge de départ à la retraite (de 67 à 65 ans) permettent au gouvernement du PiS de gagner une certaine popularité parmi des secteurs populaires. Malgré l’hostilité des dirigeants polonais vis-à-vis de la Russie, il s’agit d’un modèle très proche du « pacte social » du régime de Poutine : quelques concessions sociales en échange de libertés démocratiques et d’un mode de gouvernance autoritaire.

Au-delà de certains messages alarmistes exagérés, il y a une crainte réelle que dans ce contexte de polarisation politique et sociale que la crise puisse prendre un tournant violent. Mais alors que toute une série de partis dit « populistes » de droite commencent à progresser électoralement à l’aune de la crise des partis traditionnels, la Pologne montre à sa façon les contradictions que ce type gouvernements pourrait provoquer. Une mesure prise en dehors du rapport de force entre les classes pourrait provoquer une réaction des travailleurs et des secteurs populaires. Et cela représente une énorme préoccupation non seulement pour ces gouvernements dits « illibéraux » mais aussi pour l’ensemble des partis pro-capitalistes.


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