On savait déjà que la CFDT et la CFTC voulaient reprendre le chemin de l’Elysée après le 1er mai. La CGT, de son côté, avait jusqu’alors refusé de prendre clairement position. Au lendemain de la présentation de la feuille de route d’Elisabeth Borne, Sophie Binet a tenu à dissiper les doutes qui pouvaient encore subsister. La CGT reprendra les discussions avec le gouvernement dans les prochaines semaines a déclaré la secrétaire générale de la centrale syndicale sur le plateau de RTL ce jeudi, à condition que l’on parle « augmentation des salaires ». Un pas supplémentaire en direction du « dialogue social » qui aurait comme conséquence évidente de fermer la séquence sur les retraites, tout en désarmant les travailleurs au profit de discussions et de négociations impuissantes avec le gouvernement.

Quel plan après le 1er mai ? Pas de plan de bataille mais du « dialogue social »

La déclaration de Sophie Binet sur RTL ce jeudi, n’est pas un hasard. Si la secrétaire générale de la CGT continue de se vouloir ferme sur la forme et de revendiquer le retrait du texte, le centre de gravité politique de la centrale, comme de l’ensemble des directions syndicales, se situe de plus en plus du côté de la réouverture de discussions avec le gouvernement. « La mobilisation du 1er mai sera inédite et exceptionnelle » veut croire la syndicaliste.

Pour ce qui est de la suite du combat, aucun plan de bataille effectif à l’horizon en revanche, sinon une nouvelle proposition de loi déposée par le groupe parlementaire LIOT dans le but d’abroger la réforme des retraites. C’est que l’intersyndicale se prépare plus ou moins ouvertement, selon les centrales, à tourner la page de la contestation dans la rue et les entreprises après le 1er mai.

Pour que la CGT revienne à la table des négociations, on comprend qu’il manque seulement que l’on parle des « des vrais sujets ». Sous couvert de discuter des « salaires » côté CGT, des « conditions de travail » pour la CFDT, les directions syndicales vont donc, très probablement dans les mois à venir, s’asseoir à la table d’un gouvernement qui a pourtant très clairement exprimé son intention de tourner la page des retraites par de nouvelles contre réformes en direction des précaires et des immigrés ainsi que par une politique de la rigueur.

Le « dialogue social » ne peut mener qu’à négocier la régression sociale et désarmer les travailleurs

Face à cette politique il y a urgence à dénoncer ce « dialogue social » qui ne peut mener qu’à la négociation de la régression sociale. Celui-ci n’a eu cesse de démontrer qu’il était en réalité une courroie de transmission des contre-réformes sociales, comme on l’a vu de manière éclatante sous le quinquennat Hollande, notamment dans le cadre de l’Accord National Interprofessionnel qui avait permis de généraliser les accords dits de compétitivité. Loin d’obtenir des avancées pour les travailleurs, il agit comme un substitut à la lutte qui désarme les travailleurs, tout en laissant passer des attaques contre le monde du travail comme cela a été le cas pour la réforme de l’assurance-chômage.

Surtout ce retour du « dialogue social » ne surgit pas à n’importe quel moment. Il s’inscrit dans un contexte bien particulier avec à un gouvernement très affaibli par la crise ouverte par la réforme des retraites qui fait face à une colère du monde du travail toujours énorme. Preuve en est, depuis que le chef de l’Etat a annoncé « cent jours d’apaisement », les mêmes casseroles, sifflets, insultes et casseroles accompagnent chacune de ses sorties, et celles de ses ministres, et témoignent des difficultés du gouvernement à reprendre la main. Dans ce cadre, le gouvernement cherche à renouer les liens avec les directions syndicales pour pacifier la lutte de classe.

C’est dans la rue et par la grève que nous pourrons gagner face à Macron

Face à l’impasse du « dialogue social », une autre politique est possible. Cela d’autant plus que la colère qui continue de s’exprimer est loin de se cantonner à la seule question des retraites, mais, de plus en plus s’immisce sur le terrain des salaires. Ces dernières semaines, en effet, les luttes dures pour les salaires se sont multipliées. « Et si les grèves reconductibles contre la réforme des retraites se sont arrêtées, les grèves pour des augmentations de salaires continuent inexorablement, que ce soit du côté des travailleuses du textile de Verbaudet, chez les sous-traitants d’Amazon, les éboueurs du SIVOM en Essonne ou encore chez Airbus » notent, à juste titre, Paul Morao et Arthur Nicola dans un article, à propos du 1er mai et ses perspectives.

Une dynamique qui a déjà permis localement d’arracher des victoires importantes, comme au Bourget après quatre mois de lutte ou encore à Samsic après 16 jours de reconductible. Alors que le gouvernement est toujours aussi affaibli, ces grèves reconductibles montrent la voie à suivre, mais aussi la possibilité maintenue pour le monde du monde du travail de sortir par en haut d’une séquence qui reste ouverte.

« Je suis sûr que si dans tout le pays, dans chaque boite il y avait eu aussi des revendications sur les salaires, il y aurait eu des milliers d’exemples comme le nôtre et même une pression sur le pouvoir pour imposer aux patrons des augmentations partout. » résumait Anasse Kazib dans un entretien pour Révolution Permanente à propos de la victoire des aiguilleurs du Bourget. Autant d’exemples qui montrent la direction à prendre.

A l’inverse du « dialogue social », c’est une autre orientation qu’il faut défendre. Il s’agirait d’unifier ces luttes, au service de la construction d’une stratégie qui mette au centre la perspective de la généralisation de la grève. Or, pour aller dans cette direction, nous ne pouvons pas nous contenter d’attendre des directions syndicales qu’elles dessinent un réel plan de bataille, il est indispensable que les travailleurs et les syndicats de base, quelles que soient leurs étiquettes, commencent à prendre leurs affaires en main, en s’organisant par en bas, pour participer à construire un plan de bataille alternatif.