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Analyse

France travail : traquer les chômeurs pour les obliger à accepter n’importe quel emploi

Annoncée dès l’élection d’Emmanuel Macron, la réforme du RSA devrait être discutée au Parlement dès juin. Une attaque d’ampleur qui prévoit le conditionnement du RSA à 15 à 20 heures d’activité et le renforcement des sanctions pour les bénéficiaires de l’allocation-chômage.

Antoine Weil

20 mai 2023

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France travail : traquer les chômeurs pour les obliger à accepter n'importe quel emploi

Crédits photo : O Fil Des Contrastes

On l’a compris, pour sortir de la séquence de contestation contre sa réforme des retraites, Macron veut s’attaquer aux plus précaires pour reprendre l’ascendant, entre réforme du RSA, loi sur l’immigration et mise au travail des élèves de lycées professionnels

Au cœur de cette offensive, on trouve l’initiative France Travail, censée réformer Pôle Emploi pour regrouper différentes allocations sociales, en s’attaquant notamment au RSA, avec 15 à 20 heures « d’insertion » obligatoire, pour continuer de bénéficier de l’allocation. Retour sur cette attaque, qui vise les allocataires du RSA et veut renforcer la compétition sur le marché du travail, en contraignant les chômeurs à accepter n’importe quel emploi.

Le gouvernement veut attaquer le RSA dès le mois de juin

Après que le projet de la refonte de Pôle Emploi en France Travail ait été rendu public le 14 avril dernier, le gouvernement voudrait accélérer sur ce dossier, comme en témoignent les récentes déclarations d’Elisabeth Borne lors d’un voyage sur l’île de La Réunion samedi dernier. Aussi, le projet devrait en effet être présenté au Conseil des ministres en juin, avant d’être examiné au Sénat dès le début de l’été, comme l’explique Marc Ferracci, député Renaissance et en charge du « groupe de travail du projet de loi sur le plein-emploi et le partage de la valeur ».

« L’objectif est de mieux connaître et accompagner les personnes sans emploi pour un retour plus rapide au travail » explique Thibault Guilluy, haut-commissaire à l’Emploi et rédacteur de l’avant-projet de réforme. Pour mener à bien cet « objectif », face à un système jugé trop complexe, « illisible » comme aiment à le dire les macronistes pour justifier leurs attaques contre les droits sociaux, il faudrait regrouper un certain nombre d’aides sociales, comme l’assurance chômage, le RSA, allocations destinées aux jeunes ou aux personnes en situation de handicap, en facilitant la coopération entre l’Etat, les départements ou les missions locales. Derrière les éléments de langage, le caractère néolibéral de ce projet est en réalité très clair. Il comprend en effet une des principales mesures annoncées par Macron durant sa campagne présidentielle, à savoir le fait de contraindre l’allocation du RSA à l’exercice de 15 à 20 heures d’activité.

15 à 20 heures de travail contraint : une arme pour sanctionner les allocataires

Si les allocataires refusent de passer 15 à 20 heures par semaine pour travailler à leur « insertion » , sous forme de formations, d’ateliers pour rédiger des CV ou de stages en entreprise, ils pourraient perdre la maigre aide de 607,75 € à laquelle ils ont le droit. Samedi 13 mai, Elisabeth Borne confirmait en effet qu’« il y aura bien la possibilité de suspendre » les droits des allocataires, avec « un dispositif de sanctions dès lors qu’on aura accompli, de notre côté, notre part de responsabilité, c’est-à-dire qu’on aura mis la personne bénéficiaire du RSA en situation de suivre le parcours qu’on lui a proposé ». En d’autres termes, il faudra suivre le parcours imposé par l’Etat et accepter des tâches non payées pour ne pas se retrouver sans aucune indemnité, et ainsi être condamné à tomber dans la grande pauvreté.

La majorité a beau fustiger ceux qui évoquent le retour du travail gratuit, il s’agit bien d’une attaque d’une grande violence contre les allocataires du RSA, qui comprend des formes de travail obligatoire. Le recours contraint à des stages constitue en effet une mesure particulièrement liberticide, quand on sait que dans la réalité l’immense majorité des entreprises utilisent leurs stagiaires pour effectuer des tâches devant être rémunérées, pour se payer une main d’oeuvre gratuite ou quasi-gratuite. En ce sens, le gouvernement prolonge et accentue une tentative déjà amorcée à la fin du premier mandat de Macron, avec le contrat d’engagement jeune et veut mettre au pas un des secteurs les plus précaires du monde du travail.

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Regrouper les allocations pour renforcer les contrôles et les sanctions

Mais si le projet de refonte du RSA avec France Travail vise ainsi à accentuer les sanctions contre les allocataires, en posant des contraintes supplémentaires pour renforcer la pression sur les bénéficiaires, l’offensive ne s’arrête pas là. Le renforcement des sanctions devrait également être permis pas la fusion des différentes aides sociales, et toucher également les travailleurs recevant l’allocation-chômage. Si ces derniers refusent « sans motif légitime » d’élaborer leur contrat d’engagement, leurs droits pourraient être suspendus, comme l’explique le média Capital.

L’argumentaire macronien reproduit les poncifs libéraux habituels. En charge du dossier, le député macroniste, Marc Ferracci, estime que les « difficultés sont moindres » pour trouver un emploi, malgré les 2,2 millions de chômeurs au premier trimestre 2023, et qu’il faut réformer des sanctions qui ne seraient « pas assez appliquées ». Même son de cloche du côté d’Elisabeth Borne qui a déclaré samedi « on doit continuer à viser les leviers pour permettre à chacun de revenir vers un emploi. C’est d’autant plus important dans un contexte où on sait qu’il y a beaucoup d’entreprises qui cherchent à recruter et qui disent qu’elles n’y arrivent pas  ». Comprendre : s’il reste des chômeurs, c’est parce ceux-ci refuseraient de retourner au « travail » pour continuer à profiter des « aides sociales ». En réalité derrière la cabale sur les « assistés », le renforcement de la contrainte sur les bénéficiaires d’aides sociales et le regroupement des allocations chômage avec le RSA ciblent l’ensemble des travailleurs qui peuvent connaitre des périodes de chômage et d’inactivité.

Face à cette attaque, il faut une réponse du monde du travail !

En contraignant à accepter n’importes quelles offres d’emploi, l’objectif du pouvoir est d’aller vers un marché du travail toujours plus concurrentiel, où les travailleurs sans emploi doivent remplir les postes vacants sans conditions, mais aussi les travailleurs employés sous la pression d’être remplacés aisément, notamment s’ils contestent le fonctionnement de leur entreprise. Dans la même lignée que la réforme des lycées professionnels, qui prévoit l’augmentation de 50% des stages pour les élèves de terminale, avec la réforme « France Travail » le gouvernement veut nous contraindre à travailler à n’importe quelle condition pour construire une main d’œuvre précaire et corvéable au patronat.

Alors que le gouvernement veut profiter du discours ambiant contre les « assistés » et la « fraude sociale » pour faire passer cette attaque, le mouvement ouvrier doit répondre contre cette offensive. Le chômage est une des pires irrationalités du système capitaliste qui condamne une partie des travailleurs à la misère et les autres à se tuer au travail. Alors que l’inflation continue de grimper et que la vie est de plus en plus chère, il est plus que jamais inadmissible que des travailleurs soient privés d’un emploi pendant que d’autres s’épuisent par de longues journées et de lourdes charges de travail. Pour donner un travail à ceux qui sont au chômage, il faut réduire le temps de travail de ceux qui ont déjà un travail.

Après nos retraites, c’est donc à un autre acquis historique du mouvement ouvrier que s’en prennent Macron et ses députés. Plutôt que de négocier avec un gouvernement qui vise les plus précaires, les directions syndicales doivent se saisir de cette question, pour organiser la lutte contre le projet France Travail, de concert avec la mobilisation contre la réforme des retraites.


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